Littérature : Lamia Brik, l’ambassadrice des mots d’enfance
Une voix discrète mais déterminée s’élève depuis la wilaya d’El-Meghaïer pour défendre une cause souvent négligée : la littérature pour enfants. À 38 ans, Lamia Brik incarne cette nouvelle génération d’écrivaines qui refusent de considérer l’écriture destinée aux plus jeunes comme un art mineur. Diplômée en langue anglaise de l’université Hadj Lakhdar de Batna, cette femme de lettres a fait de la promotion de la lecture enfantine sa mission principale, consciente que l’avenir culturel du pays se joue aussi dans les premières pages que tournent les petites mains.
Son parcours littéraire débute en 2018 avec deux œuvres fondatrices : « El-Hadjar wel Azhar » (Pierres et fleurs) et « El-Faracha El-Beida » (Papillon blanc). Ces premiers écrits révèlent déjà sa préoccupation pour un style accessible tout en étant exigeant, cherchant cette « parfaite maîtrise linguistique » nécessaire à la transmission de « messages pédagogiques aux contenus constructifs ». Car écrire pour les enfants, Lamia Brik en est convaincue, requiert une technicité particulière : celle de simplifier sans appauvrir, d’instruire sans ennuyer.
L’évolution naturelle de son travail l’amène vers la bande dessinée avec « El-Kerd Yatassellak » (Le singe grimpe), une histoire interactive où se mêlent récit et illustration. Cette approche multimédia témoigne de sa compréhension intuitive des codes de communication contemporains. « Les dessins illustratifs auront un grand impact dans la compréhension par l’enfant des produits littéraires, le laissant en contact direct et interactif avec les images pour construire l’imagination des scènes et développer ses capacités cognitives », explique-t-elle, révélant une réflexion pédagogique mûrie par l’expérience.
Forte de sa participation au Salon international du livre d’Alger en 2018 et 2019, ainsi qu’à diverses manifestations culturelles nationales et locales, Lamia Brik prépare actuellement un nouveau projet ambitieux : un recueil intitulé « Esseghir Yataâlem » (L’enfant apprend). Cette future publication ambitionne d’ancrer des valeurs sociales chez les générations montantes à travers des personnages familiers du quotidien algérien. Une démarche qui s’inscrit dans une tradition littéraire maghrébine soucieuse de transmettre l’héritage culturel tout en s’adaptant aux réalités contemporaines.
Son engagement dépasse la simple création littéraire. Observatrice lucide de son époque, elle considère que « la littérature pour enfants, en dépit du foisonnement des produits littéraires et des capacités productrices talentueuses, doit occuper la place qui lui sied ». Cette revendication prend tout son sens dans un contexte où les écrans et les réseaux sociaux captent massivement l’attention des jeunes publics. « Ce volet littéraire est prolifique et requiert davantage d’efforts pour le développer face aux influences néfastes des réseaux sociaux et des jeux électroniques », souligne-t-elle avec une urgence teintée d’optimisme.
Sa démarche s’enracine dans un terreau familial favorable, ayant grandi « au sein d’une famille qui croyait en ses capacités et a encouragé sa passion pour cet art littéraire ». Cette transmission intergénérationnelle du goût des lettres nourrit aujourd’hui sa propre volonté de créer des ponts entre les générations par le biais de la littérature.
L’actualité récente lui donne d’ailleurs des raisons d’espérer. La promulgation en 2023 du statut de l’artiste représente pour elle « un bond qualitatif dans la protection des droits des artistes et une reconnaissance officielle de leurs efforts en termes de créations culturelles et artistiques ». Une reconnaissance institutionnelle qui intervient opportunément lors de cette Journée nationale de l’artiste du 8 juin, moment symbolique pour célébrer celles et ceux qui façonnent l’imaginaire collectif.
M.S.