À la UneMonde

L’Arabie Saoudite exige un retrait émirati du Yémen sous 24 heures : Riyad-Abu Dhabi, le clash !

L’Arabie saoudite a sommé mardi les Émirats arabes unis de retirer leurs forces du Yémen sous 24 heures, après avoir frappé une cargaison d’armes en provenance d’Abu Dhabi destinée aux milices séparatistes du Sud.

La coalition militaire dirigée par Riyad a annoncé mardi aux premières heures de la matinée des frappes sur le port d’Al Moukalla, capitale de la province de l’Hadramout, ciblant les équipages de deux navires qui avaient, selon l’agence officielle saoudienne SPA, « désactivé leurs systèmes de suivi et déchargé une grande quantité d’armes et de véhicules de combat pour soutenir les forces du Conseil de transition du Sud ». Les navires provenaient du port de Fujairah, sur la côte est des Émirats arabes unis. Dans un communiqué au ton ferme, le ministère saoudien des Affaires étrangères a accusé les Émirats d’avoir « poussé » les séparatistes à mener des opérations militaires à la frontière sud du royaume. Ces mesures « prises par un État frère » sont qualifiées d' »extrêmement dangereuses » et « constituent une menace pour la sécurité » de l’Arabie saoudite et de la région, estime Riyad. Le royaume ajoute qu’il « n’hésitera pas à prendre toutes les mesures pour neutraliser » cette menace, et appelle les Émirats à retirer leurs forces du Yémen « dans les 24 heures » et à « cesser tout soutien militaire ou financier à toute partie ». Cette crise intervient alors que le Yémen, déjà affaibli par un long conflit avec les rebelles houthis, a vu s’ouvrir début décembre un nouveau front. Le Conseil de transition du Sud, mouvement séparatiste qui est pourtant membre du gouvernement, s’est emparé de vastes portions de territoire sans rencontrer de grande résistance. Ses partisans l’appellent à rétablir un État dans le sud du Yémen, où une République démocratique et populaire a été indépendante entre 1967 et 1990.

Ces derniers jours, des centaines de membres de tribus s’étaient rassemblés à Aden, la grande ville du sud, pour demander aux dirigeants du STC d’annoncer l’indépendance du Yémen du Sud, selon la chaîne Aden Independent affiliée aux séparatistes. Le Conseil présidentiel au Yémen, a réagi en décrétant l’état d’urgence pour une durée de 90 jours et en annonçant l’annulation d’un pacte de défense avec les Émirats arabes unis. Selon l’agence de presse yéménite Saba, le chef du Conseil présidentiel yéménite, Rashad al-Alimi, a invoqué la nécessité de préserver la sécurité nationale et l’ordre public, précisant que cette mesure « vise à préserver l’unité, la sécurité et la stabilité du Yémen ». Le décret stipule également « un blocus aérien, maritime et terrestre de 72 heures ».

Stratégie émiratie du chaos

Cette confrontation brutale met en lumière ce que de nombreux observateurs dénoncent comme une politique systématique de déstabilisation menée par les Émirats arabes unis dans l’ensemble du monde arabe. Derrière l’image soigneusement cultivée d’un État moderne et prospère, Abu Dhabi a bâti une stratégie régionale dont les conséquences sont dévastatrices : financer les divisions, armer les milices, fragmenter les États fragiles et transformer chaque crise en levier d’influence géopolitique.

En Libye, l’ingérence émiratie a pris un visage particulièrement destructeur. Le soutien massif à Khalifa Haftar, en violation flagrante des embargos internationaux, a contribué à transformer le pays en champ de ruines permanent. Drones, mercenaires, financements occultes : tout a été mobilisé pour empêcher l’émergence d’un pouvoir civil unifié et maintenir la Libye dans un état de fragmentation permettant aux puissances étrangères d’y projeter leurs intérêts sans résistance populaire. Au Soudan, les Émirats ont joué un jeu d’une extrême dangerosité en soutenant financièrement les Forces de soutien rapide, accélérant l’effondrement de l’État soudanais et transformant une transition déjà fragile en guerre ouverte. La logique est constante : armer les milices plutôt que renforcer les institutions, miser sur des acteurs violents plutôt que sur des processus politiques inclusifs. Le prix de cette stratégie se compte en milliers de morts et en millions de déplacés.

Le soutien émirati au barrage éthiopien de la Renaissance révèle une autre facette de cette politique : la guerre indirecte par les ressources. En finançant un projet qui menace directement la sécurité hydrique de l’Égypte et du Soudan, Abu Dhabi s’est imposé comme un acteur central d’une crise existentielle, transformant l’eau, source de vie, en instrument de pression géopolitique. Au Yémen, l’implication émiratie s’inscrit dans cette même logique de fragmentation. Le soutien au Conseil de transition du Sud vise à empêcher toute unification du pays et à maintenir un chaos permettant à Abu Dhabi de contrôler des territoires stratégiques et des ports clés. 

L’alignement assumé des Émirats avec Israël et les puissances occidentales a achevé de rompre le lien avec les causes arabes fondamentales. La normalisation n’est pas seulement diplomatique, elle est idéologique, marquant le passage d’une solidarité arabe, même minimale, à une logique de sous-traitance régionale des intérêts étrangers, et notamment ceux de l’entité sioniste. Cette politique a fait d’Abu Dhabi l’un des acteurs les plus nuisibles aux aspirations des peuples arabes à la souveraineté, à la dignité et à la démocratie.

Lyes Saïdi

admin

admin

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *