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La protection des gestionnaires publics, une priorité

Le Premier ministre a détaillé samedi les réformes juridiques destinées à sécuriser les managers publics et à instaurer un environnement économique fondé sur la confiance et la prévisibilité.

Dans une allocution prononcée à l’ouverture des travaux du séminaire sur « la sécurité juridique et son impact sur le développement économique », le Premier ministre Sifi Ghrieb a exposé une vision réformatrice radicale visant à libérer les énergies créatrices des managers publics et privés, longtemps paralysés par la crainte de poursuites judiciaires. Cette démarche s’inscrit dans la philosophie du président de la République Abdelmadjid Tebboune qui, selon Ghrieb, « accorde une importance majeure à cette question, comme il l’a souligné à maintes reprises, étant donné qu’elle reflète sa vision éclairée et la détermination de l’Algérie à mettre en place un environnement juridique sûr et stable », facilitant et encourageant « l’investissement, l’initiative et l’innovation ». Le Premier ministre a affirmé que le président de la République « a placé le gestionnaire au cœur de ses préoccupations, en tant qu’un des principaux leviers de la dynamique de développement », en ordonnant dès le début « d’œuvrer à la dépénalisation de l’acte de gestion et en soulignant, explicitement dans son programme, la nécessité de consacrer une politique de protection des cadres intègres de l’État assurant l’acte de gestion ». Cette orientation répond à une problématique majeure qui a longtemps entravé le développement économique algérien : la judiciarisation excessive de la gestion publique, transformant chaque décision entrepreneuriale en risque pénal potentiel. Ghrieb a rappelé « la consécration constitutionnelle de la liberté de commerce, de l’investissement et de l’entrepreneuriat, ainsi que du principe de sécurité juridique, et les réformes législatives profondes » ordonnées par le président de la République, qui ont été « effectivement concrétisées ». Ces réformes touchent des domaines stratégiques : la révision du système juridique et institutionnel de l’investissement, l’exploitation et la valorisation du foncier économique, la réforme du système bancaire et financier, ainsi que le code des marchés publics.  Le Premier ministre a expliqué que cette « vision éclairée vise à faire de l’Algérie un modèle alliant savoir et innovation, et droit et développement, ainsi qu’à éliminer toutes les disparités entre les secteurs public et privé et à renforcer leur complémentarité, en vue de créer un écosystème favorable à l’entrepreneuriat et à l’investissement, et fondé sur la transparence, la compétence et la compétitivité ». L’objectif affiché est de positionner l’Algérie comme « portail stratégique pour l’Afrique et hub fiable économiquement et sûr juridiquement, consacrant le triptyque transparence, responsabilité et intégrité ».

Décrivant les mutations de l’économie mondiale qui imposent « une concurrence rude et une accélération sans précédent des modes de production et d’investissement », Ghrieb a souligné que la sécurité juridique « s’impose comme une condition structurelle à l’émergence du développement et à sa pérennité ». Il a martelé un principe fondamental : « le véritable développement économique doit se réaliser dans un environnement de clarté, de transparence et de sérénité, et l’initiative économique y être gérée dans un climat empreint d’anticipation positive ».

Le Premier ministre a formulé une équation limpide : « Il n’y a pas d’investissement sans confiance, ni de confiance sans système juridique clair, ni de système juridique efficace sans une justice indépendante, spécialisée et proactive ». Cette formule synthétise la philosophie qui guide les réformes entreprises, établissant un lien direct entre sécurité juridique et attractivité économique. Le Premier ministre a mis en avant « l’importance de sécuriser l’acte de gestion de manière précise et claire, afin d’offrir au gestionnaire toutes les garanties nécessaires et de le libérer pour concrétiser les initiatives et les transformer en projets réussis et productifs ». Selon lui, le système juridique et judiciaire doit remplir « un rôle pivot au-delà de la simple fonction de règlement des litiges pour remplir une mission plus large » consistant à « instaurer la sérénité juridique, protéger l’initiative et assurer la continuité de l’activité économique, faisant de la justice un véritable partenaire du développement et non un simple mécanisme correctif et à posteriori des dysfonctionnements ».

Révision du Code de commerce

Ghrieb a détaillé les mesures concrètes prises pour matérialiser cette vision. Il a indiqué que « la consécration de la sécurité juridique et la protection des gestionnaires ont occupé une place importante dans ces réformes législatives », précisant que le Code pénal a été révisé en 2024 par l’introduction de « critères objectifs, rigoureusement fixés, permettant de définir les actes de gestion susceptibles d’enfreindre les lois, règlements ou règles de sécurité, et passibles de sanctions pénales ». Cette codification vise à éliminer l’arbitraire et l’incertitude qui dissuadaient les gestionnaires de prendre des risques entrepreneuriaux.

Plus significatif encore, cette révision du Code pénal « a introduit des dispositions criminalisant et sanctionnant sévèrement tout acte de nature à entraver l’investissement ou à y porter atteinte », inversant ainsi la logique répressive : désormais, c’est l’entrave à l’investissement qui devient répréhensible, non l’audace managériale. Le nouveau Code de procédure pénale a consacré « le principe de la non-mise en mouvement de l’action publique à l’encontre des gestionnaires des entreprises publiques économiques, sauf sur plainte préalable des organes sociaux de ces entreprises », créant ainsi un filtre protecteur contre les poursuites abusives ou politiquement motivées.

Selon le Premier ministre, ces mesures « traduisent la ferme volonté de l’État de protéger les gestionnaires en cas d’erreurs de gestion, ainsi que contre toute pratique susceptible d’entraver leurs initiatives d’investissement ». Il a annoncé que « ces réformes législatives seront renforcées par une révision approfondie du Code de commerce, actuellement en cours, afin de l’adapter à ces évolutions », signalant que le chantier réformateur est loin d’être achevé. Le Premier ministre a souligné que « le Gouvernement a veillé à assurer l’harmonisation des politiques et la complémentarité des textes », notamment à travers « l’élargissement des consultations lors de leur élaboration à l’ensemble des acteurs concernés », dans le cadre d’une « approche participative visant l’élaboration de textes consensuels garantissant l’harmonie du système juridique avec les politiques économiques et financières de l’État ». Cette méthode vise à éviter les incohérences juridiques qui compliquent la vie des opérateurs économiques.

Les principes fondamentaux que l’État s’attache à consacrer résident dans l’édification de « règles juridiques fondées sur les principes de clarté, de cohérence, de prévisibilité et de stabilité dans leur application », tout en évitant « les changements fréquents susceptibles d’affecter négativement le déroulement de l’activité économique » et en garantissant « le respect du principe de non-rétroactivité des lois ». La prévisibilité devient ainsi la pierre angulaire du nouveau système juridique, permettant aux entrepreneurs de planifier à long terme sans craindre des revirements législatifs soudains.

Ghrieb a conclu en invitant les participants à formuler « des recommandations pratiques contribuant à soutenir le parcours adopté vers le renforcement de la sécurité juridique, la protection des gestionnaires et l’encouragement de l’acte d’investissement », réaffirmant « la disponibilité des pouvoirs publics à prendre en charge toute mesure susceptible de renforcer la sécurité juridique ».

Amar Malki

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