Médéa fait son théâtre : Quand le rire devient roi
Médéa s’est mue en capitale du rire ! Depuis lundi, la maison de la culture « Hassan el-Hassani » résonne d’éclats de voix et de cascades d’applaudissements. La 15e édition du Festival national du théâtre comique a ouvert ses rideaux sur un spectacle magnifique : celui d’un public conquis d’avance, affamé de bonne humeur et de moments d’évasion. Sept troupes se disputent la fameuse « Grappe d’Or » dans une compétition où chaque représentation devient un petit bijou d’inventivité scénique. Le coup d’envoi a été donné par l’Association culturelle et de musique classique de Sétif avec « EL-Ain Bel Ain » (Oeil pour oeil), une pièce qui plonge dans les méandres de la vanité humaine avec la finesse d’un chirurgien et l’humour ravageur d’un observateur impertinent. Les comédiens ont disséqué avec maestria les travers narcissiques de leurs personnages, transformant le miroir de nos défauts en source intarissable de rires complices. Le public médéen, gourmand de ces moments précieux, s’est laissé emporter par cette valse des ego surdimensionnés qui nous renvoie à nos propres contradictions. Mardi, la soirée a pris une tournure différente avec « Khems Ensa wa araba » (Cinq femmes et un chariot) du théâtre régional Mustapha Kateb de Souk-Ahras. Ici, le rire se teinte d’une mélancolie subtile en explorant l’univers de cinq femmes célibataires contraintes à l’isolement par une mystérieuse épidémie. Cette métaphore saisissante de la condition féminine dans une société parfois impitoyable a su toucher le cœur des spectateurs tout en préservant cette légèreté qui caractérise le genre comique. Les comédiennes ont jonglé avec brio entre tendresse et autodérision, offrant un spectacle d’une rare intelligence émotionnelle. La soirée de mardi s’est achevée en beauté avec « En-Nisf El-Akher » (l’Autre moitié) de l’association culturelle « El-Moutalate el waki » de Guelma, une pièce qui ausculte les nouveaux codes de la séduction à l’ère digitale. Comment trouver l’âme sœur quand les écrans remplacent les regards, quand les emoji supplantent les sourires ? Cette comédie de mœurs contemporaine a fait mouche en croquant avec malice les tribulations des cœurs solitaires perdus dans la jungle des réseaux sociaux. Le public a ri aux larmes devant ces personnages attachants qui naviguent entre swipes et likes à la recherche du grand amour. Ces trois premières représentations ont révélé un dénominateur commun fascinant : l’exploration des failles humaines comme source d’inspiration comique. Chaque troupe a su transformer les petites misères du quotidien en moments de grâce théâtrale, prouvant que le rire reste le meilleur remède contre les maux de l’existence. Les personnages, confrontés à des situations qui les dépassent, deviennent des héros malgré eux, obligés de composer avec leurs faiblesses pour surmonter les épreuves qui jalonnent leur parcours. Mercredi, l’aventure a continué avec « Wa akhiren » (Enfin) du théâtre régional Abderrahmane Bouguermouh de Bejaia et « Ed-Doub » (l’Ours) de l’association « Massini » d’Adrar. Deux nouvelles créations qui viennent d’enrichir encore cette palette de couleurs théâtrales déjà si chatoyante. Les spectateurs médéens peuvent se frotter les mains : le festival tient ses promesses et transforme chaque soirée en rendez-vous incontournable avec l’art dramatique. Sous le slogan évocateur « Médéa : 100 ans de théâtre », cette 15e édition rend hommage à un siècle de tradition scénique locale tout en regardant résolument vers l’avenir. La maison de la culture vibre au rythme de cette effervescence créative qui rappelle combien le théâtre demeure un art vivant, capable de fédérer les générations autour d’émotions partagées. Jusqu’au 4 juillet, Médéa sera donc le théâtre d’une compétition artistique de haut vol, où chaque représentation apporte sa pierre à l’édifice d’un patrimoine culturel en constante évolution. La « Grappe d’Or » récompensera bientôt la troupe qui aura su le mieux marier tradition et modernité, humour et profondeur, dans cet exercice délicat qu’est la comédie théâtrale. En attendant, le public médéen savoure ces instants magiques où le rire devient roi et transforme chaque spectateur en complice d’une aventure artistique inoubliable.
Mohand Seghir