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Les céréales au cœur des enjeux de sécurité alimentaire : Le salut viendra du Sud !

La production céréalière est, aujourd’hui, au cœur d’enjeux politiques majeurs. Une confrontation globale se joue au niveau mondial et les produits alimentaires stratégiques sont une arme dans cette confrontation. Sur fond de démondialisation, le débat sur la relocalisation de la production des biens stratégiques, notamment des céréales s’impose. 

En Algérie, le salut viendra du Sud. Le développement de l’agriculture saharienne et de la céréaliculture dans le Sud commence à donner des résultats encourageants. Ce qui incite à consentir plus d’efforts dans cette filière, garante de notre sécurité alimentaire. 

Le développement de l’agriculture saharienne permettra non seulement de sécuriser les approvisionnements en produits alimentaires stratégiques,  de réduire une facture alimentaire qui oscille autour des 10 milliards de dollars et  de rétablir les équilibres agroécologique en freinant a désertification.  C’est dans cette optique qu’une feuille de route 2020-2024 a été mise en place. Ainsi,  le secteur de l’agriculture en Algérie  entre dans une nouvelle ère avec, comme principal objectif, le renforcement de la souveraineté alimentaire du pays. Une approche qui se base sur l’encouragement des agriculteurs, notamment ceux de la filière des céréales dans les régions sahariennes à adhérer au développement de cette filière  et atteindre l’autosuffisance alimentaire.                             

D’ El Oued à Adrar en passant par Ouargla, Biskra ou encore Djelfa, pour ne citer que ces wilayas du Sud, la culture des céréales, notamment le blé tendre et dur, connait un engouement inédit des agriculteurs pour cette filière. Des récoltes record ont été enregistrées au cours des deux dernières années. Des résultats appelés à augmenter à court et moyen termes, selon les orientations de feuille de route pour la promotion de l’agriculture saharienne, qui porte un intérêt particulier pour la céréaliculture. La contribution  des wilayas du Sud à la production agricole nationale est estimée à 25,7%, sur un total de 73% de la couverture des besoins alimentaires nationaux. Et la céréaliculture arrive en tête des priorités. Selon les derniers chiffres du ministère de l’Agriculture et du Développement rural, la superficie totale ensemencée en céréales au cours de cette saison est estimée à 2.900.000 ha, dont 54 % en blé dur, 29 % en orge, 14 % en blé tendre et 3 % en avoine.

Des récoltes record attendues

Un indice positif qui reflète la mutation de l’agriculture dans les wilayas du Sud. Si l’on tient compte des chiffres des récoltes de la saison de moisson  2021/2022, des récoltes records sont attendues. Dans la wilaya d’Ouargla, les prévisions de récolte tablent sur plus de 110.000 qx toutes cultures confondues. Une superficie globale de 3.300 hectares dédiée à la céréaliculture est répartie entre 74 exploitants agricoles implantés dans 4  périmètres agricoles dans la wilaya, soit 1.618 hectares consacrés au blé dur. Le reste de la superficie emblavée est réparti entre le blé tendre (330 ha), l’orge (867 ha), l’avoine (459 ha) et le triticale (43 ha). Il est prévu une augmentation des surfaces dédiées aux céréales à 6.000 ha, pour la prochaine saison. A Dans les trois prochaines il est prévu l’élargissement de la superficie d’exploitation à 15.000 ha, alorsqu’entre 5 et 10% des superficies ne sont pas exploitées la wilaya d’Ouargla. Des récoltes record sont également prévues dans la wilaya d’El Oued, avec 170.500 qx de céréales au terme de la saison agricole 2021/2022. La production de blé dur représente 75% de cette production avec une quantité de 128.900 qx, suivie de l’orge avec une récolte de 41.700 qx, sur une surface emblavée de plus de 7.825 ha (5.167 ha pour le blé dur), représentant quelque 5% de la superficie agricole globale exploitée estimée à 105.000 ha. La céréaliculture est concentrée dans 22 communes de la wilaya d’El-Oued, à leur tête celle frontalière de Beni Guecha avec une superficie de 7.000 ha, représentant 89% de la surface emblavée. La céréaliculture occupe 668 agriculteurs, dont 367 dans la commune de Beni Guecha, 75 dans celle de Hassi-Khelifa et 53 autres dans la commune d’Ourmes. La production céréalière dans la wilaya d’El-Oued a connu ces dernières années un essor, notamment au niveau des terres nouvellement mises en valeur dans la commune de Beni Guecha où il avait été relevé un rendement de plus de 30 qx/ha. Le même intérêt est porté à la filière céréalière dans la wilaya de Biskra. La filière affiche une prévision de production de 820 000 qx de céréales, dont 424 000 q de blé dur, 180 000 q de blé tendre, 200 000 q d’orge et 20000 q d’avoine pour une superficie totale de presque 25 000 ha. Néanmoins, avec une production moyenne de 50 qx par hectare, les céréalicultuers de Biskra sont encore loin des standards fixant la production de 70 à 80 qx par hectareemblavé afin d’être complètement rentable. Notons que la wilaya de Biskra compte, une exploitation privée de semences agricoles (céréalières) dans la commune d’Aïn Nagar. Néanmoins, les céréaliculteurs de Biskra peuvent mieux faire, si la filière bénéficie du soutien financier pour les professionnels, afin de faire de Biskra, un pôle national de production de céréales, nous explique-t-on.  A Djelfa, une production prévisionnelle de plus de 850.000 qx de céréales, toutes variétés confondues, est attendue à Djelfa au titre de la campagne moisson-battage 2022, soit une hausse de plus de 200.000 qx comparativement à la précédente campagne. Selon la DSA se Djelfa, on s’attend à une production de 418.000 qx d’orge, de près de 400.000 qx de blé dur, 17.000 qx de blé tendre et plus de 18.000 qx d’avoine.

Tous les moyens mobilisés pour les récoltes

Des chiffres qui incitent à l’optimisme, pour peu que la production soit correctement orientée et gérée à travers les circuits de distribution nationaux afin de contribuer à réduire le recours à l’import et l’exposition de l’Algérie aux marchés internationaux, des moyens ont été mobilisés et des incitations ont été mises en place afin de faciliter l’opération de moisson-battage, de réduire les déperditions et d’encourager les céréaliculteurs à vendre leur récolte aux coopératives de céréales et de légumes secs sous l’égide de l’Office algérien interprofessionnel des céréales. Ainsi, plus de 11.000 machines de récolte ont été mobilisées, dont 1100 moissonneuses-batteuses appartenant à des coopératives des céréales et légumes secs (CCLS), de même que les capacités de stockage ont été portées à 44,5 millions de quintaux, en incluant des points de stockage supplémentaires, la cas échéant, ainsi que des sites de stockage et de collecte, ce qui permettra ainsi d’augmenter les capacités de stockage, affirme le ministre. De surcroît, quelque 2000 camions appartenant à l’Union des coopératives des céréales (UCC) ont été mobilisés pour l’acheminement et le transfert des récoltes. Par ailleurs, l’OAIC œuvre à mettre en place de nouveaux points de collecte limitrophes des zones de production dans la région du Sud, et ce aux fins de  se rapprocher des agriculteurs et faciliter le processus de dépôt de leurs récoltes. Il s’agit essentiellement de deux nouveaux points de collecte à Ougrout dans la wilaya de Timimoune et Hassi Lefhal dans la wilaya d’El Ménéa. Par ailleurs, 610 silos et points de stockage mobilisés tandis que les capacités de stockage sont de l’ordre de 44,5 millions de quintaux. Il existe 505 points de collecte de récolte équipés de tous les moyens nécessaires. Le secteur a consacré un couloir vert pour la collecte de l’orge au niveau des points dédiés. Enfin, l’OAIC a invité les agriculteurs à se rapprocher des coopératives de céréales pour arrêter communément les dates de récolte de leurs champs et faire avancer leur production. 

Des incitations pour les investisseurs

Au-delà, de nombreuses incitations ont été mises en place afin d’encourager les investissements dans la filière. C’est dans ce contexte que es prix de blé dur ont également fixés à 6000 DA/q pour le blé dur, à 5000 DA/q pour le blé tendre, à 3400 DA/q pour l’orge et à 3400 DA/q pour l’avoine, sur un instruction du président de la République. De nouvelles surfaces sont également mobilisées afin d’inciter l’extension de l’agriculture saharienne. 

Dans ce contexte,  le premier bilan de l’Office de Développement de l’Agriculture industrielle en terres Sahariennes (ODAS) fait ressortir la validation 140 projets d’investissements à concrétiser sur 134.000 ha mobiliser à travers différentes wilayas du Sud. Des surfaces qui seront étendues avant la fin de l’année en cours, selon le Gouvernement. Au-delà de la production des céréales à proprement dite, l’Algérie mise aussi sur la production de semences afin de garantir la souveraineté alimentaire en amont et en aval. Et c’est la Sonatrach qui a été mise à contribution et qui sort de son cœur de métier pour initier une expérience inédite : le développement de la culture de semences  de blé sur ses sites. Un projet ressuscité, par la société ‘’A3’’, SPA filière filiale du Groupe Sonatrach), dans le cadre de la première phase du plan d’action portant sur la création d’un pôle d’excellence de semences entre autres. Après plus de 15 ans d’inactivité, la ferme agricole gérée par la société ‘’Agro-alimentaire-Activité’’ (3A) spa  du groupe Sonatrach, dans la région de Gassi-Touil (sud de Hassi-Messaoud), vient de relancer ses activités et prévoit de créer un pôle de production de semences, entre autres de blé dans la région, où, une plantation de blé dur destiné à la production de semences sur  une superficie totale  de 28 000 ha, le périmètre agricole de Gassi-Touil, exploité, a permis de récupérer 16 054 ha,  dédiés à diverses cultures dont le blé . Le programme ambitieux de la ‘’3A’’ a été établi pour contribuer au développement des grandes cultures stratégiques en régions sahariennes, surtout la culture de semences de blé, certifiées par l’Office algérien interprofessionnel des céréales (Oaic). Une quantité de 6 500 quintaux (qx) de semences de blé dur, variété ‘’Virton-catégorie R1 et R2’’ et 18 500 bottes de paille équivalent de 2 600 ha emblavés est attendue au terme de cette campagne-moisson battage 2021-2022. 

Le blé, arme de guerre

L’Algérie est consciente des enjeux de sécurité alimentaire qui se jouent sur fond de confrontation géopolitique globale. Le conflit en Ukraine a entrainé les routes d’exportation des céréales ukrainiennes en Mer noire, ainsi que la suspension des exportations russes de blé, deux producteurs majeurs de blé alimentent les tensions sur les marchés. Les conditions météorologiques défavorables qui ont conduit à la suspension des exportations de blé par l’Inde et qui affectent la production de nombreux pays comme la France ou les Etats-Unis aggravent ces tensions. Les craintes quant à une crise alimentaire mondiale se font plus pesantes. Les cours du blé se sont envolés passant d’environ 260 euros la tonne à plus de 420 euros la tonne. L’Algérie a multiplié ses achats anticipés à travers l’OAIC, afin de parer à tous les scénarios, même si les stocks actuels et les récoltes attendues permettront de couvrir les besoins jusqu’à la fin de l’année. Or, et au-delà de l’envolée des cours, la situation actuelle met en lumière la place des céréales et des produits alimentaires en tant qu’arme de guerre, aux côtés de l’énergie. Ce qui pousse l’Algérie à lancer un programme politique de reconquête des champs agricoles.  

Sofia Chahine

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