La loi de finances au menu d’un Conseil des ministres spécial : Que réserve 2023 ?
Très attendue, la Loi de finances pour 2023 sera à l’ordre d’un Conseil des ministres prévu aujourd’hui sous la présidence d’Abdelmadjid Tebboune.
Que réserve le projet de budget pour l’exercice 2023 ? La question sera tranchée aujourd’hui au cours d’un Conseil des ministres spécial consacré à l’avant-projet de loi de finances 2023. Un projet de budget qui devra intégrer les engagements présidentiels en ce qui concerne le pouvoir d’achat des ménages, mais pas seulement.
Il est vrai que le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a renouvelé, cet été, son engagement en ce qui concerne la révision à la hausse des salaires des fonctionnaires, de l’allocation chômage et des pensions de retraites. Et les attentes des Algériens en la matière sont grandissantes, notamment avec un taux d’inflation poussé vers le haut par l’inflation importée et la déstructuration des circuits de distribution sur le marché national. C’est dire que l’équation à laquelle doit répondre le Gouvernement Benabderrahmane est complexe d’autant qu’il s’agit de répondre aux aspirations de la population, et plus particulièrement des fonctionnaires et salariés qui voient leur pouvoir d’achat érodé par l’inflation et qui réclament aujourd’hui une hausse substantielle du point indiciaire des salaires au lieu d’une révision à la marge de la grille indiciaire des salaires de la fonction publique. Le défi est donc de répondre, du moins en partie, à ces revendications en prenant en compte les capacités du Trésor public à supporter, à long terme, une charge financière supplémentaire induite par des dépenses salariales et sociales incompressibles, mais aussi d’éviter une expansion budgétaire trop importante qui pousserait encore l’inflation à la hausse. Une expansion budgétaire prévue dans le cadre du cadrage budgétaire à moyen terme (2022-2024) lequel mise sur des mesures pour l’amélioration du pouvoir d’achat, l’ouverture de postes budgétaires et la poursuite de la réalisation d’infrastructures. Or, toute expansion budgétaire doit d’abord servir les objectifs de stimulation de la croissance, d’autant que les prévisions des institutions financières internationales tablent sur un ralentissement modéré de la croissance en 2023, après le bond post-pandémique de la croissance enregistré en 2021 et 2022.
Cadrage macroéconomique
C’est en ce sens que le cadrage macro-économique de la prochaine loi de finances revêt toute son importance. Il est clair que pour aller plus loin dans sa politique tendant à améliorer le pouvoir d’achat en agissant sur la hausse des revenus et la baisse de la charge fiscale sur les ménages, le gouvernement compte sur une hausse des recettes budgétaires prévisionnelles. Des recettes qui restent tributaires des hydrocarbures, malgré des efforts de diversification lesquels n’induisent qu’un impact à la marge sur les recettes ordinaires de l’État. La fixation du prix de référence de pétrole est un point d’ancrage central dans la perception des politiques économiques pour le prochain exercice et lequel définira à coup sûr les recettes prévisionnels à l’export et le niveau de revenus de l’État ainsi que la marge de manœuvre dont il dispose pour mener son expansion budgétaire sociale. Un prix de référence qui reste cependant soumis au risque de retournement de marché dans un contexte d’incertitudes économique et géopolitique grandissantes en 2023.
La fixation du taux de change nominal prévisionnel du dinar par rapport à un dollar fort est également un point important à prendre en considération. L’appréciation du dinar par rapport à un dollar aujourd’hui fort est mue, avant tout, par l’amélioration des revenus pétrogaziers qui induisent des excédents des soldes extérieurs et des revenus budgétaires. Cette appréciation a aussi un effet sur l’inflation qu’elle freine. En science économique, la réévaluation d’une monnaie permet d’exporter l’inflation et c’est une technique usitée par les banquiers centraux. C’est du moins vrai pour les économies avancées qui exportent. Il faut cependant prendre en considération que pour une économie à la recherche de croissance et qui tend à trouver sa place dans la division mondiale du travail et sur les marchés internationaux, l’appréciation de la monnaie grève la compétitivité des industries locales naissantes, car elle augmente les coûts de production. Aussi, si l’appréciation d’une monnaie augmente le pouvoir d’achat, elle alimente le pouvoir d’achat à l’import. C’est un facteur qu’il est essentiel de prendre en compte en Algérie où les objectifs de réduction de la facture à l’import sont aujourd’hui prioritaires.
Samira Ghrib