D’une dimension géopolitique continentale et mondiale : TSGP, le coup de starter !
La réalisation de gazoduc transsaharien (TSGP) devant relier les champs gaziers nigérians aux infrastructures d’exportations algériennes entre dans sa phase effective.
Lundi, le ministre de l’Énergie et des Mines, Mohamed Arkab et ses homologues du Nigeria et du Niger, par lequel doit également transiter le gazoduc, se sont accordés à lancer, dans les délais les plus brefs, les travaux d’un projet qui permettra d’imposer les producteurs africains en tant qu’acteurs majeurs du marché méditerranéen, voire mondial, du gaz, dans un contexte géopolitique qui a démontré le rôle que l’or bleu est appelé à jouer à l’avenir. Il s’agit aussi de jeter les jalons d’un marché africain de l’énergie intégré, de créer des synergies entre les grands groupes pétroliers africains et de consolider ainsi la souveraineté énergétique et économique africaine. Des objectifs qui ont d’ailleurs été clairement affichés, lundi à Abuja, lors de la réunion tripartite sur le TSGP. Un projet qu’il est possible de mettre en service en trois années, avait d’ailleurs indiqué dimanche dans un entretien au quotidien allemand Der Spiegel, Mohamed Arkab. Une échéance tout à fait réaliste au regard de l’existence d’infrastructures déjà prêtes, en Algérie, et d’ailleurs mises en avant par la Sonatrach, mais aussi au regard de la volonté manifeste des trois pays de réaliser au plus vite les équipements devant permettre la jonction entre le Nigéria et l’Algérie via le Niger.
Dans ce sens, le ministre de l’Énergie et des Mines a indiqué lundi à l’issue de la réunion l’ayant regroupé avec le ministre d’Etat nigérian des ressources pétrolières, Timipre Sylva et le ministre nigérien de l’Energie et des énergies renouvelables, Mahamane Sani Mahamadou, qu’il a été convenu de « poser les premiers jalons de ce projet, à travers l’entame des études techniques, en prévision de sa concrétisation sur le terrain dans les plus brefs délais ». Il a été convenu également de la poursuite des concertations par le biais de l’équipe technique, formée lors de cette réunion et chargée d’élaborer toutes les clauses, ainsi que les études techniques et financières et les études de faisabilité relatives à la concrétisation du TSGP, ajoute le ministre. Les trois ministres ont convenu d’organiser la prochaine réunion tripartie dans une courte période, au plus tard fin juillet, en Algérie, a précisé le ministre. Selon les estimations financières établies lors de son lancement en 2009, le coût d’investissement de ce projet était estimé à 10 milliards de dollars.
TSGP et Galsi pour dominer le marché du gaz
Mohamed Arkab a d’ailleurs tenu à souligner l’importance géopolitique du Gazoduc et a fait savoir que « la relance du projet enregistré dans le cadre de la mise en œuvre du NEPAD intervient dans un contexte géopolitique et énergétique marqué par une forte demande sur le gaz et le pétrole, d’une part, et la stagnation de l’offre d’autre part, à cause de la réduction des investissements notamment en matière de prospection gazière et pétrolière depuis 2015 ». Le ministre a également estimé que le TSGP « était un exemple de la volonté de nos trois pays à mettre en place une infrastructure régionale d’envergure internationale qui soit conforme à nos objectifs nationaux et à nos obligations internationales en tant que pays engagés à réduire l’empreinte carbone et sécuriser l’approvisionnement des marchés en gaz naturel ».
Selon M. Arkab, ce projet constitue également « une nouvelle source d’approvisionnement pour des marchés constamment sollicités, compte tenu de la place que le gaz naturel occupera dans le mix énergétique à l’avenir ». Il faut dire que ce projet permettra à l’Algérie, tout comme au Nigeria de dominer le marché méditerranéen du gaz. Le TSGP permettra à moyen terme de transporter, sur les 4.000 km de son tracé de transporter jusqu’à 30 milliards de m3 de gaz jusqu’au infrastructures d’export et de pétrochimie algériennes.
Pour les experts, la réalisation de ce gazoduc est à la portée des pays concernés, d’autant plus qu’il bénéficie des opportunités offertes par l’Algérie en termes d’infrastructures à travers le réseau de transports, les stations de gaz naturel liquéfié (GNL) et les infrastructures de pétrochimie, ainsi que la position géographique proche des marchés de gaz. En sus des structures déjà existantes, l’Algérie dispose également de la possibilité de réactiver le projet de réalisation d’un second gazoduc la reliant à l’Italie, en vue d’augmenter les livraisons de gaz au marché européen. Une option que Mohamed Arkab a évoqué lors de l’entretien accordé à Der Spiegel. Il s’agit du Galsi, gazoduc d’une longueur de moins de 300 Km devant relier l’Algérie à l’Italie via la Sardaigne. Annoncé en 2009, le gazoduc d’une capacité de 8 milliards de m3 devait mobiliser un investissement de 3 milliards de dollars à l’époque. Il a dû être annulé en 2013, en raison des choix européens en matière d’approvisionnement en gaz. Un projet qui devrait susciter de l’intérêt de nouveau au regard de l’intérêt porté pour le gaz et du contexte géopolitique actuel. Conjugués, les structures gazières qu’offre l’Algérie, la concrétisation du TSGP et la possible réactivation du Galsi pourrait permettre au Gaz africain de s’imposer sur le marché mais aussi sur l’échiquier gazier et géopolitique.
Dimension africaine
Au-delà de l’enjeu géopolitique, le TSGP porte un enjeu stratégique continental, car il permettra de jeter les bases d’un marché africain du gaz intégré et de garantir des synergies entre les groupes énergétiques africains, assis sur des partenariats gagnant-gagnant et le partage de l’expérience et des savoir-faire, d’autant que la Sonatrach s’impose déjà en leader en la matière. Dans ce contexte, Mohamed Arkab a mis en avant le développement qu’apportera le TSGPaux populations locales et aux différentes régions de transit avec un tracé qui traverse le Nigeria, le Niger ainsi que l’Algérie et pouvant interconnecter d’autres pays, tel que le Mali et le Tchad. Le ministre a également souligné que ce gazoduc contribuera à l’émergence d’un marché africain de l’énergie, ainsi que la mutualisation du génie et des moyens des sociétés nationales d’hydrocarbures, pour le développement d’une industrie indépendante. A ce titre, M. Arkab a invité l’ensemble des parties et des équipes à participer « activement » à la réalisation de cet important projet, dans les délais requis, pour assurer l’approvisionnement des marchés et assurer un meilleur positionnement des trois pays (Algérie, Nigeria et le Niger) dans l’échiquier mondial de la transition énergétique et du développement durable.D’une longueur de 4.128 km dont 1.037 km en territoire nigérian, 841 km au Niger et 2.310 km en Algérie, ce gazoduc va relier les champs gaziers du Nigeria (à partir de Warri), en passant par le Niger, à la frontière algérienne, pour se raccorder au réseau algérien. Il permettra d’écouler la production gazière nigériane notamment sur les marchés européens. Sur son passage, le gazoduc transsaharien permettra également l’alimentation des régions du Nord, du Nord-est et du Centre du Nigeria, ainsi que des pays du Sahel.
La Sonatrach a d’ailleurs affiché, hier dans un communiqué, son engagement pour « la réussite de ce projet stratégique en s’appuyant sur les installations présentes et futures du réseau de transport d’hydrocarbures en Algérie, ainsi que sur l’expérience distinguée de Sonatrach dans de tels projets énergétiques ». « Des potentiels et des capacités qui donneront au projet une dimension économique, continentale et stratégique qui ouvre des perspectives prometteuses pour le continent africain et renforce les domaines de coopération entre ses pays, notamment les pays traversés par ce gazoduc », ajoute le groupe pétrolier national.
Samira Ghrib