Culture

Mohamed Lakhdar Hamina inhumé samedi à Alger: Le dernier hommage

Samedi après-midi, le cimetière de Sidi Yahia à Alger a accueilli la dépouille de Mohamed Lakhdar Hamina dans un silence empreint de respect et d’émotion. À 95 ans, le géant du cinéma algérien s’en est allé, laissant derrière lui un héritage artistique inestimable et une nation orpheline de l’un de ses plus illustres ambassadeurs culturels. La présence du président du Conseil de la nation Azzouz Nasri, du conseiller présidentiel Kamel Sidi Said, du ministre de la Culture Zouhir Ballalou, ainsi que de nombreux moudjahidine et personnalités du monde artistique, témoignait de la place exceptionnelle qu’occupait ce maître dans le cœur des Algériens. Plus qu’un simple adieu, ces funérailles ont célébré un parcours extraordinaire qui a marqué plus de cinquante années de cinéma algérien. Acteur, réalisateur et producteur, Mohamed Lakhdar Hamina avait su transformer l’écran en miroir de l’âme algérienne, racontant avec une justesse saisissante l’histoire d’un peuple en quête de liberté et de dignité. Son œuvre, profondément ancrée dans les réalités nationales, transcendait les frontières pour toucher l’universel, faisant de lui bien plus qu’un cinéaste : un véritable chroniqueur de son époque. L’émotion était palpable dans les témoignages rendus par ceux qui l’ont côtoyé. Le ministre Zouhir Ballalou a rappelé que l’Algérie « a perdu, en la personne du grand cinéaste Mohamed Lakhdar Hamina, une figure emblématique du septième art, un réalisateur de grande renommée, ayant reçu de prestigieuses récompenses internationales ». Ces mots résonnaient avec une vérité particulière, tant l’homme avait su hisser le cinéma algérien au sommet de la reconnaissance mondiale. Le conseiller présidentiel Kamel Sidi Said n’a pas manqué de souligner la dimension patriotique de cette œuvre, évoquant « un géant du cinéma » qui « a œuvré à la gloire de l’Algérie », rappelant que ce « moudjahid qui a défendu sa patrie par le passé a milité après l’indépendance pour un cinéma de qualité, jusqu’à sa consécration à l’échelle mondiale ».

Cette consécration, elle porte un nom magique : la Palme d’or de Cannes 1975 pour « Chronique des années de braise ». Ironie du sort, comme l’a relevé avec émotion Mourad Chouihi, directeur du Centre national de la cinématographie, le décès du maître est survenu « le jour du cinquantième anniversaire de sa distinction de la Palme d’Or au Festival de Cannes ». Cette coïncidence troublante semblait sceller symboliquement un destin artistique hors du commun. Car « Chronique des années de braise » n’était pas qu’un film, c’était une épopée visuelle d’une force saisissante, découpée en six tableaux retraçant l’histoire algérienne depuis les premiers mouvements de résistance jusqu’à la glorieuse Révolution de novembre 1954. Mais l’œuvre de Lakhdar Hamina ne se résumait pas à ce chef-d’œuvre. Dès 1965, il marquait les esprits avec « Le vent des Aurès », porté par l’inoubliable Keltoum, époustouflante dans le rôle d’une mère désemparée errant entre les prisons coloniales à la recherche de son fils. Ce premier long-métrage, couronné du Prix de la première œuvre à Cannes en 1967, annonçait déjà la couleur : le cinéma algérien venait de trouver sa voix sur la scène internationale. Puis vint « Hassen Terro » en 1968, avec l’irrésistible Rouiched, ouvrant à Hamina les portes de la popularité nationale, avant « Décembre » en 1972, dénonciation implacable de la torture coloniale. Les témoignages de ses collaborateurs révèlent la personnalité attachante de l’homme derrière l’artiste. Mustapha Ayad, qui l’avait approché tout jeune lors du tournage de « Hassen Terro », se dit « profondément attristé » par la perte de ce « grand homme » qui avait voué sa vie au service de la « culture et du cinéma algériens ». Le compositeur Safy Boutella, qui a signé les musiques de nombreux films, salue « une icône de la culture et du cinéma algérien », un réalisateur prolifique qui savait « ramener la réalité à l’écran » avec une compétence de producteur remarquable. Lotfi Bouchouchi, réalisateur de la nouvelle génération, admire cette capacité unique à « passer de la comédie au drame » avec une « grande subtilité, une qualité de l’image et une profondeur inouïes ». L’ancien caméraman Amar Rabia, aujourd’hui président de l’association « Lumières », témoigne de la dimension humaine du maître, évoquant « la rigueur, le pragmatisme et l’humanisme qu’observait Mohamed Lakhdar Hamina dans sa relation avec les personnels technique et artistique, qu’il dirigeait d’une main de maître ». Cette qualité relationnelle explique sans doute la fidélité de ses équipes et la qualité constante de ses productions. Zineddine Arkab, directeur du Centre algérien du développement du cinéma, résume parfaitement l’héritage laissé par ce « grand cinéaste au charisme imposant » : son œuvre demeurera « un exemple à suivre pour tous les cinéastes, ceux des générations futures notamment ». Car au-delà des prix et des reconnaissances, Mohamed Lakhdar Hamina laisse à la postérité une leçon de cinéma et de vie, celle d’un artiste qui n’a jamais transigé avec ses convictions, servant son art avec la même détermination qu’il avait mise à servir sa patrie.

Mohand S.

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