27e session de la Conférence des parties à la Convention-cadre de l’ONU sur les changements climatiques : Le jeu trouble des Occidentaux
De nombreux pays africains ont décidé saisir l’opportunité de l’organisation de la COP sur leur continent pour faire entendre leurs voix et, in fine, peser un maximum dans les négociations.
Les travaux de la 27e session de la Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC/COP27), ont débuté, hier à Charm el-Cheikh, en Egypte, dans un contexte marqué par l’intensification des événements climatiques extrêmes et les tensions géopolitiques. Plus de 120 chefs d’Etat et de gouvernement parmi lesquels le président Tebboune se réuniront aujourd’hui et demain pour tenter de se mettre d’accord sur des solutions et d’engager des politiques pour éviter le chaos climatique. « Nous nous dirigeons vers une catastrophe mondiale ». Cette phrase alarmiste prononcée par le Secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, dans un message vidéo posté il y a une dizaine de jours, donne le ton de la COP 27.
Pour le moment rien n’est acquis. La crise énergétique que traversent les Occidentaux et la guerre en Ukraine rendent les relations diplomatiques encore plus complexes. Les négociations de la COP 27 se sont d’ailleurs ouvertes dans une atmosphère pour le moins tendue. Quoi qu’il en soit, les États négociateurs ne pourront pas ignorer le sixième rapport du GIEC sorti cette année. Un rapport extrêmement alarmiste : selon les estimations du GIEC, « les activités humaines ont provoqué un réchauffement planétaire d’environ 1 °C au-dessus des niveaux préindustriels» ; et «il est probable que le réchauffement planétaire atteindra 1,5 °C entre 2030 et 2052 s’il continue d’augmenter au rythme actuel ». Or, on le sait, à ce niveau de réchauffement, les événements climatiques violents vont encore se multiplier, les écosystèmes souffrir et la vie sur Terre sera plus dure et plus inégalitaire. La COP 27 devra donc se pencher sérieusement sur le dernier bilan du GIEC, et sur ses préconisations. Grosso modo, il faut absolument baisser beaucoup plus vite et plus radicalement nos émissions de gaz à effet de serre. L’enjeu principal sera donc d’essayer de contenir le réchauffement climatique à 1,5°C d’ici à 2030. Pour l’instant, la trajectoire demeure autour de 2,8°C, ce qui n’augure rien de bon.
Pour éviter la catastrophe, les scientifiques avancent plusieurs urgences parmi lesquelles la réduction la demande énergétique (consommer moins, dans tous les secteurs) ; la sortie sans délai des énergies fossiles (pétrole, gaz et charbon) ; l’amplification de l’aide financière aux pays vulnérables et la coopération internationale en règle générale et le développement de la captation du CO2 pour prendre le relais de la planète qui n’y arrive plus toute seule pour baisser le niveau de CO2 dans l’atmosphère. Cela passe par la création de puits de carbone, naturels (arbres) ou artificiels (technologies humaines).
Calculs mesquins et hypocrisie planétaire
Les participants à cette COP 27 tiendront-ils compte de ces urgences ? Une chose est certaine, de nombreux pays africains ont décidé saisir l’opportunité de l’organisation de la COP sur leur continent pour faire entendre leurs voix et, in fine, peser un maximum dans les négociations. Cette mobilisation, soutenue par les pays en développement, est motivée par une réalité très concrète : d’après un récent rapport, 79 % des décès enregistrés depuis 1991 et 97 % du nombre total de personnes touchées par des événements climatiques extrêmes l’ont été dans les pays en développement. En 30 ans, ces phénomènes hors normes auraient plus que doublé selon cette étude, faisant plus de 676.000 morts. Le comble c’est que ce sont les pays en développement qui polluent le moins. Les pays pauvres entendent donc mettre la pression pour obtenir un soutien financier suffisant qui leur permettrait de réduire leurs émissions en gaz à effet de serre et atténuer leur vulnérabilité face aux bouleversements climatiques. L’aspect positif justement de cette COP 27 c’est que pour la première fois, les questions de l’aide financière à l’adaptation, et surtout celle de l’indemnisation des dégâts climatiques irréversibles, figurent dans l’agenda des négociations. La demande est portée tout particulièrement par les pays pauvres qui manquent cruellement de financements pour faire face aux effets du changement climatique. Principaux responsables de celui-ci d’après le consensus scientifique, les pays riches sont attendus au tournant sur ce sujet de justice sociale et climatique.
En 2009, ils s’étaient engagés à mobiliser 100 milliards de dollars par an pour aider les pays du Sud à s’adapter. Un montant qui n’a pas été atteint : en 2020, les montants mobilisés conjointement par les pays développés s’élevaient à un peu plus de 83 milliards.
Dépendance technologique
D’après les experts, les besoins annuels relatifs au volet adaptation, atteindront entre 160 et 340 milliards de dollars d’ici 2030. Une situation sur laquelle alerte le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), dans un récent rapport : « Les flux financiers internationaux pour l’adaptation aux changements climatiques dirigés vers les pays en développement sont 5 à 10 fois inférieurs aux besoins estimés, et l’écart continue de se creuser. » Bref, les pays riches ne jouent pas encore le jeu. Il est d’ailleurs à regretter que sur le volet de l’indemnisation des dégâts irréversibles, il n’existe pour le moment aucun engagement financier conjoint de la part des pays développés.
L’appel des Occidentaux aux pays producteurs d’hydrocarbures pour accélérer leur transition énergétique passe par ailleurs très mal. Les pays pétroliers et en développement soupçonnent clairement les Occidentaux, en avance en matière de production d’énergies propres ou vertes, de mettre en place un système de dépendance technologique. Un système de domination qui va encore saigner les pays pauvre à blanc. Ces soupçons reposent sur le constat clair et établi : De nombreux pays occidentaux rechignent à accepter des transferts de technologies aux pays en développement qui manquent cruellement de moyens pour « décarboner » leurs économies. Dans le même instant, on assiste à une exacerbation de la guerre pour le contrôle des terres rares. Le discours des Occidentaux sur la protection de l’environnement est perçu à partir du Sud comme une grande arnaque dans la mesure où beaucoup de pays européens n’ont pas hésité également à rouvrir leurs centrales à charbon depuis le début de la crise énergétique. La COP 27 aura donc la lourde tâche de lever toutes ces incohérences et de veiller à ce que la transition énergétique et le sauvetage de la planète ne se fasse pas sur le dos uniquement des Africains et des pays en voie de développement.
Khider Larbi