Un mandat d’arrêt international lancé par la Justice: Ould Kaddour rattrapé par le dossier de la raffinerie d’Augusta
L’affaire de la raffinerie d’Augusta acquise par la Sonatrach en 2018 connaît un nouveau rebondissement. L’ex-P-DG de la Sonatrach, Abdelmoumène Ould Kaddour, qui se trouve actuellement l’étranger, risque fort d’être rattrapé par la Justice. Principal protagoniste dans le dernier grand scandale de la Sonatrach de l’ère Bouteflika, à savoir le rachat de la raffinerie italienne d’Exxon Mobil, Ould Kaddour risque de retourner à la case prison, à cause justement de cette raffinerie. Hier, en visite à Hassi R’mel à l’occasion de la célébration du double anniversaire de la nationalisation des hydrocarbures et de la création de l’UGTA, le Premier ministre, Abdelaziz Djerad, a annoncé l’émission d’un mandat d’arrêt international contre le principal accusé dans l’affaire de corruption relative à l’acquisition par le Groupe Sonatrach de la raffinerie d’Augusta.
« Le Pôle pénal économique et financier a ouvert une enquête sur l’affaire de la raffinerie d’Augusta, dans laquelle un mandat d’arrêt international a été émis contre le principal accusé », a déclaré M. Djerad dans son allocution qui a d’ailleurs insisté sur la volonté des pouvoirs publics d’aller au bout de la lutte contre la corruption et les crimes économiques.
« Nous continuerons à poursuivre en Justice tous les responsables impliqués dans les affaires de corruption et les tentatives d’atteinte à l’économie nationale », a-t-il ajouté, réaffirmant « la détermination de l’Etat à poursuivre la moralisation de la vie publique et du domaine économique, en réunissant les conditions idoines pour un climat économique empreint de transparence et de concurrence loyale et saine, d’une part et à lutter contre la corruption dans le cadre de la loi, d’autre part ».
Il est utile de rappeler dans ce sens que l’acquisition de la raffinerie d’Augusta dans la région sicilienne de Syracuse, par Sonatrach avait fait scandale dès son annonce en 2018.
Présentée par Abdelmoumène Ould Kaddour comme le fer de lance de la stratégie d’internationalisation de la Sonatrach dans le cadre du plan « SH 2030 », cette acquisition avait fait hausser les sourcils de nombreux experts du secteur pétrolier à l’époque qui avaient immédiatement remis en cause sa pertinence.
Petit rappel des faits. Au cours des premiers mois de 2018, Ould Kaddour annonçait en grandes pompes, via plusieurs canaux étrangers, que Sonatrach s’offrait la raffinerie d’Esso Italia, filiale de la major US Exxon Mobil pour la bagatelle de 750 millions de dollars. Cette transaction inclut également les trois terminaux pétroliers de Palerme, Naples et Augusta, ainsi que des participations dans des pipelines reliant la raffinerie aux différents terminaux. A l’époque le désormais ex-PDG de la Sonatrach assurait que cette transaction permettait à la Sonatrach de mettre la main sur des infrastructures stratégiques en Méditerranée, en plus d’assurer le processing du pétrole algérien afin de mettre fin à l’importation des carburants.
Or, tous ces arguments avaient été remis en cause par les experts dès le départ. Ils s’étonnaient d’abord du fait que la Sonatrach puisse acheter pour près d’un milliard de dollars une raffinerie vieille de plus de 70 ans, et qui avait nécessité un investissement supplémentaire de 100 millions de dollars pour sa maintenance, et d’autres fonds pour répondre aux engagements en matière d’environnement. Des financements que la Sonatrach a d’ailleurs dû mobiliser sur un emprunt auprès de l’Apicorp.
C’est la pertinence et l’opportunité même de cette acquisition qui avait été remise en cause. Les experts s’étonnaient du fait que cette raffinerie puisse être le fer de lance de la stratégie d’internationalisation de la Sonatrach qui reprenait alors une structure qu’Esso peinait à vendre sur un marché du raffinage déjà en surcapacité.
Le pire est que même l’argument du processing du pétrole algérien vole en éclat, car la raffinerie d’Augusta est adaptée pour le traitement des pétroles lourds du Moyen-Orient et non le pétrole algérien léger et à faible teneur en soufre. Sonatrach a dû d’ailleurs signer un contrat d’approvisionnement avec Saudi Aramco pour faire faire fonctionner la raffinerie et ses personnels qui coûtent une masse salariale annuelle de 10 milliards de dinars.
Et pour ne rien arranger au scandale, la Sonatrach n’a, à aucun cas, fait main basse sur la propriété des structures de stockage et les quais qu’Ould Kaddour agitait comme appât. Elle y accède via des concessions et des participations sur une partie des infrastructures.
Pour rappel, la Justice a décidé d’ouvrir le dossier de la raffinerie d’Augusta au mois de juillet dernier, avec l’audition de l’ancien vice-président commercialisation de la Sonatrach, Ahmed Mazighi et qui se trouve depuis en détention provisoire.
Ould Kaddour a quitté l’Algérie quelques semaines après son limogeage, en avril 2019, dans le sillage de la chute du régime bouteflikéen.
Samira Ghrib