Maroc : La grogne populaire monte d’un cran
La colère des Marocains n’est pas près de passer. Avec le chaos économique annoncé et les perspectives socio-économiques qui s’assombrissent, c’est le bouillonnement sur le front social et de nouvelles grèves et manifestations sont annoncées.
Ainsi, la Coordination nationale des enseignants de « la cellule 10 » au Maroc a exprimé son intention de reprendre ses mouvements de protestation en organisant un sit-in parallèlement à une grève nationale, les 17 et 18 janvier en cours. « La situation actuelle risque de provoquer plus de tensions », a indiqué la Coordination marocaine dans un communiqué, mettant en cause « le non aboutissement du dialogue sectoriel qui ne répond pas aux attentes les plus basiques du personnel de l’éducation ». La Coordination nationale des enseignants de « la cellule 10 » assure, en outre, que « la situation qui prévaut actuellement a gâché les opportunités de créer un climat de stabilité dans le secteur de l’éducation, en prêtant attention à ce qui peut améliorer les conditions du personnel de l’éducation ».
Tenant le ministère de l’Education pour responsable du climat de tension qui prévaut dans le secteur, la Coordination a condamné ce qu’elle a qualifié « d’atteinte aux conditions matérielles déjà détériorées des travailleurs du secteur, à travers des ponctions sur salaires dues à l’exercice de leur droit de grève ». Dans ce contexte, elle a exprimé « son rejet de l’emprisonnement et la multiplication des poursuites judiciaires contre les enseignants ». Les enseignants rejoignent ainsi dans la protesta, les étudiants qui maintiennent la pression depuis plusieurs semaines, pour dénoncer les nouvelles conditions de recrutement dans le secteur de l’éducation nationale jugées injustes. De leur côté, les professionnels des agences de voyages au Maroc poursuivent leurs actions de protestation contre la mesure de fermeture des frontières prolongée par le Makhzen, en investissant la rue afin de dénoncer cette décision ayant eu de « graves » conséquences sur le secteur. A l’appel de l’Association nationale des agences de voyages du Maroc (ANAVM), un sit-in des opérateurs de voyages a été organisé hier devant le siège du ministère du Tourisme à Rabat, afin d’alerter le régime du Makhzen sur les « énormes pertes matérielles et morales résultant de l’arrêt définitif de leurs activités en raison de la fermeture des frontières » qui vient d’être prolongée jusqu’à la fin du mois en cours.
Selon des récentes statistiques fournies par les professionnels du tourisme au Maroc, entre 50 à 80 % des agences de voyages ont baissé le rideau durant ces deux dernières années, en raison de la pandémie et des mesures de riposte prise par le régime du Makhzen.
Le secteur du tourisme est d’ailleurs frappé de plein fouet par la crise qui a induit un chômage massif dans le secteur. La grogne touche aussi le secteur de la santé.
Pour le chercheur marocain, Driss El-Ganbouri, e gouvernement marocain a « choqué » l’opinion publique à travers les décisions qu’il a prises et qui ont eu des répercussions « négatives » sur le plan social. Le nouveau gouvernement dirigé par Aziz Akhannouch « a choqué les électeurs et l’opinion publique en prenant certaines mesures qui ont des répercussions sociales négatives, comme la limitation à 30 ans de l’âge maximal pour participer au concours de recrutement dans le secteur de l’éducation, une décision qui a beaucoup nui à l’image du gouvernement auprès des citoyens », a souligné Driss El-Ganbouri dans une déclaration à « El-Qods al-Arabi ». Cette même décision « aura aussi des répercussions dans les années à venir sur le plan social notamment dans le domaine de l’emploi et du marché du travail », a ajouté le chercheur. Pour rappel, le Parti du progrès et du socialisme (PPS) avait évoqué dans un communiqué que « les secteurs économique, social et culturel ainsi que les populations vulnérables et pauvres ont été durement affectés par les décisions du nouveau gouvernement marocain, dont le programme ne contient aucun élément qui démontre que le gouvernement travaille sérieusement pour répondre aux attentes des populations des zones rurales et montagneuses, écouter les doléances des habitants de ces régions et d’en faire des espaces de création de richesse et d’intégration sociale et économique ». Le parti marocain tire la sonnette d’alarme quant à « la détérioration de la situation dans les zones rurales et montagneuses, de plus en plus isolées en période d’hiver et de pluies, faisant vivre des dizaines de milliers de familles dans une situation extrêmement difficile au lieu d’un développement durable ». Dans le même contexte, Hassan Abdi, chercheur et enseignant à l’école nationale du Commerce à Agadir a souligné que le régime marocain a préparé un plan visant à « étouffer » les revendications populaires légitimes, en adoptant une politique de « division de la société ».
Chokri Hafed