L’armée reprend le palais présidentiel et la banque centrale : Un tournant majeur dans le conflit au Soudan ?
L’armée soudanaise a enregistré des avancées significatives dans la capitale Khartoum en reprenant le contrôle de sites stratégiques aux mains des Forces de soutien rapide (FSR), notamment le palais présidentiel vendredi et le siège principal de la banque centrale samedi, selon des sources militaires citées par Reuters.
Ces conquêtes, qui surviennent près de deux ans après le début du conflit, marquent potentiellement un revirement dans l’équilibre des forces au sein de la capitale, bien que la situation reste complexe sur l’ensemble du territoire soudanais. La reconquête du palais présidentiel, symbole du pouvoir étatique, a immédiatement été célébrée par les forces militaires comme une victoire majeure. Toutefois, cette avancée a rapidement été suivie par une riposte des FSR, qui ont mené une attaque par drone qualifiée d' »opération éclair » selon un communiqué publié sur Telegram par le groupe paramilitaire. Cette frappe a causé la mort de trois journalistes de la télévision d’État qui couvraient la reprise du palais, d’après le ministre de l’Information, Khalid al-Aiser, qui a précisé qu’il s’agissait d’un producteur, d’un vidéaste et d’un chauffeur. Des militaires auraient également été tués et blessés lors de cette attaque, selon une source militaire s’exprimant sous couvert d’anonymat. Ces développements s’inscrivent dans un mouvement plus large de reconquête territoriale engagé par l’armée soudanaise depuis fin 2024, lorsqu’elle a lancé une contre-offensive dans l’État agricole d’Al-Jazira au centre du pays. Ces dernières semaines, l’armée a progressivement repris le contrôle de secteurs stratégiques de la capitale, notamment Khartoum-Nord et le Nil Oriental à l’est. Le général Nabil Abdallah, porte-parole de l’armée, a affirmé sur la télévision d’État que les forces armées continueront à « progresser sur tous les fronts jusqu’à ce que la victoire soit complète ». Dans le même temps, le chef de l’armée soudanaise, Abdel Fattah al-Burhane, a adopté une position ferme en déclarant qu’il n’y aurait « pas de négociation » avec les paramilitaires tant qu’ils ne déposeraient pas les armes. Il a précisé que tant que les FSR « porteront des armes, qu’ils occuperont les maisons des gens (…) qu’ils sèmeront la peur au quotidien, nous n’avons ni mots ni paix pour eux ». L’armée a par ailleurs annoncé vendredi une opération visant à « nettoyer » le centre-ville des combattants des FSR encore présents, ce qui suggère que la bataille pour le contrôle total de Khartoum est loin d’être terminée. Les FSR, qui contrôlaient une grande partie de la capitale depuis le début du conflit en avril 2023, maintiennent toujours des positions à Khartoum et dans sa ville jumelle d’Omdourman, située de l’autre côté du Nil Blanc. Alan Boswell, directeur de l’International Crisis Group pour la Corne de l’Afrique, a qualifié la reprise du palais présidentiel de « coup dur pour les FSR, et une immense victoire symbolique pour les forces armées », allant jusqu’à considérer cet événement comme « un tournant majeur dans la guerre ». Le gouvernement soudanais, actuellement basé à Port-Soudan sur la mer Rouge, a salué cette victoire. Malgré ces avancées dans la capitale, la situation sur l’ensemble du territoire soudanais demeure contrastée. Si l’armée semble reprendre l’avantage dans le centre du pays, les FSR contrôlent toujours la majeure partie de l’ouest du Soudan et poursuivent leur progression au Darfour. Les analystes notent que même si la reprise du palais présidentiel pourrait conduire à la reconquête du Grand Khartoum, la vaste région occidentale du Darfour et une grande partie du sud restent largement aux mains des FSR. Ce conflit, qui a éclaté le 15 avril 2023 lorsque Khartoum est tombée aux mains des FSR, a eu des conséquences humanitaires désastreuses. Selon les données disponibles, la guerre a fait des dizaines de milliers de morts et déraciné plus de 12 millions de personnes, provoquant ce qui est décrit comme la plus grande crise alimentaire et de déplacement de population au monde actuellement. Les forces paramilitaires s’étaient initialement emparées de l’aéroport, des ministères et des immeubles du centre de la capitale, mais l’évolution récente des combats suggère un possible renversement de la dynamique du conflit, dont l’issue demeure cependant incertaine.
Lyes Saïdi