Le consul du Maroc à Oran personna non grata: Les raisons d’une expulsion
Les autorités algériennes ont pris une décision ferme jeudi en déclarant Mohamed Isafiani, vice-consul général du Maroc à Oran, personna non grata, l’obligeant à quitter le territoire national dans un délai maximal de 48 heures expirant aujourd’hui à midi.
Cette mesure diplomatique s’inscrit dans un contexte de tensions croissantes entre l’Algérie et le Maroc alimentée par les provocations et manœuvres du Makhzen, et révèle la préoccupation des autorités face aux « comportements suspects » incompatibles avec les fonctions consulaires du diplomate marocain. La notification officielle de cette décision a été communiquée directement à Khalid Chihani, administrateur par intérim du consulat général du Royaume du Maroc à Alger, convoqué au ministère des Affaires étrangères algérien où il a été reçu par Mokhtar Amine Khelif, directeur général des protocoles. Selon le communiqué du ministère des Affaires étrangères, de la Communauté nationale à l’étranger et des Affaires africaines, la décision a été prise « pour des raisons liées aux comportements suspects de l’intéressé incompatibles avec la nature de l’exercice de ses fonctions au sein de ladite représentation consulaire ». Le document précise que ces agissements constituent « une violation des lois algériennes en vigueur en la matière, ainsi que du Droit et des coutumes internationales pertinents, notamment la Convention de Vienne sur les relations consulaires ».
Cette expulsion intervient dans un climat déjà tendu, particulièrement depuis la rupture des relations diplomatiques en août 2021. Les relations entre Alger et Rabat se sont considérablement détériorées depuis quelques années et notamment depuis la normalisation entre le Maroc et l’entité sioniste en 2020, marquées par ce que les autorités algériennes décrivent comme un « cycle de provocation et d’acharnement que le Makhzen perpétue sans interruption » à l’encontre de l’Algérie. Les accusations portées contre le diplomate marocain s’inscrivent dans un contexte sécuritaire particulier, faisant suite à plusieurs opérations menées récemment par les services de sécurité algériens contre des « cellules d’espionnage marocaines » présentes sur le territoire national, notamment dans la région occidentale du pays. Ces opérations coïncident avec l’arrestation d’un réseau terroriste accusé d’avoir commis des « actes barbares » dans la wilaya d’Oran pour extorquer des familles en vue de financer et soutenir des activités terroristes.
Réseaux d’espionnage
Le président Tebboune avait précédemment évoqué la présence de « cellules d’espionnage marocaines liées à l’entité sioniste » sur le territoire algérien, justifiant ainsi la décision prise en automne 2024 de réintroduire l’obligation de visa pour les ressortissants étrangers détenteurs de passeports marocains. Cette mesure visait à « protéger la sécurité nationale du pays » face à un abus de « l’absence de visa entre les deux pays » par les autorités marocaines qui se seraient « engagées, malheureusement, dans des actions touchant à la stabilité et à la sécurité nationale de l’Algérie », notamment par « la diffusion d’agents de renseignement israéliens » munis de passeports marocains pour pénétrer librement en Algérie.
Les services de sécurité font état d’une « augmentation sans précédent des activités marocaines suspectes », notamment après l’arrestation de ressortissants marocains accusés d’activités d’espionnage ou de trafic de drogues et de psychotropes. Les autorités judiciaires ont également confirmé que le réseau d’espionnage démantelé il y a quelques mois à Sidi Bel Abbès était dirigé par deux ressortissants marocains, « Abderrahmane Idrissi » et « Rachid Bouaïni », impliqués dans des activités d’espionnage pour le compte d’une entité étrangère sous couvert d’activités liées au plâtre.
Les services de sécurité à Oran ont par ailleurs identifié un autre suspect, un étudiant universitaire poursuivi pour avoir « propagé délibérément des informations fausses susceptibles de nuire à l’ordre public et à la sécurité publique », et pour avoir « utilisé des technologies de l’information et de la communication pour recruter des personnes au profit d’une organisation terroriste ». Ces développements font écho à d’autres résultats obtenus par les services de sécurité en août 2024, lorsqu’un réseau composé de sept personnes, dont quatre Marocains, a été démantelé à Tlemcen. Selon le procureur de la République près le tribunal de Tlemcen, Mustapha Loba, ces individus étaient impliqués dans des « activités d’espionnage et de collaboration visant à compromettre la sécurité de l’État ».
L’expulsion de Mohamed Isafiani n’est pas sans rappeler un incident similaire survenu en 2020, lorsque le consul général du Maroc à Oran avait provoqué l’indignation en Algérie en qualifiant le pays de « pays ennemi ». Ses propos, « Nous sommes dans un pays ennemi, je vous le dis franchement », filmés et largement diffusés sur les réseaux sociaux, avaient alors conduit les autorités algériennes à réclamer son expulsion. Alger avait à cette époque interpellé les autorités marocaines « à prendre les mesures appropriées pour éviter toute répercussion de cet incident ».
Nouvelle provocation
Pour de nombreux observateurs des relations internationales, l’attitude du Maroc envers l’Algérie s’explique en partie par la normalisation des relations du royaume avec l’entité sioniste, une décision qualifiée par Alger de « normalisation contre nature » constituant « cette menace qui plombe la stabilité de la région du Maghreb ». Le régime du Makhzen multiplie également les provocations à l’encontre de l’Algérie, dans un contexte où le Maroc subit une grave crise économique et sociale qui alimente la colère de la population qui affiche son ras-le-bol face à l’ampleur de la corruption et des conflits d’intérêts.
ce contexte, l’expulsion du vice-consul général du Maroc à Oran, Mohamed Isafiani, déclaré personna non grata, la réponse nécessaire à un nouveau dérapage, une nouvelle provocation du Maroc.
Hocine Fadheli