La feuille de route des réformes présentée : Cap sur le redémarrage économique
Le Premier ministre et ministres des Finances, AïmeneBenabderrahamne, a passé hier son grand oral devant la Chambre basse du Parlement et a défendu sa feuille de route pour des réformes qui s’articulent autour de cinq axes. Ce fut l’occasion aussi pour le chef de l’Exécutif de répondre à certaines appréhensions soulevées à propos de la mise en œuvre des réformes projetées.
AïmeneBenabderrahmane l’assure et le réaffirme, les objectifs tracés seront concrétisés selon les priorités, dans un cadre opérationnel, qui prévoit des feuilles de route sectorielles contrôlées et suivies. Car les objectifs sont nombreux, tout autant que les priorités et les urgences, notamment sur le plan économique et social. Il est vrai que le plan d’action présenté s’articule sur 5 axes, soit la réforme de la Gouvernance et la consolidation de l’État de droit, la relance économique, le développement humain et la politique sociale de l’État, la redynamisation de la politique étrangère et enfin le renforcement de la politique de défense. Cependant, ce sont les questions économiques et sociales qui captent l’essentiel du débat et cela s’est d’ailleurs fait sentir au cours de la présentation du Premier ministre.
10 milliards USD pour les hydrocarbures
C’est dire l’urgence que représente la relance économique au regard de l’impact de la pandémie. En ce sens, AïmeneBenabderrahmane, qui a conservé sa casquette de premier argentier, s’est prêté volontiers à l’exposé du programme économique en présentant des objectifs chiffrés fixes à court terme. Au menu, le développement du secteur des hydrocarbures demeure parmi les priorités. Mais le gouvernement devra également se pencher à trouver les mécanismes pour mettre fin au syndrome hollandais dont souffre l’économie nationale. Il compte ainsi sur la réforme du système des subventions, l’amélioration du climat des investissements, la réforme du marché financier, la transition numérique, énergétique et le développement des cultures stratégiques ainsi que des industries agroalimentaires. Il s’agit aussi du développement du tourisme et de l’industrie pharmaceutique. C’est dans ce sens que le Premier ministre a annoncé une hausse significative des investissements dans le secteur des hydrocarbures, lesquels devraient passer de 7,4 mds USD en 2021 à près de 10 mds USD en 2023, car les hydrocarbures demeurent la locomotive du développement économique. Et c’est ainsi qu’il explique que les réformes entamées par l’Etat en vue du développement du secteur de l’énergie et des mines se poursuivront à travers la valorisation des ressources naturelles, grâce à l’augmentation du transfert dans le secteur des hydrocarbures de 30% actuellement, à 50% en 2022. Au-delà des hydrocarbures, l’économie nationale doit faire face au défi de la diversification, à travers le développement de nouveaux relais de croissance, dans le secteur de l’énergie et des mines, d’abord. C’est ainsi que des objectifs ont été fixés dans le cadre du plan de développement et de valorisation des richesses minières. Il s’agit selon Benabderrahamne de remédier au fait que ce secteur « a pâtit de l’inexistence d’une stratégie nationale aux contours clairs et il est temps d’œuvrer à la promotion de ce secteur, à même de permettre de répondre aux besoins nationaux en matières premières minérales et, partant, réduire la facture d’importation ». Il s’agit aussi de mettre en œuvre la stratégie devant assurer la transition énergétique et mettre en place les mécanismes à même de permettre d’atteindre l’objectif de produire 15.000 mégawatts d’énergies renouvelables d’ici à 2035.
La réforme financière, mère des réformes
Au-delà, la principale problématique sur laquelle est attendu le gouvernement Benabderrahmane est celle de la relance économique après le coup d’arrêt imposé par la crise sanitaire. Un redémarrage qui ne peut se concevoir sans le redéploiement et la modernisation de la gestion du secteur économique public, l’implication effective du privé national dans la vie économique et la promotion de l’investissement. Des priorités qui dépendent d’un certain nombre de réformes qui sont incontournables. Et la mère de ces réformes reste la réforme bancaire et financière. A ce propos, le chef de l’Exécutif est on ne peut plus clair : la réforme financière est l’un des piliers de la reprise économique. La feuille de route qu’il propose s’appuie d’ailleurs sur la professionnalisation du secteur et le renforcement des services bancaires et financiers, ainsi que le redéploiement des réseaux d’agences bancaires pour améliorer l’inclusion financière et d’absorber la masse monétaire en circulation dans l’informel. C’est ainsi qu’il a affirmé que « le Gouvernement s’emploiera à consolider les piliers de la reprise économique via une réforme globale et la modernisation du système bancaire et financier pour le rendre plus efficace et plus attractif, renforcer son apport au développement de l’économie nationale, améliorer sa gouvernance, promouvoir le professionnalisme de ses différents acteurs et densifier le réseau des banques et des assurances ». Dans ce cadre, Benabderrahmane a annoncé l’ouverture d’agences bancaires à l’étranger et l’accélération du rythme de numérisation des systèmes de paiement, précisant que le Gouvernement compte ouvrir tous les ans 30 nouvelles agences bancaires (publiques et privées) et augmenter le nombre des agences d’assurances de 5% par an. Ce plan s’appuie également sur le développement des moyens de paiement électronique, ainsi que de la finance islamique.
Le Premier ministre a également affirmé que le gouvernement œuvrera au développement des filières industrielles qui contribuent à la diversification économique par voie de création d’une instance jouissant de larges prérogatives pour la gestion des mécanismes octroyant divers avantages et incitations aux entreprises industrielles en vue de mieux cibler ces avantages et orienter les investissements industriels vers les régions à grandes potentialités et définir les activités en recul. Un plan qui s’appuie aussi sur la mise en œuvre d’une véritable politique de substitution des importations par la production locale. Il s’agit notamment de l’augmentation de la production des produits agricoles, notamment les céréales, de manière à accroitre la production à 65 millions de quintaux en 2022 et 71,8 millions de quintaux en 2024. Le Gouvernement est déterminé à augmenter la production en agroalimentaire d’ici à 2024 pour couvrir à 25 % les besoins nationaux en l’huile de colza, à 33 % en maïs et à 95 % en semences de pomme de terre, a fait savoir Benabderrahmane. Il a également mis en avant l’objectif de réduction de la facture des médicaments importés de 500 millions de dollars dès cette année, grâce à la relance de l’industrie pharmaceutique. Il a enfin mis en avant les efforts à consentir pour permettre de développer le secteur du tourisme, notamment les mesures à prendre pour faciliter l’octroi des visas aux touristes.
Subventions, emplois et retraites : des changements ambitieux
Les politiques sociales de l’État sont également concernées par de profondes réformes qui devront permettre d’accompagner les ménages les plus vulnérables, améliorer le pouvoir d’achat des ménages et faire barrage aux abus en mettant fin aux niches d’enrichissement illicite. Et la réforme des subventions vient en première ligne des changements attendus. C’est dans ce contexte que le Premier ministre et ministre des Finances a indiqué qu’à travers sa politique sociale, le Gouvernement « s’engage à consolider le pouvoir d’achat des citoyens et à garantir la promotion et l’amélioration de la prise en charge des catégories vulnérables, en développant des mécanismes transparents assurant le ciblage optimal des véritables bénéficiaires, notamment l’achèvement du projet du registre social unique ». Benabderrahmane a en outre fait savoir que le Gouvernement s’emploiera à « mettre en exécution la décision de Monsieur le Président de la République portant sur l’institution d’une allocation chômage qui sera destinée aux chômeurs primo demandeurs d’emploi, sans revenu ». A ce titre, « l’Agence nationale de l’emploi sera chargée de la gestion du nouveau dispositif », a-t-il dit. « La préservation et la consolidation du système de sécurité sociale et de retraite sont inscrites en tant qu’actions prioritaires du Gouvernement, qui œuvrera à l’élargissement de la base cotisante et à l’intégration progressive des personnes actives, occupées au niveau du secteur informel », a souligné le Premier ministre. Il ajoutera que le Gouvernement « engagera la réflexion sur la création de la branche retraite complémentaire pour améliorer le pouvoir d’achat des retraités bénéficiaires et contribuer au redressement des équilibres financiers de la branche retraite, ainsi que l’augmentation de la contribution des mutuelles sociales dans le cadre du système national de sécurité sociale ».
Consolider l’État de droit
Sur le plan politique, Benabderrahmane a affirmé que le Gouvernement « s’emploie à consolider les libertés et moderniser la justice, en renforçant son indépendance et son efficacité par la révision des lois organiques relatives aux statuts de la magistrature et au Conseil supérieur de la magistrature, dont l’installation est prévue avant la fin de l’année ».
Il s’agit aussi d’« améliorer la qualité et l’efficacité de l’action judiciaire et du service public lié à la justice », ainsi qu’à faciliter « l’accès à la Justice, notamment en révisant le cadre juridique de l’assistance judiciaire, le renforcement des mécanismes qui facilitent cette assistance et l’amélioration des performances du système pénal ».
Le Premier ministre s’est engagé, dans le cadre de l’exercice des droits et des libertés, à accorder « plus de flexibilité au cadre juridique relatif à la création d’associations et de partis politiques, ainsi qu’au droit d’exercice des libertés, de réunion et de manifestation pacifique dans le cadre du strict respect des lois de la République ». Le chef de l’Exécutif soulignera que ces droits « devront être renforcés à travers une presse et des médias libres et responsables qui œuvrent pour garantir le droit du citoyen à une information objective et crédible ». Par ailleurs, le même responsable a souligné que le renouvellement de la gouvernance pour « une performance plus efficace et une plus grande transparence » revêt un « caractère stratégique » étant une « condition essentielle » à la réussite de toute réforme dans tous les domaines.
Chokri Hafed