Lancement de l’incubateur Artis à l’École supérieure des beaux-arts: L’art au service de l’économie créative
Dans un monde en constante évolution technologique, l’intersection entre l’art, l’innovation et l’économie devient un terrain fertile pour le développement culturel et économique.
L’Algérie, consciente de cet enjeu majeur, vient de lancer officiellement l’incubateur de l’École supérieure des beaux-arts (ESBA), baptisé « Artis » et inauguré lundi. Une initiative qui s’inscrit dans une vision stratégique visant à positionner les industries créatives au cœur du développement économique national. À l’heure où l’intelligence artificielle redéfinit les contours de la création artistique et bouleverse les modes de production culturelle, l’incubateur Artis se présente comme une réponse proactive aux défis contemporains. En effet, les avancées technologiques et l’émergence de l’IA dans le domaine artistique ne sont pas perçues comme des menaces, mais plutôt comme des opportunités à saisir pour enrichir le patrimoine culturel algérien et l’adapter aux exigences du marché mondial. Cette initiative s’inscrit dans un contexte où la créativité humaine, loin d’être supplantée par les algorithmes, doit au contraire être valorisée et accompagnée pour se déployer dans toute sa singularité. L’incubateur Artis entend ainsi créer un écosystème favorable où tradition artistique et innovation technologique se rencontrent pour donner naissance à des projets novateurs, capables de s’imposer sur la scène internationale. Lors de la cérémonie d’inauguration, le ministre de la Culture et des Arts, Zouhir Ballalou, a clairement exposé les ambitions portées par ce projet. Il a notamment affirmé que cette initiative « constitue une avancée qualitative dans le processus de soutien à l’innovation artistique et de consécration du rôle des arts dans le développement culturel et économique ». Le ministre a également souligné que « la création d’un incubateur de start-up au sein de l’ESBA fait partie de la politique du ministère de la Culture et des Arts visant à assurer l’émergence et le développement d’une économie culturelle et créative en Algérie, d’autant plus que l’industrie culturelle représente un levier stratégique pour la diversification économique et la création d’emplois au profit des jeunes ». Ces déclarations témoignent d’une prise de conscience aigüe du potentiel économique que représentent les industries culturelles dans un pays riche de son patrimoine et de ses talents. Elles révèlent également une volonté politique forte de structurer et de professionnaliser un secteur traditionnellement perçu sous l’angle exclusif de l’expression artistique, pour l’intégrer pleinement dans le tissu économique national.
Transformer les artistes en entrepreneurs
L’incubateur Artis ne se contente pas de soutenir la création artistique en tant que telle ; il ambitionne de transformer les artistes en entrepreneurs capables de valoriser leur talent sur le marché. Comme l’a précisé le ministre Ballalou, cet incubateur vise à « soutenir les talents artistiques de cette école dans leur transition à l’entrepreneuriat, en alliant innovation, créativité et savoir ». Il tend également à « transformer les idées créatives des artistes plasticiens en projets réalisables qui génèrent de la valeur et s’enracinent dans le patrimoine culturel algérien ». Cette approche marque un changement de paradigme significatif dans la conception même du métier d’artiste. À l’ère numérique et face aux défis de l’intelligence artificielle, l’artiste ne peut plus se contenter d’être un créateur isolé ; il doit développer des compétences entrepreneuriales pour faire vivre son art et le diffuser. L’incubateur Artis entend justement combler ce fossé en offrant aux jeunes talents une formation complète qui allie excellence artistique et maîtrise des enjeux économiques et technologiques.
Le ministre de l’Économie de la connaissance, des Start-up et des Micro-entreprises, Noureddine Ouadah, a pour sa part souligné que « l’industrie créative représente aujourd’hui l’un des composants de l’économie fondée sur la connaissance ». Il a également précisé : « Nous travaillons avec Monsieur le ministre de la Culture, ainsi qu’avec cette École supérieure des beaux-arts et tous les acteurs du secteur culturel, pour conférer à cette composante industrielle une présence plus forte dans l’économie nationale et permettre un rayonnement culturel plus large, notamment avec l’expansion considérable des technologies de l’information et de la communication (TIC) via Internet ». Ouadah a d’ailleurs insisté sur le fait que « l’économie culturelle et créative constitue l’un des moyens de promotion de notre économie riche et de notre patrimoine culturel, ainsi qu’un vecteur du rayonnement culturel international de notre pays ». L’originalité de l’incubateur Artis réside également dans son approche personnalisée de l’accompagnement des jeunes talents. Comme l’a expliqué le ministre Ballalou, « la pluralité des moyens et des domaines d’expression des étudiants requièrent un soutien personnalisé sous forme de formation individuelle assurée par l’un des enseignants de l’ESBA et des formations spécialisées axées sur l’entrepreneuriat, dispensées par des experts impliqués dans le processus d’incubation, outre leur accompagnement pour l’obtention du financement ». Au-delà de sa dimension institutionnelle, l’incubateur Artis se veut un projet fédérateur impliquant l’ensemble des acteurs du secteur culturel. Le ministre Ballalou a d’ailleurs lancé un appel en ce sens, invitant « tous les acteurs du domaine culturel à contribuer à la réussite de cette expérience ambitieuse », et appelant « les écoles et les instituts supérieurs à adhérer à cette orientation qui n’est plus seulement un souhait, mais une réalité et une nécessité qui s’impose, afin que nos créations et notre patrimoine culturel fassent partie du tissu économique et prennent leur part de ce marché, tant au niveau national qu’international ».
Mohand Seghir