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Construction automobile : Six conditions pour éviter les erreurs du passé

Par Abderrahmane Mebtoul

Professeur des universités, expert international, Directeur d’études au seins des ministères de l’Industrie et de l’Énergie 1974-1979 /1991-1995 /2002-2008/2013-2015, et ex-président du Conseil national  des privatisations 1996/1999.

Les pouvoir publics entendent relancer le secteur de la construction automobile. Il s’agit aujourd’hui de ne surtout pas renouveler les erreurs du passé.

Dans un passé récent les politiques annoncées pour promouvoir l’industrie automobile a débouché sur des usines de montage de faibles capacités, sans véritable intégration qui servaient beaucoup pluscomme boîtes de transferts illicites de devises. Pour mettre en place une stratégie cohérente en la matière, il faut prendre en compte les perspectives du marché mondial. Dans ce sens, le parc dominant à l’horizon 2025/2030 sera constitué d’automobiles/camions fonctionnant avec les énergies renouvelables et l’hydrogène.  La cohérence est ce qui doit présider à la conception de politiques industrielles et de stratégies de développement de certains secteurs stratégiques. Prenant l’exemple du transport aérien que les pouvoirs publics entendent ouvrir au privé. Il est nécessaire de prendre en compte certains facteurs de risque. Il faudra faire attention à la délivrance d’agréments pour l’aviation, dossier plus complexe. Il s’agirait d’éviter de se retrouver avec des concessionnaires qui opéreraient avec des flottes de vieux avions achetés ou affrétés pour se ménager des sorties de devises !

Politique industrielle et management stratégique

Une politique industrielle créatrice de valeur ajoutée doit s’appuyer sur des projets concurrentiels s’appuyant sur un véritable le management stratégique et la maîtrise des nouvelles technologies dans le cadre des nouvelles mutations mondiales. Ce segment est appelé à connaître de profondes restructurations avec des capacités de production de plus en plus élevé, le marché n’étant pas local mais régional et mondial pour réduire les coûts. Selon l’ étude réalisée par le magazine spécialisé Wards Auto, entre 2020/2021, il y a 1,42 milliard de voitures dans le monde, dont 1,06 milliard sont des voitures particulières et 363 millions des véhicules utilitaires. Mais la répartition mondiale est très inégale : rien qu’aux États-Unis, on compte une voiture pour 1,30 par habitant. En Italie, il y en a une pour 1,45 et en France, au Japon et au Royaume-Uni, environ un pour 1,7 personne. En Chine, le ratio est d’une voiture pour 17 personnes, tandis qu’en Inde, il est d’une voiture pour 56 personnes. Il est évident qu’en Occident, le ratio est généralement plus faible. La question est de savoir ce qui se passerait si le monde entier avait des ratios comme ceux de l’Europe ou des États-Unis. Pour l’Algérie, le   parc voitures connaît un vieillissement accéléré  avec une structure d’âge dominée par les véhicules anciens. Les véhicules de moins de 5 ans représentant 19,32%, entre 5/9 ans 22,08%, les 10/14 ans , 17,22% , les 15/19 ans 22,08% et les 20 ans et plus 19,31%. Les véhicules de 5 à 9 ans et ceux âgés de 20 ans et plus représente 80,69% du parc automobile. Les voitures qui doivent être réformées représentent 58,61% du parc. Entre 2021/2023 ce taux a certainement augmenté. C’est pour répondre à ce vieillissement, que le marché sera ouvert de nouveau à l’importation. En plus d’éventuels agréments à délivrer aux concessionnaires, les pouvoirs publics misent sur la construction automobile. Selon les données du Ministère de l’Industrie, l’usine automobile Fiat implanté dans la wilaya d’Oran aura une capacité de production initiale sera  de 60.000 véhicules/an à partir de la première année, la production étant prévue en mars 2023, avant d’atteindre 90.000 véhicules/an ultérieurement. Le taux d’intégration pourrait être de 40% dans cinq ans, en rappelant que  le ratio le plus significatif , au vu des expériences internationales, est  la balance devises en soustrayant au chiffre d’affaire les subventions et les inputs importés en devises. Notons qu’en 2022, le taux d’intégration des entreprises publiques e privées ne dépasse pas 15%.

Six questions incontournables

Pour faire de cette nouvelle expérience une expérience réussie et éviter les erreurs du passé qui ont conduit au  gaspillage des ressources financières,l’on devra répondre à six questions.  Premièrement, avec le retour de l’inflation qui sera de longue durée par rapport au pouvoir d’achat réel, (alimentaires, habillement notamment plus les frais de loyer et téléphone) et avec le nivellement par le bas des couches moyennes, principaux clients, qui restera-t-il pour acheter une voiture?  Deuxièmement, comment ne pas renouveler les erreurs du passé avec les risques de surfacturation et de transfert indirect de devises ? Le marché local a -t-il les capacités d’absorption et ses opérateurs, seront-ils capables d’exporter pour couvrir la partie sortie de devises et donc quelle sera la balance devises des unités projetées ?

Troisièmement, la comptabilité analytique distingue les coûts fixes des coûts variables quel est donc le seuil de rentabilité pour avoir un coût compétitif par rapport aux normes internationales et aux nouvelles mutations de cette filière ? il faut prendre en compte que la carcasse représentant moins de 20/30% du coût total c’est comme un ordinateur, le coût ce n’est pas la carcasse (vision mécanique du passé), les logiciels représentant 70/80%. Quatrièmement, ces projets seront-ils concurrentiels dans le cadre de la logique des valeurs internationales, où de par le monde on construit une usine de voitures non pour un marché local, l’objectif du management stratégique de toute entreprise est régional et mondial afin de garantir la rentabilité financière cette filière étant internationalisée avec des sous segments s’imbriquent au niveau mondial où le taux d’intégration local varie entre 30/50%?Aussi, quelle est la situation de la sous-traitance en Algérie pour réaliser un taux d’intégration acceptable qui puisse réduire les coûts ? Il faut noter que la part du secteur industriel représente moins de 6% du PIB en 2021. Aussi, le tissu industriel est composé à plus de 95%  demicro unités familiales ou Sarl peu innovantes et comment dès lors ces micro-unités souvent orientés vers le marché intérieur, réaliseront le taux d’intégration prévue de 40/50% au bout d’environ trois à cinq années avec les nouvelles technologies appliquées aux voitures/camions.  Cinquièmement, selon une vision cohérente de la politique industrielle, ne faut-il pas commencer par sélectionner deux au maximum trois constructeurs avec un partenariat étranger gagnant/gagnant maîtrisant les circuits internationaux avec un cahier des charges précis leur donnant des avantages fiscaux et financiers en fonctions de leur capacité, devant leur fixer un seuil de production afin d’éviter que durant cette période certains opérateurs soient tentés dans une logique de rente, d’accroître là, la facture d’importation en devises des composants.  Sixièmement, ces voitures fonctionnent -elles à l’essence, au diesel, au GPLC, au Bupro, hybride ou au solaire ? Il est nécessaire dans ce sens d’ouvrir le débat sur la politique des subventions généralisées dans les carburants qui faussent l’allocation optimale des ressources.

En conclusion, selon une étude de Transport et Environnement (T&E) publiée en 2020 le marché du véhicule électrique en Europe devrait progresser jusqu’à atteindre la moitié de la production automobile totale à l’horizon 2030 ,les  nanotechnologies (la recherche dans l’infiniment petit) pouvant révolutionner le stockage de l’énergie, et l’avenir appartenant au moteur alimenté par de l’hydrogène gazeux. L’industrie automobile doit s’inscrire dans le cadre d’une véritable planification stratégique.Cette filière connaît une profonde restructuration où les nouvelles technologies influent sur les chaînes de production, les tours à programmation numérique éliminant les emplois intermédiaires où le nombre d’emplois directs et indirects créés devient marginal.  Aussi, certains responsables algériens devrait changer de logiciels, et il faudra éviter une politique industrielle périmée des années 1980/2000,  en s’adaptant  à la nouvelle reconfiguration mondiale  des industries de l’avenir.

A.M.

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