L’importation d’un million de moutons aura un effet sur les prix: Appel à une réforme structurelle de l’élevage
Dans un contexte marqué par la hausse des prix des bêtes en prévision de l’Aïd El Adha dans quelques semaines, le professeur Ali Daoudi, de l’Institut national d’agronomie, a souligné l’impact positif de l’importation d’un million de têtes de moutons. « La décision d’importer un million de têtes ovines va certainement apporter un impact positif sur les prix des bêtes et donc sur l’accessibilité du consommateur », a souligné l’expert, tout en nuançant immédiatement la portée de cette mesure. Selon lui, l’effet sur la filière et sa capacité de production sera « relativement limité », principalement parce que ce cheptel est destiné essentiellement à l’abattage pendant la fête de l’Aïd. Cette importation vise avant tout à réduire la pression sur le cheptel national, particulièrement sur les femelles, qui constituent le capital de la production ovine. Le diagnostic posé par le professeur est sans appel : l’élevage algérien traverse une crise profonde, caractérisée par une décapitalisation prolongée et des conditions pastorales dégradées. « L’élevage algérien est en grande partie pastoral, c’est-à-dire suivant des parcours steppiques sur les hauts plateaux, dont l’alimentation dépend essentiellement des espaces fourragères », explique-t-il. La situation est aggravée par une sécheresse persistante qui a considérablement réduit les ressources alimentaires pour le bétail. Les éleveurs, confrontés à ces difficultés, « décapitent les brebis parce qu’ils ne peuvent pas entretenir leurs troupeaux en matière d’alimentation ». Pour atténuer cette crise, l’État a mis en place des mécanismes de soutien, notamment par la fourniture de quantités d’orge et de blé, permettant de maintenir les effectifs de femelles reproductrices pendant les périodes les plus critiques. L’objectif de l’importation va au-delà d’une simple régulation des prix. « Si le prix fixé sur le mouton importé sera faible, il y aura un effet rebond sur la demande », anticipe Ali Daoudi, suggérant que des ménages habituellement écartés du marché pourraient être attirés par ces prix plus accessibles. Le professeur recommande une stratégie d’importation ciblée, privilégiant les pays voisins du Sud comme le Mali et le Niger, qui présentent « un grand potentiel de production ovine ». Il préconise cependant une approche prudente, impliquant « de mettre en conformité les mécanismes de santé animale » et d’envisager des systèmes d’abattage conformes aux normes. À plus long terme, Daoudi appelle à une réforme structurelle : « Puisque l’élevage traditionnel ne fonctionne plus, vu que la steppe est dégradée, il faut donc penser à un modèle alternatif ». Cette transformation est cruciale pour préserver à la fois les ressources pastorales et la filière de la viande rouge. L’importation de ces têtes ovines apparaît ainsi comme une solution temporaire, un palliatif destiné à soulager un marché sous tension, dans l’attente d’une transformation plus profonde du modèle d’élevage algérien.
Samir Benisid