Annaba : Cap sur la démolition des constructions illicites
L’atteinte et la spoliation des terrains relevant de la propriété publique sont orchestrées avec la complicité de certains responsables communaux.
Après l’arrestation de l’ex-président de l’assemblée populaire communale (P/APC) d’El Bouni, interpellé pour corruption, la machine de démolition des constructions et habitations illicites a été mise en marche. Selon une source de cette APC, dès sa prise de fonctions, le nouveau P/APC a mobilisé les services de la commune d’El Bouni pour entreprendre toutes les procédures nécessaires à l’application des ordres de démolition gelés ou reportés sur l’ensemble du territoire. Cette démarche fait suite aux instructions strictes du chef de l’exécutif de la wilaya d’Annaba qui, après avoir pris connaissance des rapports d’enquêtes administratives et collecté les informations nécessaires, a constaté un certain laxisme et un relâchement dans l’application de plusieurs décisions de démolition, notamment dans les quartiers d’Ain Djebara, Chabia et Kharazza.
Dans ces localités, des constructions illicites et des habitations sont érigées illégalement sur des terrains relevant de la propriété de l’État. Ces constructions faisaient l’objet de décisions de démolition qui n’ont jamais été exécutées. Elles ont été soit gelées, soit reportées sur ordre de l’ex-P/APC, actuellement en détention provisoire. Cette situation laisse soupçonner, selon notre source, des pots-de-vin que l’ancien élu aurait probablement perçus. Ces terrains squattés sont pourtant destinés à accueillir des projets d’habitation et d’équipements publics. Un agissement qui a accéléré l’arrestation de l’ex-P/APC pour son implication dans ce dossier entaché de corruption, estiment nos sources.
Le nouveau responsable de l’hôtel de ville d’El Bouni a tenu des réunions techniques avec plusieurs services, dont la direction de l’urbanisme et de la construction. Ils ont passé en revue tous les dossiers faisant l’objet de décision de démolition, qu’ils soient en attente d’exécution ou en cours de traitement. L’objectif est de nettoyer ce dossier, conformément aux instructions du chef de daïra et du wali, après avoir suspecté l’utilisation et le recrutement d’individus pour influencer les décisions de démolition dans le but d’obtenir des avantages personnels, en contrepartie de retarder ou de fermer les yeux sur la situation des contrevenants. L’APC d’El Bouni a indiqué dans une publication sur son compte Facebook qu’une série de décisions de démolition est en cours d’exécution, notamment pour des bâtisses et constructions illégales édifiées sans document légal, sans permis de construire ou faisant l’objet d’un dossier de régularisation auprès des services compétents. Il convient de noter que certaines bâtisses ont été réalisées récemment dans le seul but de prétendre à la régularisation dans le cadre de la loi 08/15. Cette pratique a eu pour conséquence de réduire davantage le foncier constructible qui fait de plus en plus défaut à Annaba. Ainsi, un nombre important de bâtisses à plusieurs étages ont été démolies dans la zone d’Ain Djebara. Il en va de même pour la localité de Sidi Salem où les services de l’APC, en coordination avec les services de police, ont lancé l’exécution des ordres de démolition pour des constructions et extensions anarchiques situées autour des immeubles du front de mer. Les autorités locales de la wilaya œuvrent à redonner à la façade maritime son aspect d’origine en lançant des projets touristiques d’envergure. Les services de la gendarmerie nationale, via leur brigade d’enquêtes et d’autres divisions, poursuivent leurs investigations sur les atteintes aux terrains relevant du domaine de l’État. Ces mêmes services, rappelons-le, ont traité l’affaire de l’ex-P/APC d’El Bouni, cet ancien élu qui avait demandé une « tchipa » pour arrêter une décision de démolition d’une construction illicite. Les services judiciaires du groupement régional de la gendarmerie nationale ont également reçu des rapports signalant une augmentation des actes de pillage organisé de terrains pour la construction d’habitations et d’entrepôts dans diverses régions, sans permis de construire ni documents prouvant la propriété des terrains. À travers ses inspections sur le terrain, la gendarmerie nationale à Annaba contribue à la préservation du tissu urbain en contrôlant la conformité des constructions aux permis délivrés. Dans ce sens, les services de la gendarmerie nationale ont relevé plusieurs infractions lors des sorties sur le terrain, dans le cadre de la lutte contre les constructions anarchiques dans la commune d’El Bouni.
Un phénomène généralisé nécessitant une réponse ferme
Plusieurs dossiers ont été transmis à la justice pour construction sans permis et violation de propriété, avec des procès-verbaux dressés après constatation. Ces dossiers ont été envoyés aux autorités locales et judiciaires pour prendre les mesures légales nécessaires, tout en renforçant les patrouilles et les contrôles dans la zone. Il est à noter que la majorité des atteintes à la propriété publique se situent à la périphérie d’Annaba, El Bouni, Sidi Amar et le long de la RN 44. Ces terrains ont été investis par la mafia du foncier, puis vendus à des particuliers qui y ont réalisé des habitations et des entrepôts, entre autres. Ces zones sont devenues la plaque tournante des constructions irrégulières, sans permis, en raison du relâchement et du laisser-aller des autorités locales durant les dix dernières années. Selon les mêmes sources, les services de la gendarmerie, en coordination avec les communes, ont convoqué plusieurs personnes surprises en flagrant délit de construction illégale. Après audition, ces personnes seront présentées à la justice pour délits de violation de propriété. Dans le même élan, les services de la gendarmerie nationale ont intensifié les enquêtes afin d’identifier ceux qui encouragent ou facilitent le pillage de terres publiques. Il convient de rappeler que des textes législatifs ont été promulgués et adoptés, prévoyant le renforcement des sanctions contre les auteurs d’atteinte aux biens de l’État. Adhérant à cette démarche, les autorités locales de la wilaya ont mis l’accent sur l’impératif d’application des lois de la République dans toute sa rigueur.
Sofia Chahine