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Relations algéro-espagnoles : Sanchez sur la sellette

Les entreprises espagnoles qui activent en Algérie depuis plusieurs années redoutent désormais que leurs marchés passent entre les mains de leurs concurrents. Cela commence d’ailleurs à être le cas pour certains secteurs d’activités. Ainsi, le secrétaire général de l’association patronale espagnole de l’émail, Manuel Breva a expliqué que son organisation a « réclamé à plusieurs reprises aux autorités l’urgence de résoudre le conflit diplomatique avec l’Algérie ».

Le président Abdelmadjid Tebboune a appelé la semaine dernière, lors de sa rencontre avec la presse,  des pays comme le Qatar et la Turquie à poursuivre et à renforcer leurs investissements, ajoutant que plusieurs entreprises américaines ont manifesté leur intention d’investir dans l’agriculture, l’industrie et d’autres secteurs. « Aujourd’hui, tout le monde est convaincu qu’investir en Algérie est rentable et loin d’être une aventure. C’est un investissement sûr grâce notamment à la possibilité de transférer les bénéfices », a-t-il assuré. Cette déclaration a eu l’effet d’un ouragan dévastateur dans les milieux d’affaires espagnols. Pourquoi ? La réponse est facile à deviner. Les entreprises espagnoles qui activent en Algérie depuis plusieurs années redoutent désormais que leurs marchés passent entre les mains de leurs concurrents. Cela commence d’ailleurs à être le cas pour certains secteurs d’activités. C’est connu, la nature à horreur du vide, surtout lorsqu’il est question de business.

La perte de parts de marché en Algérie n’est pas le seul souci des entreprises espagnoles qui font affaires avec l’Algérie. Ce qui leur provoque des crises de nerfs c’est que le gouvernement de Pedro Sanchez ne soit pas encore parvenu à régler la crise diplomatique avec l’Algérie. Et plus le temps passe, plus elles perdent beaucoup d’argent. La presse espagnole a rapporté à ce propos cette semaine que les entreprises ibériques spécialisées par exemple dans l’émail et la porcelaine et qui font affaires avec l’Algérie ont perdu plus de 70 millions d’euros en 6 mois. Le patronat espagnol insiste sur l’idée que l’Algérie n’a pas pu être remplacée. « Fin 2021, l’Algérie était le deuxième client à l’étranger des émailleurs espagnols. Concrètement, cette industrie a vendu des produits pour près de 90 millions d’euros à l’étranger, soit 9,5 % de plus qu’en 2020 », précise le quotidien el Mundo.

Six mois après l’adoption par l’Algérie de ces mesures de représailles contre Madrid à la suite de la décision du gouvernement du socialiste Pedro Sanchez de soutenir le prétendu plan marocain sur le Sahara occidental, les dégâts peuvent être donc chiffrés. Entre juin et juillet, l’arrêt des transactions entre les deux pays a entraîné 235 millions d’euros de manque à gagner pour l’économie espagnole : les exportations vers l’Algérie se sont élevées à 66 millions d’euros en juin et à peine 28 millions en juillet, soit 94 millions d’euros sur les deux mois, contre 329 millions en juin et juillet 2021, selon les statistiques même du ministère espagnol du tourisme, de l’industrie et du commerce. Comme il est possible de le constater, les dégâts sont importants. De nombreuses PME risquent aujourd’hui de mettre la clé sous le paillasson.  

Face à cette situation, les patrons espagnols ont décidé de sortir de leur torpeur et de mettre la pression sur Pedro Sanchez pour qu’il règle la crise diplomatique avec l’Algérie.  Le secrétaire général de l’association patronale espagnole de l’émail, Manuel Breva a ainsi expliqué au journal El Mundo que son organisation a « réclamé à plusieurs reprises aux autorités l’urgence de résoudre le conflit diplomatique avec l’Algérie ». « Pour le moment nous n’avons aucune nouvelle à cet égard », a-t-il regretté. «Nous nous souvenons que dans le cas du secteur des frites et des émaux, il faut savoir que l’Algérie est notre deuxième pays de destination. Nous n’avons rien pu exporter depuis de nombreux mois. Les pertes sont conséquentes et nous enregistrons des pertes de parts de marché puisque nos clients sont approvisionnés par des fournisseurs d’autres pays », a déploré le secrétaire général de l’ANFFECC.

Crise énergétique

Et  comme un malheur ne vient jamais seul, le problème intervient en pleine crise énergétique qui fait exploser les coûts. Et pour Manuel Breva, cette situation a pour effet de réduire directement la compétitivité et la rentabilité des entreprises espagnoles et de créer une instabilité de l’emploi. Selon lui, certaines PME sont obligées de délocaliser une partie de leur production pour rester compétitives. « Il est urgent de chercher des solutions diplomatiques pour résoudre le problème en Algérie et recevoir l’aide promise par le gouvernement central, car le problème s’aggrave de jour en jour et a un impact direct sur la production et l’emploi, pas seulement dans le secteur de la céramique», a prévenu le secrétaire de l’ANFFECC. Ceci pour dire que l’Espagne est actuellement en train de payer chèrement d’avoir joué la girouette sur sa position sur le  conflit  du Sahara Occidental.

La situation économique et sociale est tellement tendue en Espagne que Pedro Sanchez commence aussi à avoir sur le dos l’opposition qui le somme  de trouver en urgence une solution à la crise qu’il a suscitée avec l’Algérie. La présidente du Parti populaire (PP) espagnol de la province de Castellón dans la région autonome de Valence, Marta Barrachina, estime ainsi que la suspension des relations commerciales avec l’Algérie a compromis un chiffre d’affaires annuel de 230 millions d’euros d’échanges entre la province et l’Algérie. « Les fabricants de frittes et émaux céramiques ont perdu ce qui était leur premier marché extérieur (hors UE) parce que Sanchez fait tout le contraire de ce qu’on attend d’un gouvernement, il crée des problèmes au lieu de donner des solutions », déplore Marta Barrachina pour le journal local Castellón Plaza. Il faut croire qu’aujourd’hui tout le monde en Espagne veut la tête de Sanchez. Vu le cours des choses, il n’est pas certain qu’il fera de vieux os au pouvoir. 

Khider Larbi

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