Lutte contre l’informel et l’évasion fiscale: Les transactions lucratives des particuliers soumises à l’impôt
Les transactions à caractère habituel effectuées par des particuliers dans un but lucratif seront désormais soumises à l’impôt. Cela concernera toutes les personnes exerçant des activités commerciales non enregistrées, comme par exemple les ventes sur les réseaux sociaux, les services de livraison et de transport ubérisées et les ventes immobilières.
Un arrêté interministériel publié au Journal officiel n°24, cosigné le 30 mars dernier par le ministre des Finances et le ministre du Commerce intérieur et de la Régulation du marché national, s’inscrit dans une stratégie globale visant à améliorer les taux de recouvrement fiscaux, estimés actuellement à moins de 65% selon les dernières statistiques officielles et à lutter contre la prédominance de la sphère informelle. Désormais, sont considérées comme imposables toutes les transactions « réalisées à caractère habituel et répétitif, dans un but lucratif, dont le nombre est égal ou supérieur à trois transactions, au cours d’une même année civile, portant sur des transactions commerciales de même nature, au sens des dispositions du code de commerce ». Cette nouvelle réglementation cible spécifiquement les particuliers « ne détenant pas un document leur permettant d’exercer leur activité commerciale » mais qui réalisent néanmoins des transactions commerciales répétées. Dans un pays où l’économie informelle représente près de 40% du PIB selon les estimations du FMI et mobilise plus de 3,5 millions d’actifs, cette mesure constitue un levier important pour réduire le poids du secteur parallèle. Pour faire respecter ces dispositions, les agents de l’administration fiscale ont reçu le pouvoir d’apprécier « par tout moyen de contrôle prévu par la législation fiscale en vigueur » le caractère habituel et répétitif des transactions. La procédure prévoit d’abord l’envoi de mises en demeure aux contrevenants, puis l’établissement d’un procès-verbal en cas de non-conformité. L’arrêté autorise également une procédure accélérée permettant de dresser directement un procès-verbal « sans mise en demeure préalable » si l’administration fiscale peut prouver la répétition de ces transactions plus de trois fois. Interrogé par l’APS, Boubkeur Sellami, président du Conseil national de la fiscalité (CNF), a souligné l’importance de cette mesure : « Ce texte est très important car il dote l’administration fiscale ainsi que les services relevant du ministère du Commerce intérieur et de la Régulation du marché national des instruments juridiques nécessaires leur permettant de contrôler efficacement les activités du marché parallèle, y compris celles exercées via Internet ». Cette initiative s’inscrit dans un effort plus large de transparence et d’inclusion financière. Alors que moins de 60% des Algériens possèdent un compte bancaire et que les transactions en espèces représentent encore plus de 70% des échanges commerciaux, ces nouvelles dispositions devraient encourager la traçabilité des flux financiers. « Les ventes immobilières, les services de transport et d’autres activités génératrices de profits, lorsqu’elles sont réalisées par des particuliers, seront désormais officiellement considérées comme des activités commerciales devant être soumises aux impôts et taxes », a précisé M. Sellami. Cette mesure pourrait permettre de récupérer entre 200 et 300 milliards de dinars de recettes fiscales supplémentaires annuellement, selon les estimations préliminaires des experts fiscaux. Cela représenterait une augmentation significative des ressources budgétaires de l’État, dans un contexte où les autorités cherchent à diversifier les sources de financement public au-delà des hydrocarbures qui constituent encore près de 60% des recettes budgétaires. Le président du CNF a d’ailleurs rappelé que « cette mesure s’inscrit dans le prolongement des efforts déjà entrepris par l’État pour intégrer le commerce informel » et qu’elle complète le dispositif de bancarisation obligatoire des transactions dépassant certains seuils, mis en place progressivement depuis 2020. À terme, les autorités espèrent porter le taux de recouvrement fiscal à plus de 80% et réduire la part de l’économie informelle à moins de 30% du PIB d’ici 2027, contribuant ainsi à créer des conditions de concurrence plus équitables entre tous les acteurs économiques et à renforcer la base fiscale du pays. Ces mesures s’ajoutent aux récentes dispositions annoncées destinées à bannir le recours au cash dans les transactions immobilières et ventes automobiles.
Sabrina Aziouez