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Ce que prévoit la loi sur la criminalisation du colonialisme français en Algérie

La commission de la Défense de l’Assemblée populaire nationale a entamé l’examen d’un projet de loi criminalisant le colonialisme, qui devrait être soumis au vote le 24 décembre en cours. Selon des éléments du texte publiés par nos confrères du quotidien El Khabar, ce projet constitue une étape majeure dans la volonté d’obtenir une reconnaissance officielle des crimes coloniaux. La version finale du projet sera présentée aux députés lors d’une séance plénière prévue le 21 décembre, avant le vote prévu le mercredi suivant. Le président de l’APN, Brahim Boughali, a tenu dans cette perspective, dimanche soir une réunion avec les membres de la commission Ad-Hoc de rédaction du projet de loi. Selon les éléments dévoilés par nos confrères, ce projet de loi, composé de 26 articles, s’appuie sur les principes du droit international qui affirment le droit des peuples à l’autodétermination, l’application de la justice historique et le principe de non-impunité. Il vise à criminaliser le colonialisme français en Algérie depuis l’agression du 14 juin 1830 jusqu’au 5 juillet 1962, ainsi que ses conséquences directes et indirectes qui ont perduré par la suite. Le texte réaffirme que le colonialisme français en l’Algérie est considéré comme un crime d’État violant les principes et valeurs humaines, politiques, économiques et culturelles consacrés par les lois, les conventions et les coutumes internationales et nationales.

27 types de crimes coloniaux

Le projet de loi répertorie 27 formes de crimes coloniaux français, incluant selon l’article 5 les meurtres et attaques militaires contre les populations civiles, l’usage excessif de la force armée, l’utilisation d’armes non conventionnelles et interdites internationalement, la pose de mines ainsi que les expériences et explosions nucléaires, les exécutions extrajudiciaires, le pillage du trésor de l’État algérien, la soumission des Algériens à des lois d’exception, et la pratique de la torture physique et psychologique barbare à grande échelle. Le texte mentionne également les atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé mentale, la discrimination raciale et les traitements inhumains, la privation délibérée des droits fondamentaux, la déportation illégale de populations civiles et la confiscation de propriétés. Parmi les exemples cités figure la déportation de centaines de résistants algériens en Nouvelle-Calédonie au 19e siècle, qui n’ont jamais pu revenir en Algérie et auxquels une grande plaque commémorative a été érigée face au port d’Alger. Le projet inclut aussi les tribunaux spéciaux, les disparitions forcées et la détention de personnes, le regroupement de populations dans des camps et leur utilisation comme boucliers humains, la privation d’éducation, le viol ou l’esclavage sexuel, la profanation et destruction de lieux de culte, les crimes de christianisation forcée et les tentatives d’effacement de l’identité nationale, l’attribution systématique de surnoms dégradants aux Algériens, ainsi que la conscription forcée dans les forces armées françaises, incluant durant les deux guerres mondiales.

Le projet stipule que les crimes coloniaux contre le peuple algérien mentionnés dans l’article 5 sont imprescriptibles, quelle que soit leur degré d’exécution, qu’ils aient été commis par des éléments des forces armées, de la police ou d’autres appareils réguliers armés relevant des autorités coloniales, ou par des milices armées ou des forces supplétives, indépendamment de leur rôle en tant qu’auteurs principaux ou complices. L’article 7 évoque le crime de haute trahison, soit toutes les formes de collaboration des harkis et assimilés avec les autorités coloniales contre les différentes formes de lutte pour la récupération de la souveraineté nationale et l’indépendance.

Selon le texte, l’État français assume la responsabilité juridique de son passé colonial en Algérie et des tragédies qu’il a engendrées. L’État algérien œuvre par tous les moyens juridiques et judiciaires pour obtenir la reconnaissance et les excuses officielles de la France pour son passé colonial. La réparation globale et équitable de tous les dommages matériels et moraux causés par le colonialisme français est considérée comme un droit établi pour l’État et le peuple algériens. L’Algérie réclame notamment le nettoyage des sites d’explosions nucléaires contaminés par la radioactivité, la remise des cartes des explosions nucléaires et des expériences chimiques ainsi que des mines plantées, l’indemnisation des victimes des dégâts nucléaires et des mines, la restitution des fonds du trésor pillés, le retour de toutes les valeurs matérielles et morales spoliées, y compris les archives nationales considérées comme un droit inaliénable du peuple algérien et partie intégrante de sa mémoire nationale, ainsi que le rapatriement des restes des figures de la résistance et de la révolution pour être enterrés sur le sol algérien.

Concernant la protection des symboles révolutionnaires, le texte garantit la dignité de tous les Algériens ayant contribué directement ou indirectement à la lutte contre le colonialisme français durant la résistance populaire, le mouvement national et la révolution de libération. Il définit l’apologie du colonialisme comme tout propos, acte, geste, écrit, dessin, publication de vidéos ou d’enregistrements sonores visant à justifier ou glorifier le colonialisme français. Les personnes coupables de ces actes encourent une peine de prison de cinq à dix ans et une amende de 500.000 à un million de dinars, en plus de la perte des droits civils et politiques. Cette initiative législative s’inscrit aujourd’hui dans le cadre de la charte africaine pour la criminalisation de l’esclavage et du colonialisme adoptée par le sommet de l’Union africaine, qui a confié à l’Algérie, au Ghana et à l’Afrique du Sud la mission de porter cette cause aux niveaux régional et international.

Hocine Fadheli

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