Transition énergétique : L’OPEP défend la place du pétrole
Dans une tribune publiée le 15 décembre sur le site de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), son secrétaire général Haitham Al Ghais lance un débat sémantique aux implications géopolitiques majeures : le terme « combustible fossile » doit-il être abandonné ? Une conception sémantique qui cache en réalité une volonté de diaboliser le pétrole. Le chef de l’OPEP développe trois critiques majeures de l’expression « combustible fossile » (fossil fuel en anglais) appliquée au pétrole brut. Premièrement, le mot « combustible » est réducteur. « Le pétrole brut en lui-même est rarement utilisé directement comme combustible. Il est plutôt raffiné en milliers de produits différents, dont certains sont des combustibles, mais beaucoup ne le sont pas », écrit Haitham Al Ghais. L’organisation rappelle que selon ses prévisions (World Oil Outlook 2025), « l’industrie pétrochimique sera le plus grand contributeur à la croissance de la demande mondiale de pétrole entre 2024 et 2050 ». Deuxièmement, l’origine étymologique du terme est obsolète. Al Ghais rappelle que l’expression « fossil fuel » apparaît pour la première fois en 1759 dans une traduction anglaise des travaux du chimiste Caspar Neumann, où elle désignait simplement les matériaux extraits du sol par opposition au bois ou au charbon de bois. « Cette définition faisait référence à la méthodologie d’extraction plutôt qu’à la composition chimique », souligne-t-il. « La science a beaucoup évolué depuis 1759. Est-il approprié qu’un terme désuet du XVIIIe siècle soit utilisé pour décrire des sources d’énergie et des matières premières modernes ? »
Troisièmement, le processus de formation géologique différerait entre fossiles et pétrole. « La fossilisation implique que la matière organique, enfouie dans les sédiments, soit préservée et devienne une substance pierreuse », explique le secrétaire général. À l’inverse, le pétrole résulte d’une transformation : « La matière organique ancienne, principalement du plancton et des organismes marins en décomposition, est enfouie sous des couches de sable, de limon et de roche. Sur des millions d’années, la chaleur intense et la pression […] cuisent cette matière, la transformant en hydrocarbures. »
Au-delà de l’argumentation scientifique, la tribune souligne que le débat se penche en réalité sur la place du pétrole dans la transition. Haitham Al Ghais dénonce l’usage politique du terme : « Plutôt que d’être un terme de précision scientifique, ‘combustible fossile’ est trop souvent brandi comme une insulte, une manière péjorative de rejeter des sources d’énergie. » Le responsable de l’OPEP affirme que cette terminologie « nourrit un récit selon lequel certaines énergies sont moralement supérieures à d’autres, déformant ce qui devrait être des discussions sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre en un débat malavisé sur le remplacement des sources d’énergie ». Cette position s’inscrit dans la ligne défendue par l’OPEP lors des récentes COP climat, où l’organisation s’oppose à l’abandon des hydrocarbures, préférant mettre l’accent sur la réduction des émissions plutôt que sur le changement de sources énergétiques.
L’article illustre les efforts de l’industrie pétrolière pour contrer la « diabolisation » des hydrocarbures dans le discours public. Al Ghais va jusqu’à évoquer les « mythes » véhiculés par cette terminologie, notamment « l’un des plus courants étant que le pétrole provient d’os de dinosaures. Ce n’est clairement pas le cas. » Le secrétaire général met en garde : « Il est impératif que nous comprenions ce qu’est le pétrole, comment il se forme et comment nous l’utilisons dans la vie quotidienne. Autrement, nous risquons de compromettre le présent au nom de la sauvegarde du futur. » Cette tribune de l’OPEP soulève une question fondamentale : le langage utilisé dans le débat énergétique est-il neutre ou orienté ? Pour les défenseurs du climat, le terme « combustible fossile » rappelle utilement l’origine carbonée des hydrocarbures et leur impact sur le réchauffement climatique. Pour l’OPEP, il s’agit d’un obstacle sémantique à une discussion rationnelle sur l’avenir énergétique.
Dans un monde où la demande énergétique continue de croître, particulièrement dans les pays en développement, ce débat terminologique reflète des tensions plus profondes sur le rythme et les modalités de la transition énergétique mondiale avec l’enjeu de garantir la sécurité énergétique en toile de fond.
Samira Ghrib

