Flux financiers illicites : L’Algérie plaide pour une coopération renforcée
À l’heure où les États africains s’emploient à consolider leurs recettes publiques et à freiner la fuite des capitaux, l’Algérie s’apprête à accueillir un rendez-vous continental majeur. Du 3 au 7 novembre prochain, Alger abritera le Forum africain des administrations fiscales (ATAF), un espace d’échanges qui réunira décideurs, experts et institutions internationales autour d’un enjeu commun : la lutte contre la fraude, l’évasion fiscale et les flux financiers illicites. Selon Ghania Rabhi Mansour, directrice des relations fiscales internationales à la Direction générale des impôts (DGI), ce forum revêt une importance stratégique pour le continent. « Cet évènement va réunir les administrations fiscales africaines ainsi que d’autres administrations venant d’Asie, d’Europe et d’un peu partout dans le monde. Il verra également la participation de partenaires internationaux à l’instar de représentants des Nations unies, de l’OCDE et d’autres organisations spécialisées, sans oublier le secteur privé », a-t-elle déclaré, dimanche, sur les ondes de la Chaîne 3 de la Radio algérienne.
Pour Mme Rabhi Mansour, ce forum constitue avant tout une plateforme de coopération destinée à renforcer la solidarité entre les administrations fiscales africaines. « L’objectif est de nous asseoir autour d’une même table pour discuter de nos problématiques communes, partager nos défis, mais aussi nous apporter un appui mutuel et une assistance technique. Il s’agit de donner aux États africains les moyens de lutter efficacement contre la fraude, l’évasion fiscale et les flux financiers illicites », a-t-elle expliqué. La responsable de la DGI insiste sur la nécessité d’une approche collective face à des pratiques qui dépassent désormais les frontières. « Nous vivons à l’ère du multilatéralisme, où il n’y a plus de frontières pour commercer. Toutes les administrations fiscales sont conscientes que nous devons nous entraider et coopérer pour lutter efficacement et éviter qu’une concurrence fiscale déloyale ne nuise à un autre État », a-t-elle souligné.
Ce message s’inscrit dans un contexte mondial où les économies émergentes subissent les effets de la globalisation financière, souvent marquée par des transferts illégaux de capitaux, la manipulation des prix de transfert et l’érosion des bases fiscales. L’ATAF, en ce sens, offre à l’Afrique une tribune pour affirmer sa voix et élaborer des réponses concertées à ces défis.
Les nouveaux outils du contrôle
Abordant les transformations en cours dans l’administration fiscale, Mme Rabhi Mansour a mis en avant la numérisation comme levier central pour moderniser la gouvernance financière et renforcer la transparence. « La numérisation va mettre un terme à une partie de l’économie informelle, car elle assurera une plus grande traçabilité des transactions », a-t-elle affirmé. Selon elle, la digitalisation ne se limite pas à la simplification des procédures mais ouvre la voie à une gestion intelligente du risque fiscal. « La numérisation va permettre un contrôle basé sur les données. Ce ne sera plus l’homme qui décidera du contrôle, mais un système qui orientera les interventions selon les risques identifiés grâce à l’analyse numérique des informations fiscales », a-t-elle expliqué. Les discussions prévues durant l’ATAF 2025 porteront d’ailleurs sur ces thématiques clés : normes internationales, sécurité juridique, usage des données et échanges de renseignements entre administrations. Autant de sujets au cœur des réformes entreprises par plusieurs pays africains. Membre de l’ATAF depuis 2024, l’Algérie entend jouer un rôle actif au sein de cette organisation continentale. « Notre pays s’est engagé à participer pleinement aux travaux de l’ATAF, fort de son expertise, de son expérience et de ses bonnes pratiques », a indiqué Mme Rabhi Mansour. Elle a toutefois insisté sur la nécessité d’un apprentissage réciproque. « En parallèle, nous devons profiter des bonnes pratiques des autres. Certains pays africains, comme le Bénin, sont pionniers en matière de facturation électronique. Le Kenya et le Nigeria ont, pour leur part, mis en place des mécanismes d’imposition des services numériques très intéressants », a-t-elle observé.
Sabrina Aziouez

