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Partenariat public-privé : Les opérateurs appellent à un cadre juridique adapté

Responsables et experts ont convergé vers la nécessité d’accélérer la mise en place d’un cadre juridique adapté au partenariat public-privé. Une réforme dans ce sens a été annoncée par les pouvoirs publics et un projet de loi est en cours de finalisation.

Les grands projets d’infrastructures socio-économiques en Algérie devra s’appuyer sur le partenariat public-privé (PPP), un mode de financement et de gestion qui doit non seulement alléger le budget de l’État, mais aussi favoriser l’émergence de sociétés « championnes » dans ce secteur stratégique. Cette question a fait l’objet d’une rencontre organisée vendredi dernier à Alger par l’Union nationale des entrepreneurs publics (Unep), au cours de laquelle responsables et experts ont convergé vers la nécessité d’accélérer la mise en place d’un cadre juridique adapté à ce mode de collaboration. Dans un contexte de diversification économique et d’optimisation des ressources publiques, le PPP apparaît comme une solution prometteuse pour maintenir l’élan de développement des infrastructures tout en consolidant le tissu industriel national. Le projet de loi en cours de finalisation sur ce dispositif est attendu avec impatience par les acteurs économiques, qui y voient un catalyseur potentiel pour stimuler l’investissement dans les secteurs névralgiques tels que les routes, les ports, le rail, les hôpitaux et les services publics essentiels. Le modèle du partenariat public-privé, qui confie à une entreprise privée la responsabilité de financer, concevoir, construire, exploiter et entretenir une infrastructure en échange d’une rémunération généralement étalée sur une longue période, représente une évolution significative dans la conception des grands projets en Algérie. Si l’État demeure propriétaire de l’ouvrage, il délègue néanmoins sa gestion et son exploitation à un acteur privé pour une durée déterminée pouvant atteindre 30 ans, introduisant ainsi une flexibilité et une efficience nouvelles dans la réalisation des infrastructures nationales.

Une expérience pas totalement nouvelle

Salim Telidji, directeur général de la Caisse nationale d’équipement pour le développement (Cned), a rappelé lors de cette rencontre que l’expérience algérienne en matière de PPP n’est pas totalement nouvelle. « L’Algérie a déjà adopté ce modèle pour certaines infrastructures socio-économiques dans les années 2000, mais dans le cadre de lois sectorielles », a-t-il précisé, soulignant que « la nouvelle loi en préparation vise à combler un vide juridique et à permettre au secteur économique dans son ensemble de participer pleinement aux grands projets d’infrastructure ». Cette déclaration met en lumière la volonté des autorités d’élargir le champ d’application du PPP et d’en faire un outil de développement économique transversal. La Cned, placée sous la tutelle du ministère des Finances, joue un rôle central dans ce processus grâce à sa mission d’évaluation des grands projets d’infrastructures économiques et sociales. L’institution procède à l’examen des études de maturation, au suivi de la réalisation et à l’évaluation rétrospective de la mise en œuvre des projets, contribuant ainsi à optimiser l’efficience des dépenses publiques dans un contexte où la rationalisation budgétaire devient une priorité nationale. Les avantages du PPP, tels que détaillés par M. Telidji, sont multiples et correspondent aux défis actuels de l’économie algérienne. « Ce modèle permet de soulager le budget de l’État en mobilisant des financements privés pour des projets publics, tout en améliorant la gestion de ces projets et en favorisant l’outil national de réalisation », a-t-il souligné. Cette dimension est particulièrement importante alors que l’Algérie cherche à optimiser ses ressources financières tout en maintenant un rythme soutenu de développement des infrastructures. L’expérience internationale en la matière est éloquente, comme l’a rappelé le directeur général de la Cned : « De nombreux pays dans le monde utilisent ce modèle pour faire émerger des champions nationaux. » Cette perspective est encourageante pour l’Algérie qui, selon lui, « dispose d’un grand nombre de sociétés dans divers secteurs susceptibles de tirer parti du PPP une fois qu’un cadre juridique sera mis en place ». Le projet de loi en préparation vise précisément à créer les conditions favorables à cette évolution en « clarifiant son champ d’application, établissant un cadre organisationnel et institutionnel, et définissant de manière précise les procédures d’attribution des contrats ainsi que les modalités de rémunération ». La dimension juridique du PPP a également été abordée par Boubekeur Aït Abdellah, expert en infrastructures et logistique, qui a insisté sur l’importance de la sécurisation du cadre légal pour tous les acteurs impliqués. « Le projet de loi sur le PPP apportera une sécurité juridique, notamment pour le secteur privé, en encadrant cette activité et en clarifiant les concepts », a-t-il affirmé. Cette clarification est essentielle pour instaurer la confiance nécessaire à l’engagement des investisseurs privés dans des projets de longue durée. Au-delà des aspects juridiques, l’expert a également mis en avant la nécessité d’une approche pédagogique pour familiariser les acteurs économiques avec ce mode de gestion. Il a ainsi insisté sur « l’importance de mener des actions de communication pour vulgariser ce mode de gestion de projets, notamment auprès des opérateurs économiques publics et privés », tout en appelant à « l’élaboration de guides de bonnes pratiques à mettre à la disposition des gestionnaires, afin de rendre les notions du PPP accessibles ». Cette dimension formative apparaît comme un complément indispensable au cadre législatif pour garantir le succès des futurs partenariats. La rencontre organisée par l’Unep s’inscrivait dans une réflexion plus large sur « le rôle de l’entreprise dans l’émergence de l’économie algérienne », thématique particulièrement pertinente à l’aube d’une année considérée comme décisive pour le développement économique du pays.

2025, « une année décisive »

Charaf Eddine Amara, président de l’Unep, a d’ailleurs qualifié 2025 d' »année décisive » pour l’Algérie, caractérisée par une « accélération économique » visant à atteindre un PIB de 400 milliards de dollars d’ici 2027. L’Union nationale des entrepreneurs publics, fondée il y a 35 ans, entend jouer pleinement son rôle dans cette dynamique en tant que « force de proposition » dans la sphère socio-économique nationale, comme l’a rappelé son président. La vision défendue par M. Amara établit un lien direct entre développement économique et souveraineté nationale : « L’idée d’une économie forte est indissociable de la notion de sécurité nationale. Une économie solide contribue non seulement à la création d’emplois et à la réduction des inégalités sociales, mais elle renforce également la capacité du pays à faire face aux chocs externes. » La création récente d’un think tank au sein de l’Unep, évoquée par M. Amara, illustre cette volonté de contribuer activement à la réflexion économique nationale. Cet espace animé par des experts, chercheurs et managers nationaux témoigne de la mobilisation des compétences algériennes autour des enjeux de développement économique et pourrait jouer un rôle significatif dans l’élaboration de propositions concrètes concernant le PPP et d’autres mécanismes de croissance. En favorisant la participation du secteur privé aux grands projets d’infrastructures tout en préservant la propriété publique des ouvrages, le PPP offre une voie médiane qui pourrait concilier les impératifs de développement, d’efficience économique et de souveraineté nationale. Les attentes sont importantes tant du côté des pouvoirs publics que des opérateurs économiques, qui y voient l’opportunité de dynamiser l’investissement dans des secteurs stratégiques tout en consolidant le tissu industriel national.

Sabrina Aziouez

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