Médias et responsabilité
« La télévision est un média finalement assez grossier, qui a toujours privilégié l’émotion. » Christine Ockrent, journaliste française.
Le Chef de l’État-major de l’ANP a averti hier contre la surenchère médiatique de certains phénomènes sociaux marginaux qui alimentent la haine et les divisions au sein de notre société. Il met en garde : cet emballement médiatique « menace d’ordre public » !
C’est dire le danger que représentent certaines idées destructrices largement relayées sur les réseaux sociaux. Nous l’avons vu avec l’affaire de l’Imam de Mechedallah, dans la wilaya de Bouria, et avec cette étrange pseudo-pétition, falsifiée, tombée d’on ne sait où pour s’opposer à la tenue d’un concert d’Ait Menguellet à Oran. Et il n’est pas difficile de voir dans le déchainement et les dépassements de langage qui ont suivi sur les réseaux sociaux la volonté manifeste de diviser les enfants d’une même Nation, d’une même patrie en exacerbant les préjugés raciaux et religieux. Des préjugés qui, à la base, n’ont pas lieu d’être.
Mais le plus grave, et c’est ce que souligne d’ailleurs Saïd Chanegriha, est de voir les médias de masse, audiovisuels notamment se laisser entraîner dans ce genre de dérive. On le sait, la télévision est par définition un média d’aliénation qui se nourrit de l’affect au lieu de contribuer à mieux appréhender et comprendre l’image qu’on présente. Et c’est le cas dans pratiquement tous les pays, bien que des limites existent et doivent être imposées. Cependant, en Algérie l’apparition de divers canaux de télévision dans une certaine extraterritorialité juridique, pour n’évoquer que cela, n’a pas permis d’imposer ces limites et règles éthiques à leur fonctionnement. Le fait que l’Arav se trouve dans l’obligation de remonter les bretelles aux responsables de chaînes de télévision à chaque fois pour leur rappeler les règles de bienséances et l’obligation de professionnalisme renseigne du peu de souci que certains de ces canaux, plus soucieux de faire le buzz, ont relégué l’éthique au bas de l’échelle des priorités dans leur course à l’audience. Et quand certains phénomènes de société sont pris dans l’étau des confrontations idéologiques, il est clair que le traitement offert par les chaînes de télévision néglige le débat civilisé, la compréhension mutuelle et la cohésion pour favoriser, consciemment ou inconsciemment, un certain parti pris. Après tout, le plus important est de flatter l’égo du téléspectateur et satisfaire un certain voyeurisme quitte à jouer sur le conformisme et la haine de l’autre.
Cela dénote du manque de professionnalisme et de responsabilité qui caractérise certains médias alimenté par la faiblesse voire l’absence de formation des professionnels du secteur, mais il révèle surtout les dérives d’un secteur qui peine à s’épanouir dans un cadre qui souffre d’une faible visibilité et manque cruellement d’une politique des médias et de la communication éclairée.