L’opposition appelle à l’union contre Kais Saied : Le président tunisien a subit un nouveau revers électoral
La principale coalition d’opposants en Tunisie a appelé dimanche à former un front uni politique et syndical pour faire partir le président Kais Saied après un taux d’abstention record lors d’un scrutin pour élire le nouveau Parlement.
Le Front de salut national (FSN) a appelé les autres partis d’opposition, la société civile et la puissante centrale syndicale UGTT à «travailler main dans la main pour créer le changement par le départ de Kais Saied et aller à une élection présidentielle anticipée».
Selon Ahmed Nejib Chebbi, président du FSN qui inclut le parti Ennahdha, le maigre taux de participation de 11,3% – chiffres préliminaires -, annoncé dimanche pour le deuxième tour des législatives, «prouve encore une fois l’échec total» de Kais Saied. Cela veut dire que «près de 89% ont tourné le dos à cette pièce de théâtre et refusé de participer au processus» politique de Kais Saied. Le premier tour avait déjà été marqué par une abstention de quasi 90%, un record depuis l’avènement de la démocratie dans le pays où certains scrutins rassemblaient jusqu’à 70% des électeurs dans la dernière décennie.
L’élection de 131 députés (sur 161 sièges dont 30 déjà pourvus au premier tour) représente l’ultime étape de réformes imposées depuis 18 mois par le président Kais Saied pour revenir à un système hyper-présidentialiste, similaire à celui d’avant la révolution de 2011 et la chute du dictateur Ben Ali. Les experts ont expliqué la faible affluence par divers facteurs dont un mot d’ordre de boycott du scrutin par les principaux partis politiques.
Malgré de profondes divisions qui l’empêchent de mobiliser dans la rue, l’opposition a dénoncé de façon unanime un processus qualifié de «coup d’État» et une «dérive dictatoriale» de Kais Saied. Autre motif : la majorité des candidats étaient inconnus et sans affiliation politique. Les rares électeurs ont donc fait des choix personnels, les plus âgés disant surtout «accomplir leur devoir électoral». Estimant le pays ingouvernable, Kais Saied s’est emparé de tous les pouvoirs le 25 juillet 2021, puis a révisé la Constitution l’été dernier pour abolir le système parlementaire hybride en vigueur. La croissance est poussive, le chômage élevé et plus de 32.000 Tunisiens ont émigré clandestinement l’an passé.
Les Tunisiens, qui avaient en grande partie soutenu le coup de force de Kais Saied, se montrent de plus en plus mécontents de la détérioration de leurs conditions de vie, avec une inflation supérieure à 10% qui grève leur pouvoir d’achat, et la pauvreté qui touche 20% des 12 millions d’habitants. Comme l’État très endetté a dû mal à financer l’importation des produits de base dont il a la responsabilité, les pénuries de lait, sucre, café et récemment de pâtes sont chroniques. Dans une manifestation, le 14 janvier dernier, certains militants de gauche brandissaient d’ailleurs des baguettes tout en dénonçant une «dérive autoritaire» de Kais Saied, tandis que d’autres reprenaient l’un des slogans de la Révolution de 2011, réclamant du «travail» face à un taux de chômage supérieur à 15%. Le président tunisien n’a jamais été autant isolé politiquement. Au rythme où vont les choses, ses jours pourraient même être comptés.
Khider Larbi et agences