Le Festival d’Adrar célèbre l’art militant : Le théâtre comme arme de résistance
Le théâtre s’affirme comme un outil puissant de résistance et de soutien aux causes de libération dans le monde. C’est le message central d’une rencontre intellectuelle organisée dans le cadre du Festival international du théâtre du Sahara, qui se tient du 1er au 7 décembre à Adrar, réunissant artistes, universitaires et chercheurs autour de la dimension politique et militante du quatrième art. La bibliothèque principale de lecture publique d’Adrar a accueilli cette rencontre consacrée au rôle historique du théâtre dans les luttes anticoloniales et les mouvements de libération nationale. Les intervenants, venus de différents horizons, ont démontré comment cet art scénique a accompagné les peuples dans leur quête d’indépendance et de dignité, servant de tribune à l’éveil des consciences et à la préservation des identités menacées. Dr Mohamed Sayed Ahmed, universitaire soudanais, a ouvert les débats avec une communication intitulée « Le théâtre résistant au colonialisme et aux dictatures ». Il a retracé les grandes étapes de l’émergence du théâtre dans les pays arabes, accordant une attention particulière au cas soudanais. Son intervention a mis en lumière la contribution décisive du théâtre dans la lutte contre le colonialisme et son rôle dans l’éveil de l’esprit de libération chez les peuples opprimés, rappelant que la scène théâtrale a souvent précédé les soulèvements populaires en formulant les aspirations collectives. La question palestinienne a occupé une place centrale dans cette rencontre. Ahmed El-Bassiouni, enseignant palestinien à l’Université de Chlef, a analysé les spécificités du théâtre palestinien, né dans des conditions d’occupation et d’exil. Il a souligné la dimension nationale, révolutionnaire et militante de cette production artistique qui résiste aux tentatives de division des rangs du peuple palestinien. Prenant l’exemple de la pièce « Des cris de Ghaza », l’intervenant a illustré comment le théâtre palestinien témoigne des souffrances du peuple tout en maintenant vivante la flamme de la résistance. Ahmed El-Bassiouni a salué l’organisation de cette manifestation culturelle et son hommage à la Palestine, y voyant « une traduction de la ferme conviction de l’Algérie dans son soutien à la cause palestinienne ».
Du côté algérien, Dr Achour Serga de l’Université de Ghardaïa a enrichi le débat en mettant en exergue le rôle du théâtre dans la confrontation au colonialisme et la préservation de l’identité nationale sous ses dimensions psychologiques, sociales et anthropologiques. L’universitaire a insisté sur l’importance de porter à la scène des œuvres puisant dans la mémoire nationale algérienne, citant notamment les explosions nucléaires françaises à Reggane dans la wilaya d’Adrar, un traumatisme historique qui mérite d’être traité théâtralement pour ne pas sombrer dans l’oubli. Il a également souligné la nécessité d’accompagner le développement des nouvelles technologies dans le domaine théâtral, afin que cet art ancestral reste en phase avec son époque.
L’artiste Mohamed Cherchal a apporté un témoignage précieux sur l’expérience algérienne récente, rappelant le rôle crucial du théâtre algérien dans la promotion de la conscience nationale et la lutte contre toutes les formes de violence et d’extrémisme durant la Décennie noire des années 1990. Il a évoqué des performances marquantes telles que « Bit Ennar » et « Melodia », qui ont accompagné la société algérienne dans sa traversée d’une des périodes les plus sombres de son histoire contemporaine. Pour Cherchal, le théâtre demeure un mode de résistance continu face aux aspects négatifs de la vie quotidienne, une affirmation qui élargit le concept de résistance au-delà de la seule dimension politique pour englober les combats sociaux et culturels.
Cette rencontre s’inscrit dans le programme riche du Festival international du théâtre du Sahara, qui se poursuit par une série de représentations théâtrales et de rencontres à travers différents espaces culturels de la wilaya d’Adrar. L’événement confirme la vitalité du théâtre maghrébin et arabe, qui continue de jouer son rôle de miroir critique des sociétés et de vecteur des aspirations populaires, tout en rendant hommage aux luttes de libération passées et présentes.
M.S.

