Lutte contre le blanchiment d’argent : Le CNRC lance une campagne de sensibilisation
Le ministère du Commerce intérieur et de la Régulation du marché national lance cette semaine une vaste campagne de sensibilisation auprès des personnes morales, une initiative stratégique qui s’inscrit pleinement dans les efforts déployés par les pouvoirs publics pour sortir l’Algérie de la liste grise du Groupe d’Action Financière Internationale. À partir de mercredi, des journées portes ouvertes se tiendront au niveau des chambres de commerce et d’industrie à travers les wilayas du pays, consacrées à la présentation des résultats de l’évaluation des risques liés à l’exploitation des personnes morales à des fins de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme. Cette mobilisation, qui fait suite à la publication récente l’été d’un rapport exhaustif du Centre National du Registre du Commerce finalisé en juin dernier, révèle l’ampleur des vulnérabilités du tissu économique national face à ces menaces. L’évaluation, élaborée en collaboration avec la Chambre nationale des notaires, pointe du doigt des failles significatives dans le contrôle des structures juridiques qui composent le paysage économique algérien. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : entre 2020 et 2024, le CNRC a recensé plus de 173.000 sociétés commerciales, largement dominées par les SARL avec 91.776 entités et les EURL avec 69.516 structures, représentant à elles seules plus de 92% du tissu commercial national. S’ajoutent à ce panorama 137.752 organisations à but non lucratif, 15.125 biens wakfs et 1.648 sociétés civiles, constituant un ensemble complexe où les risques de détournement se concentrent de manière préoccupante.
Le rapport classe plusieurs catégories d’entités dans la zone à risque moyen, nécessitant une vigilance accrue. Les SARL, les SPA, les sociétés civiles, les fondations et les groupements font l’objet d’une attention particulière en raison de leur flexibilité juridique, qui facilite des montages complexes permettant de masquer l’identité des véritables bénéficiaires économiques. Parmi les vulnérabilités identifiées, l’insuffisance de transparence sur les bénéficiaires effectifs favorise le recours à des hommes de paille, tandis que le manque de coordination entre les différentes administrations compromet l’efficacité des contrôles. L’absence de mécanismes systématiques de vérification lors des constitutions et modifications de sociétés ouvre des brèches exploitables par des acteurs malveillants.
Les journées portes ouvertes organisées par le ministère permettront aux services du CNRC d’accompagner les personnes morales concernées dans l’accomplissement des nouvelles procédures relatives à la déclaration des bénéficiaires effectifs, conformément aux dispositions de la loi 25-10 du 24 juillet 2025 qui modifie et complète la législation de 2005 sur la prévention et la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Cette démarche accorde un rôle central aux notaires, désormais appelés à exercer une vigilance renforcée lors de la constitution et de la modification des sociétés, à vérifier systématiquement l’identité réelle des associés et à signaler sans délai toute opération suspecte à la Cellule de Traitement du Renseignement Financier.
Cette évolution réglementaire s’inscrit dans le respect des recommandations du GAFI et constitue un élément déterminant dans la stratégie nationale visant à retirer l’Algérie de la liste grise de cet organisme international. Le CNRC, qui a lancé dès 2023 le Registre national des bénéficiaires effectifs, dispose désormais d’une plateforme centrale permettant aux autorités compétentes de surveiller les flux financiers suspects et de protéger l’économie nationale contre les risques transfrontaliers. Le ministère assure avoir mobilisé tous les moyens matériels et humains nécessaires pour garantir le succès de cette opération de sensibilisation et d’accompagnement des acteurs économiques dans cette transition vers plus de transparence et de conformité aux standards internationaux.
Samir Benisid

