Industries de transformation : Vers une cartographie nationale de l’investissement
L’Algérie traverse une période de transformation économique majeure, portée par une nouvelle dynamique d’investissement qui s’appuie sur des réformes législatives structurantes.
Cette évolution, analysée par le docteur Houari Tighersi, expert économique et professeur de sciences économiques à l’Université d’Alger, Lors d’une intervention sur les ondes de la Radio algérienne révèle des indicateurs encourageants qui témoignent d’une stratégie de diversification économique ambitieuse, particulièrement orientée vers les industries de transformation.
Dans le contexte économique algérien actuel, marqué par la volonté gouvernementale de réduire la dépendance aux hydrocarbures, les réformes du cadre législatif de l’investissement portent leurs premiers fruits. L’Agence nationale de promotion de l’investissement enregistre des résultats probants, avec un nombre de projets qui a atteint 15 000 dossiers, reflétant l’attractivité du nouveau climat des affaires. Cette dynamique s’inscrit dans une approche globale de restructuration économique qui privilégie les secteurs stratégiques.
Le secteur agricole illustre parfaitement cette nouvelle orientation, avec une part des projets d’investissement qui dépasse désormais 17,5%. « Ce chiffre considérable reflète l’orientation vers la sécurité alimentaire grâce au soutien gouvernemental et aux investissements publics, ainsi qu’à l’accompagnement des opérateurs économiques par la fourniture d’infrastructures et l’ouverture de routes », explique le docteur Tighersi lors de son passage dans l’émission « Invité du matin » de la Chaîne II. Cette performance s’appuie sur une politique volontariste de développement des infrastructures rurales et de facilitation de l’accès au foncier agricole.
La transition énergétique constitue un autre pilier de cette transformation économique. Les investissements dans les énergies renouvelables ont atteint 7 milliards de dinars algériens, s’inscrivant dans l’objectif gouvernemental d’augmenter la part de valorisation des dérivés pétroliers de 30% à 50%. « Cette évolution permettra de réduire significativement la facture d’importation », souligne l’expert, qui rappelle que ce secteur bénéficie d’avantages fiscaux et douaniers prioritaires. L’accent mis sur la facilitation de l’accès au foncier industriel via le guichet unique, considéré par le président de la République comme un pilier pour créer un climat attractif et organisé, accompagne cette dynamique.
L’industrie pharmaceutique enregistre également des performances remarquables, couvrant près de 70% de la demande nationale et représentant « un domaine de fierté nationale, particulièrement dans le contexte de son ouverture aux partenariats et aux négociations extérieures ». Cette évolution s’accompagne d’un développement du secteur minier, notamment à travers le projet de Ghar Djebilet, qui implique des partenariats entre l’Algérie et plusieurs pays, avec des résultats d’exportation attendus dès l’année prochaine. L’infrastructure de transport connaît une expansion significative, le réseau ferroviaire s’étendant de 4 500 à 15 000 kilomètres.
L’économie de la connaissance et l’encouragement des start-ups représentent des leviers essentiels pour l’avenir. Ces entreprises émergentes « constituent une source de créativité et d’innovation, offrant des solutions réelles pour la croissance économique, notamment à travers la transformation numérique », précise le docteur Tighersi. Cette orientation s’accompagne d’une volonté d’investir dans de nouveaux secteurs comme le tourisme et la pêche maritime, destinés à devenir des moteurs du nouveau modèle de développement.
La réforme de l’Agence nationale de promotion de l’investissement s’inscrit dans une vision stratégique de rééquilibrage territorial. « L’Agence propose une nouvelle vision basée sur la pensée créative et la planification locale, à travers le rôle des collectivités locales dans la création de zones d’activité spécialisées et de pôles industriels et agricoles, remplaçant le désordre antérieur », explique l’intervenant. Cette approche vise à optimiser la répartition géographique des investissements et à valoriser les spécificités régionales.
La priorité accordée aux industries de transformation illustre une stratégie économique réfléchie. « Les matières premières extraites des mines se vendent actuellement à 136 dollars la tonne, tandis que leur valeur après transformation atteint des milliers de dollars, ce qui souligne l’importance d’investir dans les industries de transformation plutôt que d’exporter les matières premières comme auparavant », détaille le professeur. Cette orientation répond aux directives présidentielles visant à activer le guichet unique pour éliminer les obstacles bureaucratiques et abandonner les pratiques antérieures qui accordaient des décisions sans garantir la réalisation effective des projets.
La récupération du foncier économique non exploité pour le redistribuer à des investisseurs sérieux concrétise cette nouvelle approche. Toutefois, des défis persistent, notamment concernant le financement et l’accélération de la mise en œuvre du plan national d’investissement. « Il est nécessaire de résoudre la problématique du financement et d’accélérer l’exécution du plan national d’investissement, en élaborant une cartographie nationale précise pour tous les secteurs ministériels, permettant une coordination maîtrisée et garantissant l’efficacité de la transformation économique », insiste le docteur Tighersi.
L’expert attire l’attention sur la faiblesse relative du secteur agroalimentaire, où les entreprises actives ne représentent que 10% contre 90% dans les pays développés. Cette situation révèle un potentiel de développement considérable, nécessitant « la valorisation des produits nationaux en s’appuyant sur les industries de transformation comme levier réel du développement durable ». Cette approche globale vise à construire une économie diversifiée, résiliente et créatrice de valeur ajoutée, capable de réduire progressivement la dépendance aux hydrocarbures tout en générant des emplois durables.
Amar Malki