Des poursuites engagées contre Retailleau, Lenoir et CNews pour incitation à la haine anti-algérienne : La dérive de trop !
Une série de plaintes ont été déposées contre des personnalités politiques françaises pour leurs déclarations jugées discriminatoires envers les Algériens et les musulmans de France. Le ministre français de l’Intérieur français Bruno Retailleau est d’ailleurs en première ligne pour sa banalisation du discours xénophobe, anti-algérien notamment et qui risque de voir se cas porté à la Cour européenne des droits de l’Homme et à la la Commission des droits de l’Homme des Nations unies.
L’ancienne bâtonnière de Nîmes, Khadija Aoudia, figure respectée du barreau français, a porté plainte vendredi dernier devant la Cour de justice française contre le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau pour provocation à la haine et à la discrimination. Cette action d’envergure, menée au nom d’une association œuvrant dans les quartiers populaires, s’inscrit dans une démarche de résistance face à l’augmentation alarmante des actes et discours discriminatoires observés sur le terrain. La plainte rassemble méthodiquement l’ensemble des déclarations discriminatoires depuis l’arrivée de Retailleau à la tête du ministère de l’Intérieur, constituant un dossier détaillé des dérapages verbaux du ministre. Parmi les propos les plus controversés figurent sa déclaration catégorique du 29 septembre dernier lors d’une interview télévisée où il a affirmé sans nuance que « l’immigration n’est pas une chance pour la France », remettant en cause des décennies de politique d’intégration républicaine. Au cours de cette même interview, le ministre a enfoncé le clou en déclarant que « l’immigration est un des phénomènes qui a le plus bouleversé la société française depuis 50 ans sans que jamais les Français aient eu à se prononcer », suggérant implicitement un manque de légitimité démocratique des politiques migratoires menées jusqu’alors. Plus récemment, en février 2025, Bruno Retailleau a franchi un nouveau palier dans la controverse en qualifiant le voile de « signe d’apartheid » sur une chaîne de télévision nationale, des propos qui ont particulièrement choqué la communauté musulmane française et soulevé des questions sur la laïcité à la française. Cette déclaration, prononcée par un ministre censé garantir l’égalité de tous les citoyens devant la loi, a été interprétée comme une stigmatisation directe des femmes musulmanes pratiquantes et une remise en cause de leur liberté de culte garantie par la Constitutionfrançaise.
Maître Khadija Aoudia, qui a exercé avec distinction le mandat de bâtonnière de Nîmes pour l’année 2023-2024, justifie son action judiciaire par une philosophie du droit qu’elle résume ainsi : « la seule manière d’éviter le débordement vers la violence, c’est le droit » car selon elle, « le droit protège, sanctionne égalitairement sans aucune distinction ». Cette approche reflète une vision républicaine de la justice comme rempart contre l’arbitraire et les discriminations. L’avocate dénonce fermement des « propos discriminants à l’encontre notamment des Français de confession musulmane et qui ne sont pas dignes d’un ministre, gardien du respect de la Constitution », rappelant que les membres du gouvernement ont un devoir d’exemplarité particulier dans leurs déclarations publiques. Déterminée à aller jusqu’au bout de sa démarche, Maître Aoudia a annoncé son intention de porter l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’Homme si sa plainte n’aboutit pas devant les juridictions françaises, et envisage même de saisir la Commission des droits de l’Homme des Nations unies.
Grave dérapage sur CNews
Parallèlement, révèle l’ampleur de la banalisation des discours de haine dans certains cercles médiatiques français. Noëlle Lenoir, ancienne ministre des Affaires européennes sous Jacques Chirac entre 2002 et 2004 est désormais dans le viseur de la justice pour ses propos d’une violence inouïe tenus vendredi 8 août lors de l’émission « L’Heure des Pros » sur CNews, chaîne appartenant au groupe médiatique de l’industriel Vincent Bolloré et qui est connue aujourd’hui pour sa promotion des discours d’extrême droite. L’ancienne ministre a franchi toutes les lignes rouges en assimilant explicitement et sans aucune nuance les Algériens de France à des criminels potentiels, déclarant de manière péremptoire que « vous avez des millions d’Algériens qui présentent des risques majeurs, qui peuvent sortir un couteau dans le métro, dans une gare, dans la rue, n’importe où, ou prendre une voiture pour rentrer dans une foule ». Ces propos d’une gravité exceptionnelle, qui généralisent la suspicion criminelle à une communauté entière sur la base de ses origines nationales, ont été prononcés sans qu’elle soit le moins du monde rappelée à l’ordre par l’animatrice de l’émission, révélant une complaisance médiatique inquiétante face aux discours de haine. La députée écologiste Sabrina Sebaihi, parlementaire française d’origine algérienne qui incarne la diversité de la représentation nationale française, a immédiatement réagi avec fermeté en saisissant la procureure de la République de Paris dès ce lundi. S’appuyant sur l’article 40 du Code de procédure pénale qui permet à tout citoyen de porter à la connaissance du parquet l’existence de faits susceptibles de constituer une infraction, elle a transmis un dossier détaillé sur cette affaire. Dans sa lettre officielle adressée au parquet, la parlementaire explique méthodiquement que les propos de Noëlle Lenoir « généralisent un risque criminel à des millions d’Algériens sur la seule base de leur nationalité », constituant une violation flagrante des principes d’égalité et de non-discrimination.
Sabrina Sebaihi rappelle opportunément dans son courrier que « l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sanctionne la provocation publique, à la discrimination, à la haine ou à la violence envers un groupe en raison de son origine ou de sa nationalité », texte fondamental de la législation française contre les discours de haine qui date de la IIIe République mais reste d’une actualité brûlante. Pour la députée, assimiler des millions d’Algériens vivant paisiblement en France à des criminels potentiels dépasse largement le cadre de la liberté d’opinion pour constituer un véritable « délit » au sens pénal du terme, estimant que la haine et la stigmatisation « ne peuvent être tolérées » dans une République fondée sur l’égalité des citoyens. Elle insiste particulièrement sur le contexte actuel « marqué par les propos politiques et médiatiques de plus en plus violents à l’égard des Algériens », rappelant que ces déclarations s’inscrivent dans un climat général de tension et de stigmatisation qui nécessite une réponse ferme des institutions judiciaires.
L’Union française des binationaux et de la diaspora algérienne, organisation représentative de la communauté franco-algérienne, a également pris ses responsabilités en engageant une action complémentaire mais distincte en adressant une requête au tribunal administratif de Paris, cette fois directement contre la chaîne de télévision CNews elle-même. Cette stratégie judiciaire vise à engager la responsabilité de l’entreprise médiatique qui a donné une tribune à des propos illégaux. L’association considère à juste titre que les déclarations diffusées sont susceptibles de recevoir les « qualifications d’incitation à la haine raciale et de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence envers un groupe en raison de son origine nationale », infractions graves au regard du droit français.
Soulignant que « l’urgence est caractérisée » par « le risque immédiat de troubles à l’ordre public et de violences contre les personnes visées et la diffusion nationale en direct d’accusations stigmatisantes visant un groupe déterminé », l’association demande au juge des référés d’ordonner à CNews des mesures de réparation immédiates. Elle exige notamment la diffusion immédiate, à une heure de grande écoute correspondant au moment de la diffusion initiale, d’un bandeau rectificatif et d’excuses publiques formelles adressées aux binationaux franco-algériens et à l’ensemble de la diaspora algérienne, ces excuses devant être diffusées dans l’émission « L’Heure des Pros » qui a servi de vecteur aux propos litigieux. Le tribunal administratif est également appelé par l’association à « condamner CNews au paiement de 50.000 euros de dommages-intérêts à l’association requérante » en réparation du préjudice moral subi par la communauté visée, et « d’enjoindre à l’ARCOM de se saisir du dossier et d’infliger à CNews une sanction pécuniaire ». Ces multiples actions judiciaires convergentes illustrent la détermination sans faille de la communauté algérienne de France et de ses alliés à ne plus tolérer les discours de haine et de stigmatisation qui se banalisent dangereusement dans l’espace public français, particulièrement dans certains médias et cercles politiques.
Salim Amokrane