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Un décret fixe les conditions de l’activité de micro-importation: Le commerce du « cabas » officiellement légalisé

Le décret exécutif n° 25-170 publié dans la dernière livraison du Journal officiel, légalise l’activité de micro-importation, mettant fin à des décennies de flou juridique autour du fameux « commerce du cabas ».

C’est officiel, le commerce du cabas est enfin légalisé. Le décret exécutif n° 25-170 publié dans la dernière livraison du Journal officiel fixe les conditions d’exercice de l’activité de micro-importation par l’auto-entrepreneur.  Cette décision, portée par le président Abdelmadjid Tebboune représente bien plus qu’une simple régularisation administrative : elle constitue une véritable reconnaissance d’un pan entier de l’économie cantonné jusque-là dans le cadre informel. Le nouveau cadre réglementaire définit précisément les contours de cette activité émergente. La micro-importation concerne désormais « les opérations effectuées à titre individuel par des personnes physiques, lors de leurs déplacements à l’étranger, en vue de l’importation pour la vente en l’état de quantités limitées de biens et marchandises d’une valeur n’excédant pas un million huit cent mille dinars par déplacement, à raison de deux déplacements par mois au maximum ».

Les micro-importateurs bénéficieront d’avantages substantiels qui rendent cette nouvelle profession attractive. Le décret prévoit notamment « la dispense de l’obligation d’inscription au registre du commerce », « la dispense des autorisations d’importation préalables », et surtout « un droit de douane de 5% » particulièrement avantageux. La comptabilité sera également simplifiée, transcrite sur un simple registre coté et paraphé par les services fiscaux. Ces mesures traduisent une volonté claire de faciliter l’intégration de ces commerçants dans l’économie formelle.

Cependant, l’accès à ce nouveau statut reste strictement encadré. Les candidats micro-importateurs devront « être de nationalité algérienne et résider en Algérie », « n’exercer aucune autre activité rémunérée, salariale, commerciale ou profession libérale », et « être affilié à la Caisse nationale de sécurité sociale des non-salariés ». Une condition particulièrement significative impose de « disposer d’un compte bancaire en devises ouvert auprès de la Banque extérieure d’Algérie », obligeant ainsi les opérateurs à passer par le système bancaire officiel et à financer leur activité « sur leurs devises propres ».

Le processus d’autorisation implique l’obtention d’une « carte d’auto-entrepreneur portant le domaine micro-importation » délivrée par l’Agence nationale de l’auto-entrepreneur, ainsi qu’une « autorisation générale » accordée par le ministère du Commerce extérieur dans un délai de cinq jours ouvrables. Cette autorisation, valable un an et renouvelable, reste « personnelle et incessible », garantissant le caractère individuel de l’activité.

La modernisation accompagne cette régularisation avec l’instauration d’une plateforme numérique obligatoire. « Préalablement à chaque opération d’importation, le micro-importateur est tenu de déclarer, via une plate-forme numérique mise en place à cet effet, les marchandises devant être importées ». Cette plateforme, hébergée au niveau du ministère chargé des start-up, sera interconnectée avec les administrations concernées et les services douaniers, permettant un suivi en temps réel des flux commerciaux.

Le texte établit également des règles strictes d’étiquetage et de traçabilité. Chaque produit devra porter une étiquette mentionnant « le nom et le prénom ainsi que l’adresse du micro-importateur, la désignation de la marchandise, le pays d’origine et/ou de provenance ». Les bons de livraison simplifiés devront préciser les quantités, poids ou volumes selon les cas.

Certains produits restent toutefois interdits à la micro-importation. Le décret exclut expressément « les marchandises prohibées et les produits sensibles », « les équipements sensibles », « les produits pharmaceutiques », « les marchandises dont l’importation est subordonnée à autorisations spéciales » et « les marchandises portant atteinte à la sécurité, à l’ordre public et à la morale ». Une attention particulière est portée à la sécurité alimentaire avec l’obligation que « la durée de validité restante des produits importés soit supérieure à la moitié de leur durée globale limite de consommation ».

Les sanctions prévues en cas de manquement sont sévères. La radiation du registre national de l’auto-entrepreneur frappe ceux qui « ne respectent pas les règles liées à la protection du consommateur et à la sécurité nationale », « refusent d’accomplir les procédures de déclaration préalable », « font de fausses déclarations » ou « utilisent la carte de l’auto-entrepreneur à des fins autres que celles pour lesquelles elle a été délivrée ».

Cette révolution réglementaire s’inscrit dans une approche pragmatique assumée par les autorités. Plutôt que de maintenir une stratégie purement répressive contre un phénomène économique d’ampleur, le gouvernement a choisi de l’encadrer et de l’intégrer. Le communiqué du conseil des ministres du 18 mai dernier avait d’ailleurs explicitement mentionné cette orientation, évoquant « un règlement global et définitif de la situation des jeunes travaillant dans l’auto-importation et leur protection par leur intégration dans l’activité régulière du commerce extérieur ». Selon les estimations du Cercle de réflexion autour de l’entreprise (CARE), ce secteur informel génère annuellement entre 2 et 3 milliards de dollars de flux marchands et concerne plusieurs centaines de milliers de personnes. Cette transformation structurelle reconnaît officiellement que le commerce du cabas, loin d’être un simple parasite économique, remplit des fonctions sociales vitales en servant de soupape pour les ménages modestes et de filet de sécurité pour les sans-emploi. En légalisant cette activité, l’Algérie fait le pari d’une économie plus inclusive tout en renforçant le contrôle étatique sur les flux commerciaux transfrontaliers.

Samir Benisid

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