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Grande mobilisation citoyenne à Tizi-Ouzou: De la solidarité pour faire face au feu

Il est midi et la fumée étouffante envahit même les maisons. Le soleil était rouge derrière les nuages. Les villes se drapaient d’un manteau grisâtre tout comme les villages qui ont tronqué leur burnous blanc pour prendre des airs de no man’s land. Les gens qui ne pouvaient pas rejoindre les forêts pour éteindre les feux évitaient de sortir.
En effet, les feux qui ravageaient les forêts avançaient vers les villages. Les gens prenaient tout ce qui leur tombait dans les mains. Des sceaux, des pèles, de bidons et tout ce qui pouvait aider à faire reculer le feu et l’éloigner des maisons. Il fallait à tout prix rejoindre les éléments de la protection civile qui sont sur place. «Notre présence est très utile car nous connaissons très bien les lieux. Nous pouvons leur montrer les chemins sinueux mais qui peuvent les aider à avancer vers les points de départ des feux» explique un jeune d’Aït Boumahdi à Ouacifs.
A Tigzirt et Aïn El Hammam, la situation était chaotique. « Nous avons peur pour nos maisons. plusieurs villages sont encerclés par les flammes et le matériel de la protection civile ne peut pas parvenir jusque dans les hauteurs. Les routes sont sinueuses. Les feux avancent rapidement à cause du vent. La crainte est de voir les maisons touchées », ajoute un autre.
Un bilan déjà très lourd
Les derniers bilans font état de six morts. Les prochaines heures peuvent être plus dramatiques mais les gens ne désespèrent pas. Ils avancent toujours pour faire face au feu. «Nous ne cédons pas aux rumeurs. Par ces temps difficiles, les rumeurs peuvent engendrer des dégâts. C’est pourquoi nous demandons aux villageois de ne pas céder à la panique. La situation est difficile », raconte un villageois d’Azazga qui participe aux opérations d’extinction depuis le départ des deux. Ce dernier nous a d’ailleurs confirmé la mort d’un jeune aviculteur de la région. «Il voulait sauver son poulailler et en affrontant les flammes, il perd connaissance. il a été retrouvé calciné» raconte-t-il.
De l’eau pour éteindre les feux et des véhicules pour l’acheminer vers les lieux de l’incendie. En effet, les volontaires étaient nombreux à ramener leurs véhicules. «Il y beaucoup de citoyens qui attendent avec leurs camions-citernes pour acheminer l’eau vers les lieux de l’incendie. Mais en fait, nous trouvons des difficultés à trouver le liquide», ajoute-il. Dans d’autres villages, les citoyens ont proposé leurs propres forages pour remplir les citernes. «Oui, j’ai mis à leur disposition le forage qui se trouve chez-moi. Je l’ai réalisé pour faire mon jardin potager mais là je crois que la situation est plus urgente que le jardinage» affirme un autre citoyen d’Iflissen. En effet, l’eau est rare mais les besoins sont grands. Les gens ne trouvent rien à proposer. C’est alors que dans certaines communes, le recours aux retenues collinaires encore disposant d’eau est systématique.
Les populations retiennent leur souffle
A travers tous les villages de la wilaya, l’angoisse et les appréhensions sont grandes. Mais celle qui retient l’attention est incontestablement la crainte de voir l’oliveraie locale partir en fumée. «Je n’ai que ces arbres que je tiens de mes grands parents. C’est un héritage familial qui me tient très à cœur», se lamente un vieil homme. D’autres citoyens sont dans l’angoisse que ce patrimoine soit ravagé car il représente l’unique source d’argent. «Si mes arbres brûlent, je n’aurais plus aucun litre d’huile à vendre. C’est en grande partie, ma source d’argent. Cette année, je crains que les huilerie ne trouvent rien à se mettre sous la dent» ironise un autre citoyen qui a compté près d’une vingtaine d’oliviers partis en fumée en l’espace de quarante-huit heure.
Par ailleurs, les conséquences ne sont pas moins marquée sur les autres arbres fruitiers. «Mes figuiers sont tous calcinés. J’ai le cœur qui se serre. Je n’arrive pas à croire que je n’ai plus de figuier», affirme un autre citoyen qui cache ses larmes. En effet, dans ces montagnes, la culture de l’oliveraie est une question d’honneur. Quand on n’a pas au moins un olivier devant sa maison, c’est que l’on est considéré comme un bras cassé.
Mais là, cette fois, la situation est différente car les pertes ne se mesurent pas à un arbre mais plutôt à des vergers. L’arboriculture s’est très bien, développée ces dernières années. Les efforts des citoyens et des pouvoirs publics commençaient à peine à donne des résultats. Mais là, les incendies viennent fausser tous les calculs. Les dégâts ne sont pas encore calculés, mais il ne peut être autrement que de grandes pertes. Le rucher local n’a pas été épargné ainsi que la filière de l’aviculture qui risque de prendre un sérieux coup. «J’ai perdu mon poulailler. Je voyais le fruit de ma sueur partir en fumée. je suis atterré» ajoute un jeune aviculteur de la région de Ouaguenoun.
C’est d’ailleurs, la région qui a servi de réservoir pour de multiples camion citernes qui venaient de loin remplir du barrage situé dans la commune. «Le barrage est encore à moitié rempli. C’est pourquoi, les services concernés ont vite proposé de recourir à son eau. D’ailleurs, beaucoup de villageois ont appelé les localités touchées par les feux à venir s’approvisionner en eau. Le barrage est resté inutilisé depuis plusieurs année. Il n’y a plus d’activité agricole dans ces plaines. La majorité des agriculteurs . Ils se sont tous reconvertis à d’autres activités mais là le barrage a trouvé au moins une vocation» ironise un ancien agriculteur.
Enfin, il convient de rappeler que les actions de solidarité dans ces cas ne sont pas une chose nouvelle. Les gens ont appris à vivre les uns pour les autres dans une harmonie qui a su traverser des siècles. «Nos ancêtres nous ont légué des valeurs inestimables. Nous les générations actuelles, avons le devoir de les transmettre aux prochaines générations» affirme un homme qui a été très heureux d’apprendre que des Algériens de toutes les wilayas ont exprimé le désir de venir à Tizi-Ouzou pour aider les populations locales à passer cette épreuve difficile. « C’est vraiment merveilleux. C’est la preuve que l’Algérie restera toujours debout grâce à tous ses enfants », s’exclame-t-il.
Kamel Naït Ameur

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