Sonatrach défie la conjoncture mondiale
Malgré un environnement défavorable, Sonatrach a montré une résilience financière et opérationnelle qui confirme son rôle central dans la sécurité énergétique du pays.
Dans un marché énergétique mondial marqué par la baisse des cours du pétrole et du gaz, la montée des tensions géopolitiques et le ralentissement de la demande, Sonatrach est parvenue en 2024 à maintenir ses équilibres et à renforcer plusieurs segments stratégiques de son activité. L’entreprise nationale des hydrocarbures a affiché à la fois une stabilité de sa production primaire – 193,7 millions de TEP – et une progression notable de ses capacités de transformation, tout en réalisant un chiffre d’affaires à l’exportation de 6 019 milliards de dinars (soit environ 44,9 milliards USD), selon le rapport annuel 2024 du groupe publié lundi.
Une production solide et des performances industrielles en hausse
Bien que la conjoncture internationale ait pesé sur les prix, la première entreprise africaine a préservé un haut niveau d’activité dans l’amont, avec 18 nouvelles découvertes en effort propre, dont un potentiel prouvé et probable de 57,68 millions de TEP. La production primaire est restée stable par rapport à 2023, portée par 127,9 milliards de m³ de gaz naturel, 46,9 millions de TEP de pétrole brut, 9,1 millions de TEP de condensat et 9,7 millions de TEP de GPL. Les capacités de raffinage ont également connu une année dynamique : 26,5 millions de tonnes de pétrole brut ont été traitées, en hausse de 2 %, tandis que la production globale des raffineries a atteint 30,4 millions de tonnes, soit +4 %. Sonatrach a même enregistré des volumes record de carburants terre : 10,8 millions de tonnes de gasoil et 3,7 millions de tonnes d’essence, ce qui a permis de poursuivre l’objectif de souveraineté énergétique et de réduction des importations.
Les complexes pétrochimiques ont eux aussi affiché de bonnes performances, notamment le CP2K de Skikda, dont la production de PEHD a bondi de 101 % pour atteindre 34 198 tonnes. Le CP1Z d’Arzew a quant à lui produit 114 702 tonnes, soutenant la montée en puissance du segment chimique dans la stratégie de valorisation de la matière première.
Sur le plan logistique, le réseau de transport par canalisation a évacué 157,8 millions de TEP dans sa partie nord et 85,7 millions de TEP dans sa partie sud, confirmant le rôle de Sonatrach comme fournisseur fiable pour ses clients nationaux et internationaux.
Hausse de 11% des investissements
Malgré un contexte pétrolier incertain, Sonatrach a poursuivi en 2024 son programme d’investissement, avec 835 milliards de dinars (environ 6,23 milliards USD) engagés, en hausse de 11 %. L’amont a absorbé 79 % de cet effort, soit 662 milliards de dinars (4,94 milliards USD), consacrés au forage, au développement des gisements et aux projets de maintien de production, notamment le boosting de Hassi R’mel et d’Alrar. L’entreprise a foré 59 puits, dont 39 livrés, et achevé 171 puits de développement, confirmant sa stratégie de renouvellement des réserves. L’activité de liquéfaction a dégagé une production de 25,1 millions m³ de GNL, tandis que les complexes de séparation GP1Z et GP2Z ont produit 8,1 millions de tonnes de propane et butane. Dans le commerce international, l’entreprise a maintenu ses positions clés : 91,4 millions de TEPexportés, dont 34,3 milliards de m³ de gaz naturel, 6,1 millions de tonnes de GPL, 14,3 millions de tonnes de produits raffinés et 25 millions m³ de GNL. Le chiffre d’affaires global a atteint 6 523 milliards de dinars, tandis que la fiscalité pétrolière versée à l’État s’est élevée à 3 872 milliards de dinars (28,9 milliards USD). Le résultat net s’établit à 812 milliards de dinars (6,05 milliards USD), confirmant la robustesse financière du groupe.
Une diplomatie énergétique offensive
En parallèle de ses performances industrielles, Sonatrach a renforcé en 2024 son réseau de partenariats internationaux, traduisant une stratégie plus affirmée d’expansion et de sécurisation des débouchés. Sur le plan technique, deux contrats majeurs ont été conclus : le premier avec le consortium Baker Hughes / Nuovo Pignone International Srl & Tecnimont S.p.A pour la réalisation de la Phase III – Étape 2 du Boosting du gisement de Hassi R’Mel, l’un des plus grands champs gaziers au monde ; le second avec la compagnie chinoise CPECC pour le développement du projet Boosting Alrar Phase III, destiné à stabiliser la production de ce champ saharien stratégique. L’année a également été marquée par une séquence dense de protocoles d’accord dans l’amont pétrolier et gazier. Avec SINOPEC, Sonatrach a engagé la préparation d’un contrat d’hydrocarbures sur le périmètre de Hassi Berkane Nord. Avec Eni et Equinor, elle a relancé les programmes d’exploration et de développement des régions de In Salah et In Amenas, zones clés pour l’approvisionnement gazier vers l’Europe. Un accord avec TotalEnergies vise l’évaluation du potentiel du Nord-Est de Timimoun, en synergie avec les installations existantes. L’une des avancées stratégiques de l’année est le retour d’ExxonMobil, via un protocole portant sur les bassins de l’Ahnet et du Gourara, suivi d’un autre accord avec Chevron FEA International Ventures sur les bassins de l’Ahnet et de Berkine, confirmant l’intérêt renouvelé des majors américaines pour l’onshore algérien. Un protocole supplémentaire a été conclu avec Eni pour des travaux d’exploration sur les périmètres de Zemoul El Kbar, Rourde El Louh–Sif Fatima et Rhourde Messaoud Nord.
Sur le plan commercial, Sonatrach a étendu son empreinte gazière en Europe. Elle a signé un contrat de 10 ans avec Grain LNG (Royaume-Uni) pour une capacité de regazéification de 3 millions de tonnes/an de GNL à partir de 2029 ; conclu un accord de 2 ans avec l’Allemand VNG ; acheminé sa première cargaison de GNL vers la Croatie depuis le complexe GL3Z ; et signé un accord-cadre avec GEOPLIN (Slovénie) pour augmenter les volumes transitant par le gazoduc Transmed. Avec CEZ (République tchèque), un contrat de fourniture d’une durée d’un an a été conclu, ouvrant un nouveau débouché en Europe centrale. Par ailleurs, plusieurs ventes spot ont été réalisées avec le trader Gunvor pour alimenter le marché italien.
Ces engagements, combinés à 91,4 millions de TEP exportés en 2024, dont 34,3 milliards de m³ de gaz naturel et 25 millions de m³ de GNL, confirment le rôle de Sonatrach comme acteur clé de la sécurité énergétique européenne et comme pivot régional du commerce du gaz.Samira Ghrib

