Le ministre des Affaires étrangères en visite au Mali : Lamamra recadre Macron
Le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, Ramtane Lamamra n’est pas allé par trente six chemins pour fustiger l’attitude de la France officielle néo-colonialiste vis-à-vis del’Afrique en décochant des flèches sibyllines au Président Emmanuel Macron.
Cette attitude de la France officielle demeure toujours guidée par l’esprit colonialiste de certains responsables politiques souffrant d’une « faillite mémorielle intergénérationnelle » que « trahissent les propos tenus récemment sur l’Algérie et le Mali ». Cette réaction du chef de la diplomatie algérienne marque la consécration de la nouvelle doctrine politique du pays en matière de partenariat, assise sur le respect mutuel et le traitement d’égal à égal dans les rapports entre l’Afrique et ses partenaires. Et le ministre des Affaires étrangères n’y est pas allé de main morte pour recadre les responsables politiques français sommés de respecter la souveraineté des pays africains, indépendants depuis plus d’un demi-siècle. Pour le chef de la diplomatie algérienne il s’agit aujourd’hui d’achever le processus de décolonisation en mettant fin aux attitudes et aux interventions néocolonialistes. Il a ainsi indiqué que «la France officielle a besoin de décoloniser sa propre histoire, afin de réparer en urgence la faillite mémorielle qui est malheureusement intergénérationnelle chez certains nombre d’acteurs de la vie politique française parfois au niveaux les plus élevés». Ainsi, Ramtane Lamamra a affirmé que «nos partenaires étrangers ont besoin de décoloniser leurs propres histoires.Ils ont besoin de se libérer de certaines attitudes, de certains comportements, de certaines visions qui sont intrinsèquement liées à la logique incohérente portée par la prétendue mission civilisatrice de l’Occident qui a été la couverture idéologique, utilisée pour essayer de faire passer le crime contre l’humanité qui a été la colonisation de l’Algérie, la colonisation du Mali, la colonisation de tant de peuples africains». Et d’ajouter : «la décolonisation qui doit s’opérer aujourd’hui est une décolonisation qui s’annonce comme une priorité pour remédier à la faillite mémorielle que trahissent les propos tenus récemment sur l’Algérie et le Mali par la France officielle». Plus explicite, le chef de la diplomatie algérienne a estimé que «cette faillite mémorielle est malheureusement intergénérationnelle chez certains nombre d’acteurs de la vie politique française parfois aux niveaux les plus élevés», expliquant au passage que «cette faillite mémorielle, qui pousse les relations de la France officielle avec certains de nos pays dans des situations de crises malencontreuses, devrait pouvoir s’assainir par le respect mutuel inconditionnel, respect de nos souverainetés, respect de notre indépendance, et par des décisions et acceptation de partenariat sur une base de stricte égalité». Continuant sur sa lancée, Lamamra a soutenu que «dans les relations qu’entretiennent l’Algérie et le Mali avec la France, il n y a pas de cadeau, mais une logique de donner et de recevoir», précisant que dans les relations avec «le partenaire français, il y a une logique de donner et de recevoir, il n’y a pas de cadeaux, il n’y a pas de front à sens unique». Mais, «il y a des intérêts stratégiques, des intérêts économiques, des intérêts bien compris qui ne peuvent durer, qui ne peuvent être promus, qui ne peuvent se consolider et subir l’épreuve de la durée que dans le respect mutuel et l’équilibre des intérêts», explique-t-il. Le message est très clair. Les rapports entre l’ancienne puissance coloniale et ses anciennes colonies d’Afrique devront changer et être assis sur le pragmatisme, les intérêts mutuels et le respect de la souveraineté de chacun. Là encore, Ramtane Lamamra a explicité sa pensée en affirmant qu’«en tant que pays africains fortement attachés à notre indépendance nationale nous nous tenons aux côtés du Mali frère et nous rappelons à qui veut bien nous entendre et entendre la voix de la raison que l’Afrique qui est le berceau de l’humanité, est également le tombeau du colonialisme et du racisme et la lutte de libération nationale du peuple algérien a contribué à l’accélération de cette histoire et nous en sommes très fiers».
L’Algérie et le Mali, étroitement liés
Par ailleurs, le ministre des affaires étrangères a délivré un message très fort aux Français en parlant des relations algéro-maliennes. Il a réaffirmé que «les destins de l’Algérie et celui du Mali sont étroitement liés», en réitérant la détermination des deux pays à travailler ensemble, afin de résoudre les problèmes communs. Une déclaration qui confirme une reprise en main de l’Algérie dans la gestion du dossier de la crise au Mali à travers la mise en œuvre de la feuille de route tracée dans l’Accord d’Alger.
Et pour cause, Lamamra a souligné qu’ «il est tout à fait clair que le destin de l’Algérie et le destin du Mali sont étroitement liés. Et nous ne pouvons donc en d’autres circonstances que témoigner nos solidarités agissantes et travailler comme nous le faisons normalement à régler ensemble nos problèmes pour que nous puissions nous projeter dans l’avenir avec confiance, avec courage et détermination, convaincus que nous sommes, que la solution à nos problèmes est entre nos mains». Rappelant les relations historiques entre les deux Etats, Ramtane Lamamra a mis l’accent sur la contribution qu’a apportée le Mali durant la révolution algérienne, en permettant notamment aux membres de l’Armée de libération nationale (ALN) d’ouvrir un front dans ce pays sahélien. Les Algériens lisent dans leur livre d’histoire la contribution inestimable qu’a apportée le Mali à travers la décision souveraine du président Modibo Keita en 1960, dès l’indépendance du Mali, d’ouvrir à l’armée de libération nationale algérienne la frontière commune, afin que notre armée de libération nationale puisse ouvrir un front contre le colonialisme pour que, l’indépendance de l’Algérie qui était inévitable en 1960 après des années de lutte et du sacrifice, (…) se fasse dans le respect de l’intégrité territoriale de notre pays, relève-t-il.
Ramtane Lamamra a indiqué que «cette ligne de front à partir du Mali était un acquis historique qui fonde une solidarité réelle, une solidarité dans l’épreuve, une solidarité par laquelle la République du Mali qui venait de reconquérir son indépendance était prête à payer un prix élevé», affirmant que «l’Algérie d’aujourd’hui est fidèle à son épopée libératrice est reconnaissante au peuple malien de cette position historique». Notons que le chef de la diplomatie algérienne, envoyé spécial du Président de la République M. Abdelmadjid Tebboune, précise qu’il s’est rendu à Bamako « pour témoigner la solidarité agissante de l’Algérie au peuple et au gouvernement maliens ».
Faiçal Bedjaoui