Algérie-France : Va-t-on vers la rupture ?
La crise diplomatique entre l’Algérie et la France atteint un niveau de tension sans précédent depuis l’indépendance.
La situation actuelle, marquée par des expulsions réciproques de diplomates et une escalade constante des mesures punitives, témoigne d’une détérioration profonde des relations bilatérales. Les derniers développements révèlent que nous sommes entrés dans un cycle de représailles mutuelles qui pourrait mener à une rupture complète des relations diplomatiques. Après l’expulsion de 12 agents français mi-avril, puis le refus d’entrée opposé à 15 agents diplomatiques français arrivés « dans des conditions irrégulières » cette semaine, Paris a riposté en exigeant le départ des diplomates algériens non munis de visas, remettant de facto en cause l’accord bilatéral de 2013 sur l’exemption réciproque de visas pour les détenteurs de passeports diplomatiques. Les autorités algériennes considèrent cette crise comme un ensemble cohérent d’actions hostiles, à commencer par l’incarcération d’un agent consulaire algérien en France dans des conditions contraires aux usages diplomatiques. Cette affaire s’inscrit dans une stratégie orchestrée par le ministre français de l’Intérieur Bruno Retailleau, l’artisan principal de la dégradation des relations. Le litige s’est aggravé avec l’annonce par les autorités françaises d’une enquête visant un ancien haut responsable de l’ambassade d’Algérie à Paris dans l’enlèvement présumé d’Amir Boukhors, dit « Amir DZ » une affaire montée de toute pièce et qui remonte à plus d’une année et qui est aujourd’hui instrumentalisée dans une campagne ouvertement anti-algérienne. Cette tendance inquiétante traduit la montée en puissance d’une vision de droite radicale au sein de l’appareil d’État français, où le ministre de l’Intérieur s’immisce sans retenue dans les affaires étrangères, ignorant les protocoles établis et les réserves exprimées par son homologue des Affaires étrangères. Jean-Noël Barrot, ministre français des Affaires étrangères, a qualifié la décision algérienne -bien que légitime- d' »injustifiée et injustifiable », annonçant une réponse « immédiate, ferme et proportionnée » par l’expulsion de tous les agents algériens titulaires de passeports diplomatiques dépourvus de visas. Cette mesure, bien que présentée comme une application du principe de réciprocité, constitue en réalité une remise en question unilatérale des accords bilatéraux en vigueur. Si les tensions actuelles s’inscrivent dans un contexte plus large de désaccords, notamment sur la question du Sahara occidental où la France a abandonné sa neutralité attendue en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, elles ont pris une dimension particulièrement aigüe avec l’instrumentalisation politique de ces différends par certaines factions au sein du gouvernement français. L’approche de Paris, consistant à dissocier l’affaire de l’expulsion des diplomates de celle de la détention du fonctionnaire consulaire algérien, contraste avec la vision algérienne qui considère ces événements comme intimement liés et révélateurs d’une hostilité systématique. Le traitement médiatique et politique de cette crise par la France, caractérisé par une tentative de faire porter la responsabilité à l’Algérie tout en poursuivant une politique de provocation, illustre la prévalence d’une logique néocoloniale persistante dans certains cercles de pouvoir français. En dépit des appels au dialogue formulés par le Quai d’Orsay, les actions concrètes démontrent une volonté d’imposer un rapport de force défavorable aux intérêts algériens. Face à cette situation, les autorités algériennes maintiennent une position ferme, refusant toute atteinte à leur souveraineté et dénonçant les tentatives de manipulation diplomatique. L’emprisonnement du fonctionnaire consulaire algérien, suivi par des accusations contre un autre diplomate, s’inscrit dans une stratégie délibérée visant à saboter le rapprochement amorcé entre les présidents des deux pays. La tournure actuelle des événements suggère que nous assistons non pas à une simple crise diplomatique passagère, mais à une reconfiguration profonde des relations algéro-françaises, marquée par la fin des ambiguïtés et le passage à une confrontation ouverte. Si cette tendance se poursuit, nous pourrions assister à une rupture historique entre les deux nations, avec des conséquences considérables sur les plans politique, économique et humain.
Salim Amokrane