Débats

Le changement climatique est aussi une crise sanitaire

Par Julia

Julia Gillard, ancienne première ministre australienne, est présidente du Wellcome Trust.

Le risque posé par le covid-19 à la santé humaine est maintenant bien compris partout dans le monde. Par contre, la menace colossale que représente le réchauffement planétaire pour la santé, avec un large éventail d’effets à long terme sur le bien-être humain, est mal comprise et sous-estimée.

Pourtant, le changement climatique porte déjà préjudice à la santé humaine. Lors de la mousson au Bangladesh en 2020, par exemple, plus d’un quart du pays a été inondé. Au moins 1,3 million de maisons ont été endommagées et des centaines de personnes ont péri. La hausse du niveau de la mer provoquée par le changement climatique fera que ces événements deviendront plus fréquents dans des pays de faible altitude comme le Bangladesh. D’autres régions du monde seront également exposées au risque d’inondations d’une ampleur similaire.

Les fortes inondations ne détruisent pas seulement les maisons. Elles font déborder les eaux usées non traitées, contaminant l’eau potable et propageant les infections. Elles détruisent les cultures, augmentant l’incidence de la malnutrition. Et la montée du niveau de la mer rend l’eau potable plus salée, ce qui accroît les taux d’hypertension artérielle, de pré-éclampsie et de naissances prématurées.

 Ce ne sont pas, tant s’en faut, les seuls risques sanitaires engendrés par le changement climatique. La hausse des températures augmente les cas de malaises graves attribuables à la chaleur. Et les sécheresses prolongées, comme les inondations graves, réduisent la productivité et les rendements agricoles.

Les nombreuses façons dont le réchauffement climatique affectera notre santé ne sont pas encore pleinement comprises. Mais ses conséquences se précisent au fur et à mesure que les modifications de notre environnement prennent une tournure plus dramatique.

La communauté internationale doit de toute urgence adopter une stratégie globale pour minimiser les maladies et les décès liés au dérèglement climatique dans les décennies à venir. Comme dans le cas de la pandémie du Covid-19, il faudra que les gouvernements et les scientifiques coopèrent pour trouver des solutions efficaces. Limiter la hausse future des températures sera l’une des composantes de toute approche effective, et l’adaptation à un climat plus chaud en sera une autre. Mais ces deux impératifs doivent être poursuivis de manière à protéger – voire à améliorer – la santé publique.

La conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP26) qui se tient actuellement à Glasgow est l’occasion idéale pour les dirigeants du monde entier de prouver qu’ils comprennent que le réchauffement climatique est aussi une crise sanitaire et qu’ils ont tiré les enseignements des succès et des échecs de la riposte à la pandémie. En moins de deux ans, le Covid-19 a causé des millions de morts et bouleversé nos vies. Nous avons vu comment les scientifiques, les gouvernements et les entreprises ont coopéré pour développer des outils de diagnostic, des traitements et des vaccins. Mais nous avons également vu comment des intérêts nationaux à courte vue et les inégalités socioéconomiques ont limité l’accès à des options abordables, faisant perdurer la crise.

Les dirigeants mondiaux réunis pour la COP26 ont une occasion historique de montrer qu’ils comprennent que le changement climatique n’est pas seulement un défi environnemental pressant, mais également l’un des défis sanitaires les plus urgents que le monde ait jamais connu.

Les gouvernements ne sont pas seuls dans ce combat. Il incombe aux organisations de la société civile de soutenir les efforts déployés au cours des prochaines décennies pour relever les défis sanitaires mondiaux engendrés par le changement climatique. Nous devons mettre en place un processus mondial de collaboration qui génère, valorise et, surtout, utilise des preuves scientifiques pour lutter contre le changement climatique et améliorer la santé de tous. La fondation caritative en médecine Wellcome Trust, dont je suis présidente, s’est engagée à financer les recherches qui permettent de mieux comprendre et répondre aux effets négatifs du réchauffement planétaire pour la santé. Elle entend également plaider avec force pour que la recherche et les preuves scientifiques soient au cœur de l’élaboration des politiques.

Comme pour toute menace pour la santé, prévenir vaut mieux que guérir. Il n’y aura pas de vaccin pour immuniser les gens contre les effets des vagues de chaleur, des feux de forêt, des sécheresses et des inondations graves, si bien que réduire la rapidité avec laquelle les températures mondiales augmentent actuellement est la meilleure mesure de prévention à notre disposition, et cela signifie réduire les émissions de gaz à effet de serre.

 Fort heureusement, la réduction des émissions peut avoir un effet direct et positif sur la santé. Par exemple, la transition mondiale des combustibles fossiles vers les énergies renouvelables pourrait augmenter l’espérance de vie moyenne dans le monde d’au moins un an. De même, l’adoption généralisée de régimes alimentaires riches en légumes et pauvres en viande réduira les émissions de gaz à effet de serre et diminuera le risque de maladies cardiaques, de cancers et de démence.

Mais si la réduction des émissions de GES permettra de limiter les préjudices futurs, elle ne supprimera pas les risques sanitaires qu’impliquent déjà des décennies de réchauffement climatique. Nous n’avons pas d’autre choix que de nous adapter à la vie sur une planète plus chaude.

Face à la menace croissante d’inondations de grande ampleur, de nombreuses communautés côtières – notamment aux États-Unis, au Kenya et au Vietnam – plantent des forêts de mangroves. Ces écosystèmes de marais maritimes comprennent des arbres qui poussent dans l’eau salée et qui offrent une protection naturelle contre la montée des océans. Les mangroves favorisent également la biodiversité et sont propices à l’aquaculture et à l’établissement de jardins maraîchers flottants.

La tâche est aujourd’hui de concevoir un ensemble d’options créatives que les populations du monde entier pourront utiliser pour décider de la meilleure façon de se protéger et de protéger leurs communautés. Traiter les symptômes inévitables d’une planète plus chaude et aider les communautés à s’adapter relève de la responsabilité des pouvoirs publics, mais un certain niveau de coordination internationale, ainsi que l’acquisition de nouvelles connaissances, qui ne peuvent être fournies que par une stratégie mondiale convenue sur le climat et la santé, sont également nécessaires.

La tâche est considérable et le temps presse. Mais la science est là pour nous guider.

Copyright : Project Syndicate, 2021.

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