La Libye est devenue « une plateforme pour redessiner les équilibres » : Les enjeux géopolitiques d’une crise
Les travaux de la réunion ministérielle des pays voisins de la Libye ont débuté, hier, à Alger sous la présidence du ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, Ramtane Lamamra avec la participation des ministres des affaires étrangères de la Libye, de la Tunisie, de l »Egypte, du Niger, du Tchad, du Soudan et de la République démocratique du Congo. Une rencontre qui revêt une importance particulière dans le contexte régional actuel marqué par la montée des menaces terroristes et la propagation des activités des groupes criminels, dans le sillage de la déstabilisation de la Libye, devenue une plateforme pour le transit d’armes et de mercenaires dans la région.
Les travaux de la réunion ont, d’ailleurs, permis de mettre en lumière les enjeux du règlement de la crise en Libye. C’est ainsi qu’à l’ouverture des travaux de la réunion, RamtaneLamamra a tenu à souligner l’enjeu que représente la Libye pour la sécurité de la région. Le ministre des Affaires étrangère et de la Communauté nationale à l’étranger a ainsi révélé l’existence de plans par lesquels certaines puissances étrangères cherchent à accroître leur influence en Libye et à faire de ce pays une plate-forme pour redessiner les équilibres internationaux au détriment des intérêts stratégiques de la Libye et de ses voisins. Et d’ajouter que « nous devons traiter et interagir avec les développements de la situation en Libye, selon une approche proactive et une vision claire ». Cette vision « doit tenir compte des considérations qui préoccupent de plus en plus les décideurs et l’opinion publique dans nos pays, à la lumière des plans de certaines puissances étrangères qui cherchent à accroître leur influence en Libye et faire de ce pays une plate-forme pour redessiner les équilibres internationaux, au détriment des intérêts stratégiques de la Libye et de ses voisins ». M. Lamamra a réaffirmé que « notre sécurité et notre stabilité à tous sont étroitement liées à la sécurité et à la stabilité de la Libye et sa prospérité dépend de la notre. Une Libye stable et forte constituera sans nul doute le pilier de la sécurité et de l’intégration économique régionales ». Il rappellera dans la foulée que « les pays voisins de la Libye sont plus concernés que d’autres par les répercussions directes de la situation tumultueuse dans ce pays voisin et frère ».
Tenir les élections dans les délais
Il est utile de noter que la rencontre qui s’est ouverte hier a pour objectif d’apporter une aide aux Libyens en vue de parachever le processus de réconciliation nationale à travers la tenue, dans les délais, des élections générales prévues le 24 décembre prochain. La liste des participants à cette rencontre comprends, également, les représentants de trois organisations internationales et régionales, dont le SG de la Ligue arabe, Ahmed Aboul Gheit, le Commissaire de l’Union africaine aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité, Bankole Adeoye, et l’envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU pour la Libye, Jan Kubis. Ce dernier a présenté une communication sur les récents développements en Libye et le processus de la mise en œuvre des recommandations de la Conférence de Berlin 2. Cette réunion qui s’est déroulée à huis clos a abordé la feuille de route pour la tenue des prochaines élections devant mettre fin à la période de transition dans ce pays, alors que des désaccords persistent entre belligérants libyens sur la base juridique qui devrait encadrer l’organisation de ces élections. Dans ce sens le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger a indiqué que « la tenue de la réunion ministérielle des pays voisins de la Libye entre dans le cadre des efforts soutenus que nos pays n’ont eu de cesse de déployer pour contribuer au règlement de la crise libyenne ». Et d’ajouter: « nos Etats œuvrent, collectivement et individuellement, au règlement de la crise libyenne, convaincus du rôle vital que doivent jouer les pays voisins dans ce sens ». Le ministredes affaires étrangères a soutenu que « le processus de réconciliation en Libye nécessite la poursuite des efforts pour le parachèvement de l’unification des institutions de l’Etat libyen, la réalisation de la réconciliation et le départ des mercenaries et des forces étrangères de tout le territoire libyen ». De nombreux événements tragiques auxquels nos pays ont été confrontés faute de stabilité en Libye l’ont malheureusement prouvé », note-t-il. Le ministre des Affaires étrangères a, par ailleurs, souligné que « la réunion d’aujourd’hui entre dans le cadre des efforts soutenus que nos pays n’ont eu de cesse de déployer pour contribuer au règlement de la crise libyenne, convaincus du rôle vital et central que doivent jouer les pays voisins pour soutenir les autorités de transition libyennes en vue de la concrétisation de toutes les échéances inscrites dans la feuille de route et la tenue des élections prévues le 24 décembre 2021. M. Lamamra a indiqué que la participation de la ministre libyenne des Affaires étrangères, Najla Al-Manqoush à la réunion avec ses homologues « est un indicateur significatif de la grande avancée réalisée par le processus politique dans le règlement de la crise libyenne, aussi bien qu’une preuve éloquente de notre attachement tous à être à l’écoute de la voix libyenne, car profondément convaincus que le règlement de la crise ne saurait intervenir qu’à travers un processus inter-libyen, avec le soutien de la communauté internationale, notamment les pays voisins. Il a rappelé que « la tenue de cette réunion s’inscrit dans le cadre de l’activation des résolutions du Conseil de sécurité relatives à la crise libyenne ainsi que les recommandations de la Conférence de Berlin prévoyant de permettre aux pays voisins de s’acquitter de leur rôle dans le contexte des efforts internationaux et régionaux pour aider le peuple libyen frère ». « La période cruciale actuelle dans l’histoire du peuple libyen frère nous impose indubitablement une solidarité absolue et un soutien efficace pour lui permettre de préserver sa souveraineté et l’unité de son territoire, de même qu’une action devant mettre un terme à toutes les interventions étrangères dans ses affaires internes », a soutenu M. Lamamra. Par ailleurs, l’envoyé spécial de l’ONU pour la Libye, Jan Kubis a estimé qu’il est « important qu’un cadre juridique soit mis en place rapidement en prévision de la tenue des élections présidentielles et législatives prévues en Libye en décembre 2021 », affirmant au passage qu’il est « nécessaire la présence d’observateurs étrangers lors de l’organisation de ses elections. Ce diplomate onusien a révelé que « le gouvernement libyen a pris les dispositions nécessaires pour la tenue des élections, mais nous avons besoin d’un cadre juridique. Les députés sont actuellement en train de finaliser la loi électorale et il nous reste encore très peu de temps. Je les ai invité à prendre leurs responsabilités et à ne pas perdre de temps », rappelant que « le gouvernement d’Union nationale a dégagé le budget nécessaire à la tenue des élections, mais il est important qu’il y ait un cadre juridique le plus tôt possible ». Il a relevé, par ailleurs, que « la présence d’observateurs étrangers était « importante » pour s’assurer du bon déroulement des élections, invitant les pays voisins de la Libye à désigner eux aussi des observateurs pour superviser l’opération électorale », tout en invitant les pays du voisinage à s’impliquer dans les efforts déployés en vue d’assurer le départ des mercenaries et des forces étrangères présents en Libye. Ceci dit, l’ONU est prête, dira-t-il, à appuyer les Libyens dans le processus de désarmement, la reintegration des combattants libyens dans les forces armées et le retrait des combattants étrangers.
D’ailleurs, la tenue des élections est un enjeu fondamental pour le processus de règlement de la crise en Libye. En ce sens, l’envoyé spécial de l’ONU pour la Libye, Jan Kubis a indiqué au cours de la rencontre que « le gouvernement (libyen) a pris les dispositions nécessaires pour la tenue des élections, mais nous avons besoin d’un cadre juridique. Les députés sont actuellement en train de finaliser la loi électorale et il nous reste encore très peu de temps. Je les ai invité à prendre leurs responsabilités et à ne pas perdre de temps ». « Le gouvernement d’Union nationale a dégagé le budget nécessaire à la tenue des élections, mais il est important qu’il y ait un cadre juridique le plus tôt possible », a souligné le représentant de l’ONU.Il a estimé, en outre, que la présence d’observateurs étrangers était « importante » pour s’assurer du bon déroulement des élections, invitant les pays voisins de la Libye à désigner eux aussi des observateurs pour superviser l’opération électorale.
Faire barrage aux interventions étrangères
Sur un autre plan, l’envoyé spécial de l’ONU a invité les pays du voisinage à s’impliquer dans les efforts déployés en vue d’assurer le départ des mercenaires et des forces étrangères présents en Libye.L’ONU « est prête à appuyer les Libyens dans le processus de désarmement, la réintégration (des combattants libyens dans les forces armées) et le retrait des combattants étrangers », a-t-il dit.
Un point qui a d’ailleurs fait consensus au sein des participants à la réunion. Ainsi, le Commissaire aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité de l’Union africaine (UA), Bankole Adeoye a le soutien de l’organisation panafricaine aux efforts des parties libyennes visant à rétablir la paix et la stabilité dans le pays, appelant à mettre fin à toute intervention étrangère en Libye.
Pour sa part le Secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmed Abou El Gheït a estimé que « le départ es mercenaires et des forces étrangères des territoires libyens est une nécessité impérieuse pour l’aboutissement du processus de transition, et le passage du chaos vers la stabilité et du tiraillement entre les forces étrangères sur le sol libyen à la stabilité de la Libye et à la préservation de son unité territoriale, voire à la fin de l’ingérence étrangère dans ses affaires ». »Le départ des forces étrangères est un principe de base convenu par les puissances internationales et régionales dans le processus de Berlin », a-t-il rappelé.
Le rôle de l’Algérie salué
Pour sa part, la ministre libyenne des Affaires étrangères, Najla Mangouche a salué le rôle « positif » et « efficient » de l’Algérie dans le règlement de la crise libyenne et son soutien aux efforts d’instauration de la stabilité, affirmant sa volonté d’établir un partenariat stratégique avec les pays du voisinage.
Afin de parvenir à l’instauration de la stabilité en Libye et dans son voisinage immédiat, la ministre libyenne a énuméré les éléments fondamentaux pour l’édification d’une nouvelle ère de coopération entre les peuples de la région, notamment l’unification des vues des pays voisins vis-à-vis des positions politiques en faveur des questions d’ordre politique et économique.Il s’agira également de la garantie de la sécurité nationale et de la coordination sécuritaire entre les pays voisins afin de contrôler les frontières, l’élaboration d’un programme de sécurité alimentaire homogène moyennant des outils économiques tout en œuvrant à la sécurisation des ressources en eau.Dans le même contexte, la ministre a évoqué le traitement du phénomène de la migration clandestine, l’adoption de programmes d’enseignement développés et l’échange d’expériences, le soutien à l’initiative du Gouvernement libyen visant la stabilité de la Libye.
Faiçal Bedjaoui et ChokriHafed