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Les jeunes Africains recadrent Macron : « Récurez votre marmite, elle est sale ! »

En dépit des efforts consentis par les organisateurs de ce 28e « sommet » France – Afrique, le 8 octobre, à Montpellier, le doute et la suspicion restent ancrés dans l’esprit des jeunes africains qui doutent de la sincérité de cet exercice et appréhendent l’instrumentalisation. C’est dire que la nouvelle génération africaine voit en l’ancien colonisateur un prédateur de qui il faut se méfier et reste sur ses gardes. Les jeunes africains sont conscients que si la France  veut sincèrement que l’Afrique finisse par s’en sortir un jour, il faudrait d’abord lui laisser un peu de ses talents et mettre fin à la chasse à l’intelligence africaine. La fuite sciemment organisée des cerveaux africains, une autre richesse indument exploitée, reste une autre façon de maintenir la mainmise sur le continent noir.

En organisant son « sommet France-Afrique » tout en prenant un malin plaisir à mépriser les chefs d’Etat et inviter des jeunes africains, Emmanuel Macron, bousculé, était loin de se douter de ce qui l’attendait. Le haut niveau d’éveil de ses invités l’a laissé pantois et réalise à peine qu’il est tombé de Charybde en Scylla. Mal lui en prit. Hautement politisés et mus par un sursaut de dignité des peuples du contient noir, les jeunes invités du président français ont donné une leçon d’humilité à leur hôte. Les échanges furent à la grande surprise de l’initiateur du forum à la hauteur des aspirations de la jeune génération africaine. Celles de changer d’abord les éléments de langages usités par la France et ses responsables vis-à-vis de l’Afrique qu’ils considèrent toujours comme une colonie et les africains comme des êtres soumis et de second rang. Ils lui recommandent de commencer par changer l’appellation de ce genre de forums. Afrique-France est ainsi plus approprié que France-Afrique. « Arrêtez votre discours paternaliste ! Nous n’avons pas besoin d’aide, nous avons besoin de coopération », intimera l’activiste malienne,  Adam Dicko comme pour signifier que les Africains n’ont pas besoin de « protection » mais plutôt de considération. Macron en aura pour son argent quand la jeune kényane Adelle Onyango lui demande de s’engager  à mettre « fin à la Françafrique et ses pratiques opaques » relevant au passage « l’arrogance » affichée par l’ancien colonisateur qui continue à donner en mauvais prof « des leçons de démocratie » à l’Afrique.

L’Afrique aux Africains

Les récentes maladresses commises par le président français à l’égard de pays africains, l’Algérie et le Mali entre autres ne sont pas passées sous silence. Les intervenants ont relevé comme une seule voix ce comportement « arrogant » que continuent à adopter les officiels français vis-à-vis de leurs anciennes colonies auxquelles Macron refuse de demander pardon pour des siècles entiers d’esclavagisme, d’exploitation, de spoliation et de profit des richesses africaines appauvrissant le continent africain et ses populations. D’où l’insistance des intervenants à refuser les prétendues « aides au développement ». En intervenant, l’historien et politologue ivoirien,  Arthur Banga, appelle à « la fermeture des bases militaires françaises en Afrique et à l’arrêt des interventions militaires  décidées par les humeurs françaises pour soutenir +des régimes amis+ ». Il exige que la France fasse son travail de mémoire sur l’esclavage et la colonisation et restitue les œuvres culturelles pillées d’Afrique. « Cette reconnaissance permet de créer une relation plus apaisée et plus constructive entre nos peuples et nos jeunesses », dira-t-il avant d’appeler la France « à changer son langage lorsqu’il s’adresse à l’Afrique. On ne parlera plus d’aide au développement, mais de partenariat et de co-construction ». Plus démonstrative, l’intervenante Eldaa Koama, fondatrice de la plateforme collaborative Yocowork du Burkina Faso, invite Macron à récurer « la marmite sale » parlant de l’Afrique « sinon vous allez la manger tout seul et sans appétit » en usant d’une pointe d’humour. Elle fustige le président français sur « le vocabulaire dévalorisant utilisé par la France lorsqu’elle s’adresse à l’Afrique, en citant l’expression de « l’aide au développement » considérant que « ce type d’aide rend esclave, empêche les populations de s’en sortir par elles-mêmes, par leurs propres capacités » et « elles peuvent le faire », assénera-t-elle. Macron qui reste évasif sur certaines questions posées par les onze intervenants réalise à peine quels seront les futurs responsables africains auxquels la France doit faire face. Les temps ont bel et bien changé et les Africains aussi. Ils comptent désormais définir leur propre avenir en maîtres de leur destinée. Un message que ne pourra comprendre Emmanuel Macron dont le regard reste tourné vers l’Afrique des « Bwanas » et qui refuse de donner des réponses satisfaisantes à ses interlocuteurs, de présenter des excuses pour les siècles d’esclavages, de colonisation et de spoliation des peuples africains.

Macron a cru bon d’inviter des jeunes choisis arbitrairement, en croyant que ces derniers auraient rompu avec le mémoire. Mais ces derniers ont démontré que l’Afrique, sa mémoire, ses richesses, son avenir appartiennent aux Africains. Et sur cela il y consensus au sein des peuples, de la société civile et des États et de leur diplomatie. Un principe sur lequel a d’ailleurs insisté le chef de la diplomatie algérienne Ramtane Lamamra lors du forum Afrique-Italie organisé vendredi à Rome et une fois encore hier à Alger en marge de la Journée de la diplomatie.Ramtane Lamamra a tenu à préciser que « la défense des intérêts de la nation, la contribution à l’instauration de la sécurité et de la stabilité régionales et le renforcement des liens avec l’Afrique et le Monde arabe seront au cœur de l’activité diplomatique de l’Algérie, les années à venir ». Une façon sibylline de dire que l’Afrique sera désormais aux seuls africains. Un principe que partagent largement tous les chefs d’Etat du continent noir décidés à en finir avec la Fraçafrique et sa mainmise.

Azzedine Belferag

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