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Tragédie au Maroc : Au moins 22 morts dans l’effondrement de deux immeubles à Fès

L’effondrement de Fès n’est pas simplement un drame du bâtiment. C’est le symbole d’un système politique et social qui s’écroule sous le poids de ses contradictions.

L’aube s’est levée mercredi sur une scène de désolation dans le quartier Al Moustakbal de Fès. Deux immeubles mitoyens de quatre étages se sont effondrés durant la nuit, ensevelissant huit familles sous les décombres. Le bilan provisoire fait état d’au moins 22 morts et 16 blessés à divers degrés de gravité, alors que les équipes de secours poursuivent leurs recherches dans l’espoir de retrouver des survivants. Cette catastrophe n’est pas un accident isolé. Elle s’inscrit dans une série noire d’effondrements qui endeuillent régulièrement le Maroc. En mai dernier, neuf personnes avaient déjà péri dans un incident similaire à Fès. En février 2024, cinq personnes sont mortes dans l’effondrement d’une maison dans la vieille ville. En 2016, Casablanca et Marrakech avaient également été frappées par des drames comparables. Le plus accablant dans cette tragédie reste l’inaction des autorités face aux signaux d’alarme. Selon le média en ligne SNRT, les deux immeubles effondrés présentaient des fissures visibles depuis longtemps, sans qu’aucune mesure préventive n’ait été prise. Cette négligence est d’autant plus incompréhensible que le secrétaire d’État chargé du Logement, Adib Ben Ibrahim, avait révélé en janvier dernier un chiffre alarmant : environ 38 800 immeubles à travers le pays sont classés comme présentant un risque d’effondrement.

Comment expliquer qu’avec une telle connaissance du danger, rien n’ait été entrepris pour éviter ce drame ? Les familles du quartier Al Moustakbal, comme des milliers d’autres Marocains, continuent de vivre dans des bâtiments menaçant ruine, abandonnées à leur sort par un régime qui semble mépriser la valeur de leur vie.

Une colère populaire qui gronde

La tragédie de Fès survient dans un contexte social explosif. Il y a deux mois à peine, l’ancienne capitale royale était le théâtre de violentes manifestations antigouvernementales. Des milliers de jeunes sont descendus dans les rues pour protester contre la pauvreté, la détérioration des conditions de vie et l’état déplorable des services publics. Les affrontements avec les forces de l’ordre ont témoigné de l’ampleur du fossé entre le pouvoir et sa population. La colère s’étend bien au-delà de Fès. Mardi encore, Rabat a connu des manifestations de protestation menées par le secteur de la santé. Infirmiers et techniciens de santé dénoncent le mépris du gouvernement envers leurs revendications sociales et l’absence de dialogue avec leurs représentants syndicaux. Cette mobilisation s’inscrit dans une vague de contestation plus large touchant également le secteur de l’éducation. Les jeunes Marocains contestent notamment les priorités budgétaires de l’État, qui investit massivement dans la construction de nouveaux stades pour la Coupe du monde 2030 et la Coupe d’Afrique des Nations prévue du 21 décembre 2025 au 18 janvier 2026, alors que des immeubles s’effondrent et que les services publics se dégradent.

Les disparités régionales demeurent criantes. La majorité de la population, ainsi que les pôles financiers et industriels, sont concentrés dans le nord-ouest du pays. Le reste du territoire marocain, dominé par l’agriculture, la pêche et le tourisme, reste marginalisé et sous-équipé. La jeunesse marocaine, représentée par la Coordination syndicale nationale et la Jeunesse du parti de la Voie démocratique ouvrière, réaffirme sa détermination à poursuivre le combat pour la justice sociale et la défense des droits de la classe ouvrière. Ces mouvements appellent à rejoindre les nouvelles manifestations prévues dans les jours à venir. L’effondrement de Fès n’est pas simplement un drame du bâtiment. C’est le symbole d’un système politique et social qui s’écroule sous le poids de ses contradictions. Un État qui connaît l’ampleur du danger mais refuse d’agir. Un gouvernement qui promet des réformes mais ne les met jamais en œuvre. Des autorités qui préfèrent investir dans le prestige international plutôt que dans la sécurité de leurs citoyens. Pendant ce temps, sous les décombres du quartier Al Moustakbal, les secouristes continuent de creuser, portés par le mince espoir de sauver des vies. Mais pour les Marocains qui survivent dans des milliers d’immeubles fissurés à travers le pays, la question n’est plus de savoir si d’autres catastrophes surviendront, mais quand.

Lyes Saïdi

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