France : L’islamophobie franchit toutes les lignes rouges
Des sénateurs du parti Les Républicains proposent d’interdire le voile aux mineures de moins de 16 ans et le jeûne du ramadan aux enfants, sous prétexte de « protection de l’enfance ». Une escalade qui vise directement les musulmans français et menace la cohésion sociale. Le débat sur l’islam en France vient de franchir un nouveau cap avec une série de propositions chocs présentées par des membres du parti Les Républicains au Sénat français. Parmi les recommandations visant à combattre ce qu’ils qualifient d’ »entrisme islamiste », figure notamment l’interdiction du port du voile pour les filles de moins de seize ans, ainsi que l’interdiction du jeûne pour les mineurs du même âge, officiellement au nom de la « protection de l’enfance ». Ces mesures constituent une provocation manifeste à l’encontre d’une large frange de citoyens français musulmans et un franchissement de toutes les lignes rouges susceptible de mener à un déchirement social sans précédent. Dans leur rapport présenté lundi à la chambre haute du Parlement français, les sénateurs concernés partent du postulat que « l’islamisme constitue un obstacle à la cohésion sociale » et que la France doit se doter « des moyens appropriés pour combattre ce danger », sans pour autant expliquer les manifestations concrètes ni fournir de justifications rationnelles à ce qu’ils dénoncent comme une menace. Les parlementaires se sont appuyés sur le concept de « neutralité dans l’espace public » vis-à-vis de tout symbole religieux, au nom de la laïcité, pour justifier leur démarche. Ils mettent en garde contre ce qu’ils nomment les « stratégies d’entrisme islamiste fondées sur le double discours, l’infiltration des institutions publiques et l’exploitation des libertés démocratiques », faisant ainsi référence à l’exercice du culte dans le cadre de la liberté de croyance.
Le groupe à l’origine de ces recommandations appelle également à adopter la proposition de loi relative au respect du « principe de laïcité dans le domaine sportif », qui prévoit l’interdiction des symboles religieux dans les compétitions sportives et les piscines publiques, un appel visant explicitement les musulmanes et musulmans. Les propositions ne s’arrêtent pas là puisqu’elles réclament le transfert des « compétences d’octroi des visas au ministère de l’Intérieur » afin de garantir une « cohérence entre l’entrée sur le territoire français et le contrôle des étrangers ». Les sénateurs exigent par ailleurs l’instauration d’un « entretien systématique préalable des deux époux avant la validation du mariage par les autorités consulaires françaises », une conception qui laisse transparaître une volonté d’encerclement et d’imposer un contrôle sur les mariages mixtes.
Cette initiative porte des indicateurs politiques qui confirment que Bruno Retailleau, président du groupe Les Républicains au Sénat, a accéléré la cadence dans la course vers l’Élysée en intensifiant l’utilisation de l’islamophobie comme carburant électoral. Cette stratégie intervient dans un contexte de concurrence féroce avec l’extrême droite menée par Jordan Bardella, dont un nouveau sondage publié mardi révèle qu’il devance ses rivaux potentiels pour l’élection présidentielle de 2027. La démarche des membres du Sénat confirme que le parti traverse une faillite politique sans précédent sous la direction de Bruno Retailleau, en plaçant « l’autre musulman » au centre de ses préoccupations et en ressuscitant des idées appartenant aux époques de ségrégation raciale, quitte à provoquer des fractures sociales profondes dans le pays.
Ce qui soulève des interrogations, c’est que les membres républicains ont concentré leurs propositions sur les « symboles » renvoyant à l’islam, tout en ignorant délibérément ceux liés à d’autres religions. Le rapport remet sur la table des mesures considérées comme essentielles pour la droite, qui ont déjà été votées à plusieurs reprises au Sénat, comme l’interdiction du port du voile pour les accompagnatrices lors des sorties scolaires.
Salim Amokrane
