Sahara occidental : Mistura tente de relancer le processus de paix alors que la répression marocaine s’intensifie
L’envoyé personnel du Secrétaire général de l’ONU, Staffan de Mistura, poursuit sa tournée diplomatique dans les camps de réfugiés sahraouis. Cette visite, qui a débuté vendredi, s’inscrit dans une tentative de relancer le processus de règlement juste et global de la cause sahraouie, alors que la situation des droits humains dans les territoires occupés par le Maroc continue de se détériorer selon plusieurs experts des Nations unies.
À son arrivée dans les camps de réfugiés sahraouis près de Tindouf, M. De Mistura a été accueilli par le représentant du Front Polisario à l’ONU et coordonnateur avec la MINURSO, Sidi Mohamed Amar, ainsi que par le directeur central du protocole, Bellahi Essiyad. Cette démarche diplomatique intervient à un moment crucial, juste avant la séance de briefing à huis clos qu’il doit présenter devant le Conseil de sécurité de l’ONU à la mi-avril, concernant les derniers développements dans ce territoire occupé. Alexander Ivanko, Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU et Chef de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO), figure également parmi les intervenants attendus lors de cette séance. Le programme chargé de l’émissaire onusien comprend des « entretiens politiques avec des membres de la Direction nationale du Front Polisario, la visite de certaines institutions, ainsi que des rencontres avec des femmes sahraouies », comme l’a indiqué Sidi Mohamed Omar, cité par l’Agence de presse sahraouie (SPS). L’agenda diplomatique culminera « dans la soirée par des entretiens officiels avec le président de la République sahraouie, Secrétaire général du Front Polisario, Brahim Ghali », a précisé M. Omar. Dès le premier jour de sa visite, vendredi, M. De Mistura a rencontré le membre du Secrétariat national du Front Polisario et ministre des Territoires occupés et de la Diaspora, Mustafa Mohamed Ali Sidi El-Bachir, en présence de Sidi Mohamed Omar. Cette rencontre a permis d’aborder « les principales préoccupations du peuple sahraoui, notamment son droit à l’autodétermination, qui constitue le principal défi pour les Nations unies aujourd’hui, ainsi que la situation des détenus sahraouis dans les geôles de l’occupant marocain et la campagne internationale pour leur libération », selon les informations rapportées par SPS.
Les experts de l’ONU sonnent l’alarme
Pendant que ces efforts diplomatiques se déploient, la situation des droits humains dans les territoires occupés suscite de vives inquiétudes au sein de la communauté internationale. Mary Lawlor, Rapporteuse spéciale de l’ONU sur la situation des défenseurs des droits de l’Homme, et d’autres experts des Nations unies ont récemment exprimé leur « grave préoccupation » face à la campagne de répression menée ces derniers mois par les autorités marocaines contre des défenseurs des droits de l’homme, des journalistes et des porte-parole de la contestation au Sahara occidental occupé, « en représailles de leur soutien à l’autodétermination du peuple sahraoui ». Dans une communication écrite détaillée, ces experts onusiens ont souligné leur inquiétude concernant « l’intimidation et la surveillance des défenseurs des droits de l’homme sahraouis, la déportation de quatre jeunes militants syndicaux norvégiens du Sahara occidental, ainsi que les mesures de rétorsion économiques imposées aux membres de la famille des défenseurs des droits de l’homme et aux militants eux-mêmes ». Ils ont également fait part de leurs préoccupations quant aux « restrictions à la liberté de mouvement et de réunion imposées aux défenseurs des droits de l’homme sahraouis et étrangers » par le régime d’occupation. Les experts ont particulièrement mis en garde contre « l’effet dissuasif notable que ces mesures sont susceptibles de déclencher sur les défenseurs des droits de l’homme sahraouis de manière plus générale, en entravant leur capacité à exprimer leurs critiques ou à mener à bien leur travail légitime de défense des droits humains ». Selon leur communication, « plusieurs journalistes, défenseurs des droits de l’homme, leaders de la contestation et opposants politiques de premier plan ont fait l’objet d’une répression accumulée ces derniers mois, évidemment en représailles de leur travail en faveur des droits de l’homme, et notamment de leur soutien à l’autodétermination du peuple sahraoui ». Les rapports font état d’une surveillance accrue et du recours systématique à des tactiques d’intimidation, telles que les menaces et le harcèlement, « pour faire taire » les voix sahraouies qui s’élèvent contre l’occupation. « On signale de plus en plus de détentions arbitraires, de répressions violentes de manifestations pacifiques et de restrictions à la liberté d’expression et à la liberté de mouvement contre les défenseurs des droits de l’homme. Les familles des défenseurs des droits de l’homme ont également été visées par les représailles économiques et la perte d’opportunités en matière d’éducation et d’emploi », ont déploré les experts dans leur document. Pour illustrer l’ampleur de cette répression, les experts onusiens ont cité plusieurs cas concrets, dont celui des journalistes sahraouis Ahmed Ettanji et Mohamed Mayara. « Le 9 octobre 2024, les forces de sécurité marocaines ont assiégé, menacé d’arrêter et expulsé M. Ahmed Ettanji et M. Mohamed Mayara de la ville de Cap Boujdour, au Sahara occidental, alors qu’ils s’y trouvent pour une visite familiale. À leur arrivée au poste de contrôle local, les deux défenseurs des droits humains ont été retenus par les autorités marocaines, puis relâchés au bout d’une heure. » Une fois arrivés au domicile familial, « ils ont trouvé la police marocaine encerclant l’endroit, les menaçant d’arrestation et exigeant qu’ils quittent immédiatement la maison et la ville ». De plus, « la famille d’accueil a également fait l’objet d’actes d’intimidation et de menaces de perquisition parce qu’elle hébergeait les défenseurs des droits de l’homme », ce qui a contraint ces derniers à quitter la ville et à retourner à Laâyoune occupée. Un autre incident révélateur s’est produit le 2 novembre 2024, lorsque « des défenseurs des droits de l’homme de Norvège ont visité la maison de M. Sidi Mohammed Dadach », un défenseur des droits humains engagé pour la cause du peuple sahraoui. Selon les informations recueillies, « la maison de M. Dadach a été encerclée par des officiers de police marocains, qui ont ordonné aux militants de préparer leurs affaires à l’hôtel, et leur ont ordonné de quitter le Sahara occidental ». La concomitance entre la visite de l’envoyé spécial de l’ONU et la publication de ces graves accusations concernant les violations des droits humains par le Maroc souligne l’urgence de trouver une solution juste et durable au conflit du Sahara occidental. Alors que Staffan de Mistura s’efforce de relancer le processus politique, les témoignages recueillis par les experts des Nations unies démontrent que la situation sur le terrain continue de se détériorer pour les défenseurs des droits humains et les activistes prônant l’autodétermination du peuple sahraoui.
Lyes Saïdi