L’Algérie mise sur la modernisation de l’agriculture : Répondre au défi de la sécurité alimentaire
L’Algérie mise sur la technologie et l’innovation pour transformer son agriculture et garantir son autonomie alimentaire face aux défis climatiques.
Le Centre international des conférences Abdelatif-Rahal d’Alger accueillera dès ce lundi une conférence nationale de deux jours qui se veut déterminante pour l’avenir de l’agriculture algérienne. Organisée par le ministère de l’Agriculture, du Développement rural et de la Pêche, cette rencontre réunira experts nationaux et internationaux autour d’un objectif majeur : bâtir un système agricole moderne, durable et capable d’assurer la sécurité alimentaire du pays. Selon le communiqué du ministère publié il y a quelques jours, cette conférence abordera une série de questions « stratégiques importantes », notamment « l’utilisation des nouvelles technologies pour accroître la productivité et la rentabilité, l’optimisation des ressources en eau, la modernisation des équipements et des infrastructures agricoles, le développement des mécanismes de financement agricole et la numérisation complète du secteur agricole ». Le programme reflète une ambition sans précédent : transformer en profondeur un secteur jugé vital pour l’économie nationale.
La conférence marque un tournant dans l’approche gouvernementale. Le communiqué souligne qu’elle reflète « une nouvelle vision de l’agriculture fondée sur la coopération entre experts, l’innovation scientifique et le progrès technologique, à travers le renforcement du dialogue entre chercheurs, cadres du secteur et partenaires économiques ». Cette volonté de rapprocher monde scientifique, administration et acteurs économiques constitue une nouveauté dans un secteur longtemps marqué par le cloisonnement. Parmi les thèmes prioritaires figure la restructuration institutionnelle.
Restructuration institutionnelle et numérisation
La conférence évoquera « la restructuration et l’organisation du ministère et des établissements sous tutelle », ainsi que « l’utilisation des nouvelles technologies dans la gestion du foncier agricole et le recours aux biotechnologies pour développer des espèces plus adaptées au changement climatique ». Face à la sécheresse récurrente qui frappe l’Algérie, l’adaptation climatique devient une priorité absolue, passant par le développement de variétés végétales résistantes et l’optimisation drastique de l’usage de l’eau. La dimension numérique occupe une place centrale dans cette stratégie de modernisation. Intervenant jeudi devant l’Assemblée populaire nationale, le ministre de l’Agriculture, Yacine El-Mahdi Oualid, a détaillé les avancées concrètes déjà engagées. Il a affirmé que le secteur avait « procédé au lancement de plusieurs projets visant le développement et la modernisation de son système d’information, à travers la mise en place de plateformes numériques dédiées à chaque filière agricole ». Ces outils permettront « une identification précise des besoins en intrants et en équipements ainsi que des quantités produites et stockées des différentes récoltes ». L’objectif, a précisé le ministre, est de « suivre et de traiter, en temps réel, les contraintes rencontrées par les différentes filières », contribuant ainsi à « réunir toutes les conditions nécessaires à la réalisation de l’autosuffisance et à l’orientation vers l’exportation pour plusieurs filières ». Cette approche data-driven vise à améliorer la réactivité du secteur face aux crises et à optimiser la planification agricole.
Les infrastructures constituent l’autre grand chantier. Le ministre a rappelé les efforts déployés pour le raccordement des exploitations au réseau électrique : sur 79.343 exploitations non raccordées recensées en 2020, quelque 48.710 ont depuis été connectées grâce à une enveloppe de plus de 111 milliards de dinars. Pour la filière céréalière, jugée stratégique, le gouvernement a lancé la construction de 30 silos d’une capacité de 100.000 tonnes chacun, ainsi que 350 centres de proximité pour la collecte, dont 232 sont déjà opérationnels. Yacine El-Mahdi Oualid a également souligné les mesures d’accompagnement mises en place : 78 guichets uniques ouverts depuis juillet pour faciliter l’accès aux semences et engrais, mobilisation du crédit « R’FIG », campagnes de sensibilisation auprès des agriculteurs pour « respecter le parcours technique », et promotion de l’investissement technologique. Le ministre a insisté sur « le rôle essentiel de la recherche scientifique et de la coopération internationale pour développer la filière », notamment pour créer de « nouvelles variétés résistantes à la sécheresse et aux maladies ».
Cette conférence intervient dans un contexte où l’Algérie cherche à réduire sa dépendance aux importations alimentaires, particulièrement coûteuse en devises. Le communiqué du ministère indique que la rencontre vise à « proposer des solutions pratiques pour assurer la sécurité alimentaire, améliorer l’efficacité des politiques agricoles et construire un secteur agricole durable, capable de relever les défis futurs ». L’enjeu dépasse la simple modernisation technique : il s’agit de repenser un modèle agricole longtemps marqué par une approche productiviste, pour intégrer durabilité environnementale, efficience économique et résilience climatique. Les conclusions de cette conférence dessineront la feuille de route agricole de l’Algérie pour les prochaines années.
Malik Meziane

