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Raffinerie d’Augusta et vente des actions détenues par Sonatrach dans Anadarko : Les vérités de Attar

Le ministre de l’Énergie, Abdelmadjid Attar a fait un constat critique de la gestion des affaires du secteur. De la vente des actions d’Anadarko du temps de Chakib Khelil à l’achat de raffinerie d’Augusta, en Italie, sur l’instigation d’Abdelmoumène Ould Kaddour, Attar a critiqué des décision « préjudiciables ».Dans un entretien qu’il a accordé à l’agence russe Sputnik News, le ministre de l’Énergie est revenu sur le rachat, en 2018, de la raffinerie italienne d’Exxon Mobil par Sonatrach. « Une opération préjudiciable », a estimé le ministre.

«Tel qu’il était présenté au début, oui. À l’époque, on disait que c’était un investissement à l’international qui devait permettre à l’Algérie de diminuer ses importations de gasoil », a indiqué Attar qui ajoute que « malheureusement, il s’est avéré qu’Augusta ne pouvait pas raffiner de pétrole algérien mais du brut saoudien et azerbaïdjanais. Je préfère ne pas m’étaler sur la question car ce dossier est entre les mains de la Justice. Je peux seulement dire que cela confirme qu’il y a eu préjudice vis-à-vis de l’Algérie.» Il est vrai que l’acquisition de la raffinerie d’Augusta, à Syracuse, en Sicile, a vivement été critiquée dès l’annonce. Les initiés avaient dès le départ émis des doutes quant à la pertinence d’une telle transaction. Une transaction présentée par le P-DG de la Sonatrach de l’époque, Abdelmoumène Ould Kaddour comme étant le premier investissement « stratégique » à l’international dans le cadre de la stratégie SH 2030, devant permettre de garantir l’approvisionnement du marché en produits pétroliers et de mettre la main sur les infrastructures – quais et espaces de stockage- au cœur de la Méditerranée. Et s’est ainsi que la transaction a été finalisée et validée par le gouvernement de l’époque au mois de décembre 2018.


Or, Sonatrach avait acquis en réalité une raffinerie pour laquelle Exxon n’arrivait pas à trouver d’acheteurs depuis 2015. D’abord, en raison de la frilosité des investisseurs à mettre leurs billes dans un marché européen du raffinage en surcapacités. Ensuite, en raison de la vétusté de la structure. Sonatrach ainsi acheté pour 750 millions de dollars une raffinerie vieille de plus de 70 ans et a dû s’endetter à hauteur de 250 millions de dollars auprès de l’Apicorp pour la maintenance. Le plus drôle est que l’argument avancé par Ould Kaddour relatif à la nécessité d’acquérir une raffinerie à l’étranger pour faire le processing du pétrole algérien et garantir grâce à cela l’approvisionnement du marché en produits pétroliers, ne tient pas la route. La raffinerie d’Augusta est adaptée au traitement des pétroles lourds et de moyenne densité, alors que le pétrole algérien est léger. La Sonatrach a d’ailleurs dû signer un contrat avec Saudi Aramco pour l’approvisionnement de la raffinerie d’Augusta en
pétrole. Un comble !
Enfin, si à l’époque on avait assis tout l’argumentaire motivant la transaction sur la perspective de l’acquisition de quais pétroliers et de capacités de stockage de pétrole et de produits pétroliers stratégiques, la réalité est que Sonatrach ne peut accéder à ces structures que grâce à un contrat de concession et non une cession. Des structures qui, faut-il le rappeler, se trouvent à proximité d’une base de l’Otan, à Syracuse. Bref, Sonatrach a acquis une raffinerie dont personne ne veut et qui sera difficile à revendre.
C’est dire l’étendue du scandale. Autre transaction qui renseigne sur la gestion hasardeuse du secteur et sur laquelle, le ministre a eu à s’exprimer sur la vente en 2003 des actions que la Sonatrach détenait depuis les années 1970 dans Anadarko et Duke Energy. Des actifs qu’Abdelmadjid Attar a qualifié de « bijoux de famille », avant de poser la problématique de la gestion des fonds issus de la vente. Il est utile de rappeler dans ce sens que l’ex-ministre de l’Énergie Chakib Khelil, qui cumulait entre 2001 et 2003 les fonctions de ministre de l’Energie et de P-DG de la Sonatrach a initié la vente des parts que le pétrolier national détenait dans le capital des firmes américaines Anadarko et Duke Energy. Une vente qui a été opérée sous cape, avant qu’elle ne soit révélée par les médias quelques années plus tard, et dont le produit a été placé dans un fonds d’investissement appartenant à un certain Farid Bedjaoui. Interpellé à ce propos, Attar a donc rappelé s’être opposé à cette vente lorsqu’il occupait le poste de P-DG de la Sonatrach au milieu des années 1990. « Les bijoux de famille ne se vendent pas. Ces actions rapportaient des dividendes qui ont permis à la Sonatrach d’investir au Pérou et dans d’autres pays. Finalement elles ont été cédées », a-t-il rappelé. Mais le ministre a surtout mis en avant la question de la gestion des fonds issus de la vente. « Il serait pertinent de savoir à quoi cet argent a servi. A-t-il été utilisé pour faire de la Sonatrach un gros producteur dans un État africain ou au Moyen-Orient, en Irak notamment où le potentiel est énorme? », S’est-il interrogé. « Il est évident que non. Je ne veux pas faire de commentaire sur l’usage de cet argent. Je sais seulement que cette vente n’a pas été une bonne affaire pour l’Algérie. Ces actions auraient pu nous être utiles au sein même d’Anadarko mais elles ont été vendues. Nous devons les
oublier», a-t-il conclu.

Samira Ghrib

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