Grogne sociale au Maroc : Le Makhzen assis sur un volcan
Le Maroc traverse une période de turbulences sociales marquée par des manifestations dans divers secteurs. Ces mouvements de protestation reflètent un mécontentement grandissant face à l’aggravation de la crise qui secoue le pays et la misère sociale grandissante dans un contexte marqué par la corruption généralisée et la répression exercée par le régime du Makhzen.
L’Association marocaine pour la protection des deniers publics appelle ainsi à des manifestations massives devant le Parlement à Rabat. Sous le slogan « Nous sommes tous responsables… Nous sommes tous concernés », l’association dénonce la corruption généralisée dans les institutions étatiques. Elle revendique la lutte contre la corruption, les pots-de-vin et l’enrichissement illicite et rejette la répression des associations de défense des droits de l’homme au Maroc. La même association exige l’indépendance du pouvoir judiciaire, la fin de la collusion entre pouvoir et argent et un cadre juridique moderne pour lutter contre la corruption.
La grogne monte aussi face au fait que la corruption et cette collusion de l’argent et du pouvoir renforce la mainmise d’intérêts privés sur des services publics essentiels à l’image de la santé. La privatisation du secteur de la santé suscite, en effet, de vives inquiétudes. La Coordination marocaine des employés et cadres du ministère de la Santé alerte sur « un danger menaçant l’avenir du système de santé publique ». Elle s’oppose à la privatisation du secteur de la santé et la remise en cause de la gratuité des services de santé essentiels. De son côté, l’Union marocaine du travail critique également un projet de loi modifiant l’assurance maladie obligatoire, craignant la disparition de la Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale. Le secteur de l’éducation n’est pas épargné. L’Union nationale de l’enseignement prévoit des manifestations pour faire entendre ses revendications. Par ailleurs, de nombreuses villes marocaines sont le théâtre de protestations réclamant le droit au logement, l’accès à l’emploi, l’amélioration des conditions de vie et la fin des abus de pouvoir et de l’expropriation des terres agricoles. L’Association marocaine des droits de l’homme dénonce pour sa part la répression de la liberté d’opinion et d’expression. Elle pointe du doigt les poursuites contre les militants des droits humains, journalistes et blogueurs, la confiscation des terres des populations locales et l’exploitation excessive des ressources en eau au profit d’entreprises étrangères. La détérioration de la situation économique pousse de nombreux jeunes Marocains à tenter de fuir vers l’enclave espagnole de Ceuta. Ce phénomène traduit des conditions de vie devenues insupportables pour une partie de la population et un sentiment d’inégalité face aux privilèges accordés aux proches du pouvoir.
Rejet de la normalisation avec l’entité sioniste
Les Marocains sont également enragés par certains choix du Makhzen, notamment celui de la normalisation avec l’entité sioniste, en contradiction avec la conviction et le soutien de la population à la cause palestinienne. Une normalisation que les Marocains considèrent comme une atteinte à leur dignité. Si la normalisation est rejetée avec force depuis l’annonce du deal de la honte en décembre 2020, les manifestations ont pris une dimension inédite depuis le début de la guerre génocidaire sioniste contre Ghaza. Depuis octobre 2023, des manifestations quotidiennes exigent l’expulsion des sionistes du royaume. Une grande marche nationale est prévue à Rabat pour soutenir la cause palestinienne et mettre fin aux accords de normalisation.
Le Maroc est donc au bord d’un volcan social. Les revendications touchent des domaines essentiels comme la santé, l’éducation, le logement et l’emploi. La corruption généralisée et le manque de liberté d’expression alimentent la colère populaire, alors La normalisation cristallise également les oppositions.
Lyes Saïdi