Un dispositif musclé pour moraliser la vie publique
Fini l’opacité dans la propriété des entreprises algériennes. L’Algérie déploie désormais un arsenal sophistiqué pour traquer les flux financiers douteux et débusquer les véritables propriétaires d’entreprises, avec en première ligne le Registre national des bénéficiaires effectifs.
Le ministre du Commerce intérieur et de la Régulation du marché national, Tayeb Zitouni, a souligné, lors d’une journée d’information organisée dimanche par le Centre national du registre du commerce (CNRC), que ce registre représentait « un mécanisme stratégique de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, reflétant l’attachement de l’Algérie aux normes internationales et à la transparence de son système juridique et financier ». Pour le ministre, l’identification du bénéficiaire effectif d’une entreprise constitue la « première ligne de défense » de l’économie nationale et un mécanisme stratégique permettant de percer toute tentative de dissimulation ou d’exploitation d’entités juridiques et financières à des fins suspectes.
Cette démarche s’inscrit dans le cadre des engagements internationaux de l’Algérie, notamment avec le Groupe d’action financière (GAFI) et les conventions arabes et africaines pertinentes, reflétant la volonté de l’État de se conformer aux normes internationales et de garantir la transparence de son système juridique et financier, en vue de renforcer la place de l’Algérie sur la scène internationale. L’initiative de créer ce registre en 2023 répond à la nécessité de disposer d’une plateforme centrale pour la collecte et la mise à jour des données de propriété effective des personnes morales, permettant ainsi aux autorités compétentes de surveiller les flux financiers suspects, de remédier aux failles que pourraient exploiter certains opportunistes et de protéger l’économie nationale contre les risques transfrontaliers.
Le ministre Zitouni a insisté sur le fait que ce registre ne sera efficace que s’il s’accompagne d’un engagement collectif de l’ensemble des opérateurs économiques et des personnes morales, à travers des déclarations transparentes et périodiques, à même de renforcer la confiance du marché et de faire de l’Algérie un environnement sûr pour l’investissement et le développement. Il a également expliqué que la création du Registre du commerce électronique renforcera la transparence économique, en reliant les données du CNRC et de l’ensemble des instances partenaires, se conformant ainsi aux recommandations du GAFI.
De son côté, le ministre des Finances, Abdelkrim Bouzred, a rappelé que l’Algérie, pionnière dans le domaine de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, a renforcé davantage ses procédures après son adhésion au GAFI. Le ministre a précisé que les efforts consentis par l’Algérie avaient permis au pays de réaliser de grands progrès, tout en renforçant les procédures de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme à tous les niveaux, ajoutant que les pouvoirs publics avaient pris toutes les mesures et mené un « travail colossal » dans ce sens.
Après avoir salué la création du Registre national des bénéficiaires effectifs, le ministre a souligné l’importance de ce mécanisme pour le ministère des Finances, dont relève le secteur des impôts, invitant toutes les parties et instances à y contribuer, chacune dans son domaine de compétence, afin d’assurer « une gestion transparente et efficace ». La journée d’information a été marquée par la présentation de communications par des représentants des ministères du Commerce, de l’Intérieur, des Finances et de la Justice, et du Commandement de la Gendarmerie nationale, sur le cadre législatif du bénéficiaire effectif des personnes morales et les dispositions légales y relatives. Les participants se sont également penchés sur les dernières mises à jour du texte de la loi sur la prévention et la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme actuellement en débat à l’APN et qui apporte des changement importants dans l’approche en matière de lutte contre le blanchiment d’argent en consolidant le contrôle et en imposant des nouveautés pour s’adapter aux défis technologiques de l’heure.
Au terme de la rencontre, les participants ont appelé à encourager les entreprises et les professions non financières à se conformer volontairement aux textes juridiques et réglementaires, à intensifier les campagnes de sensibilisation sur le concept de bénéficiaire effectif et à établir des lignes directrices générales et des guides pratiques au profit des personnes morales pour leur permettre d’améliorer leur conformité et leurs pratiques. Les participants ont également recommandé de renforcer la coordination et la coopération entre les différents départements ministériels concernant les bénéficiaires effectifs, tout en intensifiant les ateliers de formation et les débats sur l’identification du bénéficiaire effectif.
Cette mobilisation générale s’inscrit dans une démarche plus large de moralisation de la vie publique, conformément aux orientations présidentielles. L’objectif est clair : faire de l’Algérie un modèle de transparence financière et de gouvernance d’entreprise, capable de rivaliser avec les standards internationaux les plus exigeants tout en protégeant son économie des menaces transfrontalières.
Amar Malki