Biden a achevé hier une tournée de 4 jours au Proche-Orient : Des promesses contre plus de pétrole et de normalisation
Biden n’est certes pas parvenu à convaincre Riadh de suivre l’exemple des Émirats arabes Unis et de normaliser officiellement ses relations avec l’Etat hébreu. Mais il peut s’enorgueillir tout de même d’avoir opéré une percée significative. Cette percée se traduit par le feu vert donné par l’Arabie Saoudite au survol de son espace aérien aux avions israéliens. Il s’agit en fait d’une normalisation qui ne dit pas son nom.
Le président américain Joe Biden ne rentrera pas bredouille de sa tournée de près de quatre jours au Proche-Orient. Il peut-être même satisfait de ses échanges avec ses homologues arabes, notamment Saoudiens. Le locataire de la Maison Blanche a d’abord réussi à convaincre les pétromonarchies du Golfe de desserrer les vannes de leurs puits de pétrole afin d’enrayer la hausse des prix du brut provoquée par la crise ukrainienne. Une hausse qui a commencé à impacter considérablement les économies occidentales en provoquant une spirale inflationniste (lire notre édition du jeudi 14 juillet 2022). A en croire Joe Biden, le premier pays à avoir répondu favorablement à sa doléance est l’Arabie Saoudite. Mais il peut compter autant sur le Qatar que sur les Émirats arabes Unis.
L’Émir des Émirats arabes unis, Mohammed ben Zayed al-Nahyane, a d’ailleurs anticipé sur la demande de Washington pour faire une offre de service. Il a déclaré mercredi dans son premier discours en tant que chef de l’État, que son pays restera un fournisseur « fiable » d’énergie. « Nous continuons à consolider la position du pays en tant que fournisseur d’énergie fiable et soutenant la sécurité énergétique mondiale», a déclaré Mohammed ben Zayed (MBZ), dont le pays est l’un des principaux exportateurs de pétrole au monde, derrière l’Arabie saoudite. Mohammed ben Zayed al-Nahyane a qualifié les énergies de «colonne vertébrale de la croissance et du développement économiques».
L’alliance entre l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et d’autres partenaires, dont les Emirats arabes unis sont membres, a lancé en mai 2022 une stratégie d’augmentation graduelle de son volume total de production, resté volontairement bas au plus fort de la pandémie de coronavirus. La hausse des cours du brut a d’ailleurs permis de stimuler les économies des pays producteurs d’hydrocarbures. Le souhait de Washington de voir leurs alliés du Golfe augmenter leur production de brut risque cependant de faire voler en éclat le consensus patiemment mis en place au sein de l’OPEP et de l’OPEP+ pour éviter un effondrement des prix du pétrole comme cela s’est déjà vu par le passé.
Néanmoins, il n’est pas certain que les prix du pétrole baisseront dans l’immédiat comme le souhaitent les Occidentaux. A ce propos, Joe Biden a prévenu lui-même qu’il ne fallait pas attendre un impact concret « avant plusieurs semaines ». Pourquoi ? Ces dernières années, il y a eu très peu d’investissements dans le secteur pétrolier. Il n’est donc pas évident que la demande mondiale soit entièrement satisfaite même si les pays producteurs pompent leur pétrole à plein régime, leurs capacités étant aujourd’hui limitées. Mais attention ! La hausse des prix du pétrole n’est pas la seule cause de l’inflation qui touche l’économie mondiale. L’inflation est surtout le résultat du phénomène de dé-mondialisation qui affecte l’économie mondiale. A ce facteur, il faudrait peut-être ajouter les problèmes liés aux coûts de transports des marchandises et à la rupture de la chaîne d’approvisionnement.
Le second objet de satisfaction pour le président américain a trait à l’évolution du dossier de la normalisation Israélo-arabe. Certes, il n’est pas parvenu à convaincre Riadh de suivre l’exemple des Emirats arabes Unis et de normaliser officiellement ses relations avec l’Etat hébreu. Mais il peut s’enorgueillir tout de même d’avoir opéré une percée significative. Cette percée se traduit par le feu vert donné par l’Arabie Saoudite au survol de son espace aérien aux avions israéliens. Il s’agit en fait d’une normalisation qui ne dit pas son nom. Joe Biden s’est d’ailleurs fait un malin plaisir à saluer la décision « historique » de Ryad d’ouvrir son espace aérien à « tous les transporteurs », y compris israéliens. Il a annoncé aussi des progrès au sujet d’un îlot stratégique en mer Rouge, situé entre l’Arabie saoudite, l’Egypte et l’entité sioniste. Du reste, il n’est un secret pour personne que les contacts entre Tel-Aviv et Riyad étaient déjà importants. Plus largement, Joe Biden a avancé dans son projet de construire une sorte d’alliance israélo-arabe dirigée contre l’Iran, pays qui est perçu par Washington, Israël et les monarchies du Golfe comme la plus grande menace dans la région. Dans une allusion claire à Téhéran où se rend bientôt le président russe Vladimir Poutine. Il déclarera d’ailleurs : « Nous ne tolérerons pas qu’un pays essaie d’en dominer un autre dans la région au travers de renforcement militaires, d’incursion, et/ou de menaces.»
Ce n’est pas tout. Devant la perte d’influence des Etats-Unis au Proche-Orient après notamment la décision d’Obama puis de Trump de concentrer leurs efforts sur l’Asie-Pacifique (une perte d’influence mise à profit par la Russie et la Chine pour avancer leurs pions), le président Biden a décidé de renforcer, à l’avenir, la présence de son pays dans la région. Il a même évoqué une nouvelle « vision » pour le Proche-Orient basée sur le « dialogue et la coopération économique et militaire ». Le président américain n’en dira pas plus.
Dans un discours prononcé hier à Jeddah, lors d’un sommet réunissant les six membres du Conseil de coopération du Golfe (Arabie saoudite, Emirats arabes unis, Qatar, Oman, Koweït, Bahreïn), ainsi que l’Egypte, la Jordanie et l’Irak, le locataire de la Maison Blanche a ainsi promis que son pays « ne se détournerait pas » du Moyen-Orient en laissant « un vide que pourraient remplir la Chine, la Russie ou l’Iran ». Soulignant qu’il était le premier président américain depuis les attentats du 11 septembre 2001 à se rendre au Moyen-Orient sans que l’armée américaine ne soit engagée dans une intervention militaire de grande ampleur. Biden affirmera devant un parterre de dirigeants arabes que « les Etats-Unis investissaient pour construire un meilleur avenir dans la région en coopération avec vous tous». Il a donc promis un cadeau à tous les peuples de la région, à l’exception des Palestiniens qui semblent avoir été sacrifiés (encore une fois) sur l’autel de la réconciliation israélo-arabe.
Khider Larbi