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Avec ses importants gisements gaziers: La Mauritanie pourrait-elle devenir le Koweït de l’Afrique du Nord ?

par Abderrahmane Mebtoul

Professeur des universités, expert international et ancien directeur des études au ministère de l’Énergie et à la Sonatrach . Membre de plusieurs organisations internationales

La Mauritanie fait partie des 25 pays les plus pauvres du monde. Grâce à ses richesses gazières, la Mauritanie, avec une population de 4,6 millions d’habitants, pourrait devenir le Koweït de l’Afrique du Nord. Mais dot d’abord elle transformer cette richesse virtuelle en richesses réelles afin d’améliorer la situation socio économique par une bonne gouvernance et la valorisation du savoir.

Face aux importantes découvertes d’hydrocarbures, notamment en gaz, le Sénégal et la Mauritanie ont intégré courant 2024 le club des puissances gazières, exploitatant conjointement l’important champs gazier de Grand Tortue Ahmeyim. La principale destination ce gaz est de surtout l’Europe et accessoirement l’Asie du fait de l’important coût de transport. Après un long retard entrainant des réévaluations, les exportations sont prévues vers mars 2025 selon la déclaration à Sky New Tv le 12 février 2025 du ministre de l’énergie mauritanien. Pour nous en tenir à l’économie mauritanienne, du fait de la faiblesse de sa population, 4,24 millions, elle est appelée à subir un profond changement interne favorable, tout en contribuant à redessiner la carte gazière en Afrique, voire en Europe , en espérant qu’elle utilise cette manne financière pour améliorer le niveau de vie de sa population .

La superficie de la Mauritanie est de 1 036 000 km2. La majeure partie du pays étant désertique, possédant des frontières dépassant les 5000 km avec l’Algérie (463 km ) au nord-nord-est, le territoire du Sahara occidental (1 561 km ) au nord, le Mali (2 237 km ) à l’est et au sud-sud-est, le Sénégal au sud-ouest, 813 km. La Mauritanie avec un climat aride entre l’Atlantique et le Sahara, du fait de sa singulière géographie subissant à la fois les rafales de l’océan et les tornades de sable venues du grand désert se divise en 4 régions naturelles : le long de la côte atlantique s’étend un grand désert sablonneux, le Sahara ; une région centrale qui est parsemée de plateaux escarpés ; à l’Est s’ouvrent de larges cuvettes dunaires et le fleuve du Sénégal qui a creusé une vallée le long de la frontière sud du pays. La population est estimée à 4 244 878 habitants en 2023, Nouakchott concentrant près de deux tiers de la main-d’œuvre urbaine. Sur le plan des indicateurs économiques, le produit intérieur brut PIB a été de 8,36 milliards de dollars en 2020, 9,22 en 2021 et 9,78 en 2022 et 10,65 milliards de dollars en 2023 avec des perspectives économiques favorables, avec selon le gouvernement dans son rapport de janvier 2024 une croissance du PIB réel à 4,2 % en 2024 et à 5,5 % en 2025, mais ces prévisions étant fonction par les recettes d’exportation attendues de la production de gaz prévue pour fin 2024, qui devrait générer 500 millions de dollars de recettes annuelles, des estimations récentes donnant pour 2025 à +4,2%, compte tenu du retard dans le démarrage du champ gazier Grand Tortue-Ahmeyim (GTA), et le ralentissement de la production de fer par la SNIM. La Mauritanie bénéficiant d’un programme FMI mis en place avec la Banque mondiale pour un nouvel appui budgétaire, le niveau de la dette publique totale de la Mauritanie est relativement stable étant passé de 48,4% du PIB en 2022 à 49% en 2023 avec une prévision de 50% pour 2024, la dette publique externe représentant la quasi-intégralité de la dette publique (86,4% du total à fin 2023). Cependant, selon les rapports du FMI et de la Banque mondiale , le risque de surendettement global et extérieur serait modéré grâce à la récente restructuration de la dette et à l’amélioration de la gestion du risque budgétaire, le déficit budgétaire devant diminuer. Avec une répartition sectorielle du PIB est de 22% pour le secteur primaire, 33% pour le secondaire et 45% pour le tertiaire en 2023 selon l’agence nationale des statistiques mauritanienne les exportations représentant 28% du PIB, l’économie mauritanienne est fortement dépendante des cours internationaux des minerais: 75,1% de ses exportations totales avec 2,5 milliards d’euros, dont 37,3% pour l’or, (1,2 milliards d’euros) ; 34,6% pour le fer (1,1 milliard d’euros), 3,1% pour le cuivre, (107 millions d’euros) et les produits de la pêche étant un transformateur économique important de la Mauritanie, contribuant entre 3% et 10% au PIB et jusqu’à 50% à la valeur des exportations annuellement. Quant aux autres indicateurs sociaux, après un pic à 9,5% en 2022, le taux d’inflation a baissé à 7,8% en moyenne sur l’année 2023, et devait atteindre un niveau inférieur à 5% en 2024, ayant été 9,5 % en 2022, contre 3,6 % en 2021 ce qui a un impact sur le niveau de vie avec des impacts plus accentués en zone rurale où le taux de pauvreté est passé de 23,9 % en 2021 à 26,5 % en 2022. Le rapport du PNUD 2023/2024 classe le pays à la 164eme position sur 193 avec une note de 0,534 mentionnant un taux de pauvrete mulitdimensionnelle atteignant 58,4%, ces données étant fortement supérieurs à la pauvreté monétaire, qui se situe à 28,2 %. Les principales préoccupations du pays concernent surtout le chômage des jeunes estimé à 31%, dans la tranche d’âge de 15 à 24 ans, le chômage pour 2023 était de 10,51% , soit une baisse de 0,09 % par rapport à 2022, mais ce taux inclut le secteur informel qui selon le Bureau international du Travail et l’Organisation internationale des Employeurs, en Mauritanie plus de 63 % des personnes au travail sont dans le secteur informel dans l’agriculture, le commerce, les services et l’industrie .

Le gouvernement mauritanien conscient des effets dévastateurs du changement climatique mise sur le développement des énergies renouvelables pour obtenir de grands gains économiques, permettant de rendre accessible l’électricité à une majorité des habitants et d’améliorer son efficacité productive, ce qui lui ouvrirait des occasions d’exportation de son énergie. Concernant les champs gaziers, la compagnie américaine Kosmos Energy avait annoncé qu’elle a découvert une importante réserve gazière au large des côtes mauritaniennes, grâce au forage du puits Ocra mais ce projet a connu plusieurs rebondissements. Rappelons que parmi les entreprises présentes dans le pays figurait l’entreprise américaine Kosmos Energy, la société française Total Energies et les sociétés britanniques BP et Shell. A titre de rappel après le démarrage du développement du gisement gazier de « Grand-Tortue » par « BP » au large du Sénégal et de la Mauritanie, sur un périmètre qui était initialement opéré par la Société Américaine « Kosmos Energy », la compagnie pétrolière « SHELL » s’est lancée à son tour dans l’exploration sur le domaine offshore de Mauritanie, en lançant un forage dont l’objectif semble être la mise en évidence de pas moins d’un milliard de baril de pétrole et très probablement du même volume de gaz naturel. Une autre compagnie « Total Energies » est aussi opératrice sur le bloc C15, s’étant proposé , ayant décidé de partager sa part dans le bloc avec ExxonMobil et Qatar Energy, afin de mobiliser les ressources financières nécessaires au démarrage des opérations de forage d’exploration. Mais concernant le plus grand champ nous avons assisté entre 2003 et 2014 accusant un important retard , les livraisons étant prévues vers mars 2025, plusieurs changements sont intervenus. En 2003 : Woodside Energy cède ses droits sur le champ de Banda à la société malaisienne Petronas, qui à son tour, les cède à Tullow Oil en 2011. Fin 2021 la société américaine New Forrtess Energy pour l’exploitation du champs Banda promis pour 2024 mais en 2023 avec son partenaire mexicain Pemex quittent le projet et nouveau rebondissement le 27 mars 2024 , un nouveau contrat pour le développement du champs gazier avec le consortium Taga Arabia et Go Gas Holding . Situé à environ 125 kilomètres des côtes mauritaniennes, le puits Orca-1 a été foré à environ 2 510 mètres en dessous du niveau de la mer, et selon les mesures de la compagnie, sa profondeur totale atteindrait 5 266 mètres, s’étendant de part et d’autre de la frontière maritime du Sénégal et de la Mauritanie. Les réserves sont estimées à 1 400 milliards de m³ de gaz, ce qui fait du projet GTA l’un des plus importants en cours de réalisation en Afrique. Les deux pays sont convenus de se partager les recettes, estimées entre 80 et 90 milliards de dollars sur 20 ans, assurant une rente importante au Sénégal et à la Mauritanie. De plus, une partie du gaz sera conservée par chaque pays pour développer sa production d’énergie électrique. A terme, à l’horizon 2026-2027 quand les phases 2 et 3 seront achevées, le site pourra produire annuellement 10 millions de tonnes de GNL grâce à ce du projet, qui en compte trois. Le premier chantier colossal situé à 65 km de la côte, au nord-ouest de Dakar, a nécessité un investissement de 3,6 milliards de dollars, consistant à installer une douzaine de puits d’extraction du gaz, à 2 700 m sous la surface de l’océan. Dans le même temps, il est prévu la fabrication et l’installation d’ un brise-lames de 1 200 mètres de long qui protégera le navire chargé de liquéfier le gaz. L’unité flottante pourra produire alors 2,5 millions de tonnes de Gaz naturel liquéfié par an.

En conclusion, à l’avenir, grâce à son industrie gazière, la Mauritanie avec une population de 4,6 millions d’habitants pourrait devenir le Koweït de l’Afrique du Nord. Actuellement, la Mauritanie fait partie des 25 pays les plus pauvres, du monde mais elle transformer cette richesse virtuelle en richesses réelles afin d’améliorer la situation socio économique par une bonne gouvernance et la valorisation du savoir. Conscient du danger du syndrome hollandais, les présidents sénégalais et mauritaniens ont exprimé leurs ambitions de garantir une exploitation optimale et transparente des ressources, basée sur des contrats pétroliers et gaziers afin de garantir que ces ressources énergétiques profitent à l’économie nationale pour une mise en œuvre d’une gestion durable, tout en renforçant l’intégration économique régionale.

ademmebtoul@gmail.com

Références:

-Banque mondiale, « Rapport sur la situation économique en Mauritanie 2023 : naviguer dans la tempête – comment l’urbanisation et le changement climatique affectent les risques d’inondation en Mauritanie », 3 août 2023 https://www.banquemondiale.org/fr/country/mauritan…

-Groupe de la Banque africaine de Développement, « Mauritanie – Document de stratégie pays 2023-2028 », 15 septembre 2023, https://www.afdb.org/fr/documents/mauritanie-documTrading Economics « Mauritanie – Taux de chômage », https://fr.tradingeconomics.com/mauritania/unemplo

-Organisation internationale du Travail, « OIT en Mauritanie », https://www.ilo.org/africa/countries-covered/mauri International Energy Agency, « Renewable Energy Opportunities for Mauritania », novembre 2023, https://read.oecd-ilibrary.org/energy/renewable- 29/01/2024

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