Journée parlementaire sur le rôle de l’opposition en Algérie : Le constat sans concession de Rahabi
L’ex-ministre de la Communication et ancien diplomate Abdelaziz Rahabi a appelé à renforcer l’opposition politique, pour construire un front interne solide.
L’ancien ministre, Abdelaziz Rahabi, s’est exprimé jeudi, sur la place de l’opposition dans le paysage politique du pays. Avant d’évoquer les « réalisations » de l’opposition, celui-ci a tenu à énumérer les différentes étapes par lesquelles est passé celle-ci, à savoir « diabolisation, criminalisation et puis atomisation ». Rahabi estime qu’au moment actuel, le régime se préoccupe plus par ce qui est rapporté sur les réseaux sociaux que par ce que disent les opposants en Algérie.
D’emblée, l’ancien ministre a tenu à affirmer que « les espaces se sont rétrécis pour l’opposition ». Lors de son intervention intitulée : « L’opposition et la marge des libertés en Algérie : entre entraves et résistances », faite à l’occasion d’une journée parlementaire sur la place de l’opposition organisée jeudi dernier par le Mouvement de la société pour la paix (MSP), celui-ci rappelé que « la diabolisation de l’opposition » a commencé après l’indépendance avec l’instauration de l’ « unicité » de la pensée. « Tout ce qui n’est pas conforme à cette pensée est diabolisé », dira-t-il, avant d’ajouter que « le pouvoir avait une légitimité historique », qui « n’était pas sujette à une remise en cause ». Poursuivant sa communication, il a indiqué qu’il y a eu également une « criminalisation de l’opposition sous prétexte de collaboration avec l’étranger ». Or, pour Rahabi, « l’étranger n’a pas besoin de l’opposition dans le tiers monde ». « Il a besoin de régime forts et de stabilité », a-t-il enchainé, en mettant l’accent sur le fait que « l’occident n’a jamais voulu de démocratie dans le tiers-monde ». « Au contraire, il a contribué à faire avorter les démocraties », a-t-il ajouté. Ensuite, il y a eu « l’atomisation de l’opposition pour l’affaiblir », notamment « en multipliant les partis politiques ». Si dans l’esprit du régime, en procédant ainsi « l’opposition deviendrait facile », concrètement cette atomisation « a conduit à l’atomisation de la représentation politique dans la société ». « Il n’est pas possible de tout faire pour atomiser l’opposition, donc la société, et aspirer à construire un front interne solide. Celui-ci se construit lorsque l’opposition est forte », a-t-il déclaré à ce propos. Et pour finir, tout a été fait pour que les Algériens aient peur de « la transition démocratique », qui « renvoi chez nous, comme il l’a expliqué, à un pouvoir de transition », alors que la transition démocratique est « le passage d’un système non-démocratique à un système démocratique ». Abdelaziz Rahabi a tenu à préciser, d’ailleurs, que « l’opposition n’a jamais demandé un pouvoir de transition ». « On a dit, faisons du mandat présidentiel, l’actuel, le mandat de la transition démocratique qui organise le passage d’un système non-démocratique à un système démocratique. C’est les médias publics qui ont véhiculé cette thèse (pouvoir de transition de trois, quatre ans) pour diaboliser l’opposition », a-t-il affirmé. Il a rappelé, dans le même ordre, que « tous les documents de Mazafran 1, Mazafran 2 et la conférence de Ain Benian, évoquent un dialogue et une transition démocratique apaisée et consensuelle ».
Une opposition forte pour un front interne solide
Par ailleurs, l’ex-ministre a considéré que « le plus grand danger, chez l’élite, académique et politique, c’est lorsqu’elle avance l’idée que ce peuple n’est pas prêt pour l’exercice démocratique ». « C’est un discours dangereux, d’anthropologue du colonialisme », a-t-il déclaré, en expliquant que ce discours est là parce que « le pouvoir politique n’est pas prêt à la transparence et à rendre des comptes ». Dans son intervention, Rahabi a énuméré, par ailleurs, un nombre de « réalisations », à mettre sur le compte de l’opposition. Un constat fait, précise-t-il, après 22 années passées dans les rouages de l’Etat et autant dans l’opposition. Pour commencer, celui-ci dira que cette dernière « n’est pas aventureuse », puisque, entre autres, « elle n’a pas lancé des appels pour occuper la rue ». De plus, elle « fait la différence entre l’Etat et le pouvoir ». « Tu peux t’opposer au pouvoir sans porter atteinte à l’Etat. Et l’opposition est consciente de ça », a-t-il affirmé. L’autre réalisation, enchaîne-t-il, c’est que l’opposition a réussi « à construire un consensus national autour des politiques, étrangère et de défense ». « Vous pouvez revoir tous les documents. Jamais l’opposition n’a remis en cause les politiques, étrangère et de défense, de l’Etat », a-t-il signalé, en précisant que ce consensus se construit néanmoins par la « consultation ». L’intervenant a tenu, à cet effet, à rappeler que « l’opposition a tenté de jouer le rôle de médiateur entre le pouvoir et la société ». Or, poursuit-il, « lorsque la situation financière du pays est rassurante, le pouvoir pense qu’il n’a pas besoin d’opposition ». « A un certain moment, vers 2010, le président de la République considérait qu’il devait s’exprimer directement au peuple, en occultant la classe politique et l’exécutif. C’est du populisme », a-t-il lancé. L’ex-ministre a également évoqué « le consensus autour des questions essentielles qui diminue la charge idéologique » auquel est parvenue l’opposition. En dernier lieu, Abdelaziz Rahabi estime qu’aujourd’hui, la configuration politique est définie par « l’exécutif, les réseaux sociaux et ce qui reste de l’opposition ». « Ce qui importe pour le régime, c’est les réseaux sociaux. L’opposition s’est déplacée de l’Algérie vers Paris, Londres et Canada. Le pouvoir est beaucoup plus préoccupé par ce qui se dit sur les réseaux sociaux plus que ce que dit l’opposant algérien. C’est inédit », a-t-il déclaré. Un « nouveau phénomène » dans le tiers-monde, qui est « l’opposition facebookienne », qui a « de l’influence plus que les acteurs politiques qui sont ici ». « Ça me fait peur », a fini par dire Rahabi. Ce dernier a tenu, en dernier lieu, à rendre hommage à l’ancien chef de l’Etat, Abdelkader Bensalah, « un homme modéré », a-t-il précisé, « qui a voulu faire sortir le pays de la crise ».
Elyas Nour