Thèse de l’inversion des flux de gaz sur le GME : Les mensonges du Makhzen mis à nu
Le transit du gaz algérien via le territoire marocain a été suspendu le 1er novembre. En mal d’alternatives viables, le Makhzen tente de minimiser l’impact de la décision algérienne sur l’approvisionnement du Maroc en gaz, en usant d’une propagande surréaliste. L’une des thèses avancées par le Makhzen est le recours à l’inversion des flux du Gazoduc Maghreb-Europe pour se fournir en gaz à partir de l’Espagne. Or, cette thèse souffre de problèmes importants. D’abord parce que l’Espagne n’est pas productrice de gaz, mais aussi l’inversion des flux pose des problèmes sur le plan technique en ce qui concerne l’opportunité et la rentabilité économique. Et c’est ce que les experts soulignent. L’expert en stratégies pétrolières, Mourad Preure estime que ces éléments de langage déployés autour de l’inversion du flux gazier, de l’Espagne vers le Maroc « étonnent plus d’un spécialiste! ». Il justifie la démarche algérienne en rappelant que « les pays de transit sont toujours une incertitude forte pour les producteurs de gaz qui déploient tous les moyens pour s’en affranchir ».
Abordant la thèse makhzenienne, l’expert énergétique Mahmah Bouziane abonde dans le même sens, en affirmant que « techniquement, cette inversion est faisable. Mais cette opération a un coût et nécessite plusieurs modifications sur les installations. Il faudrait aussi du temps pour la réaliser. Le coût du gaz serait très cher pour le Maroc ». Ce qui fait, ajoute-t-il dans sa déclaration à l’APS, « qu’avec le GNL importé à des prix plus chers que le GN, sans oublier les frais de transport. Il faudrait aussi installer des unités en Espagne pour pouvoir reconvertir le GNL en gaz naturel pour l’acheminer via le GME ».
Une alternative, affirment de nombreux experts, qui, au regard de la « clause de destination » contenue dans les contrats gaziers à long terme, du moins pour ce qui est des contrats de Sonatrach avec ses clients, exige de ces derniers d’avoir l’accord préalable du fournisseur pour réexporter le gaz qu’il leur fournit. Et, au cas où le fournisseur accepte, le client sera alors appelé à partager le bénéfice réalisé sur cette transaction (exportation du gaz importé) avec l’exportateur initial.Ainsi, au vu de cette situation compliquée marquée également par le manque de bénéfice pour ledit client, inverser le flux gazier d’un gazoduc demande de l’investissement et du temps. Ce qui fait qu’un pays comme l’Espagne, par exemple, préfèrerait sans doute, en cas où il opterait pour un tel choix, revendre le gaz importé, non pas par gazoduc, avec un contrat à terme, mais sur le marché SPOT dont les prix se sont multipliés par 6 depuis le début de l’année.
Enfin, Mourad Preure ira jusqu’à dire que vu la crise grave avec le Maroc, le risque de voir le flux gazier vers l’Espagne s’interrompre aurait été sérieusement posé si le contrat GME, transitant par le voisin hostile, avait été renouvelé. » Il n’y a jamais eu de rupture d’approvisionnement de nos clients gaziers. Ils nous reconnaissent d’ailleurs cette performance », assure-t-il tout en rappelant enfin que « même durant la décennie noire, et avec les risques terroristes, les clients de l’Algérie ont été rassurés et ont investi avec elle dans le secteur des hydrocarbures ».
Kamel Nait Ameur