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Crise libyenne : Tripoli se prépare au pire

Les tensions entre les deux gouvernements rivaux en Libye vont crescendo. Et tout le monde s’attend au pire. 

Pour parer à toute éventualité, la capitale libyenne est passée en état d’alerte maximale jeudi soir. L’objectif : prévenir une possible escalade militaire entre, d’une part, les forces du gouvernement d’union nationale, basé à Tripoli) dirigé par Abdul Hamid Dbeibah et, de l’autre, les troupes affiliées à Fathi Bashagha, homme de main  de Khalifa Haftar, qui envisage de prendre le pouvoir par la force. «Ce soir, les forces du gouvernement reconnu par la communauté internationale se sont pleinement déployées et sont prêtes à défendre la capitale, dans le cas où Bashagha serait mal inspiré et décidait d’attaquer », rapportait jeudi soir sur Twitter Salah el-Bakkoush, ancien conseiller auprès du Congrès général libyen et du Haut-Conseil d’État, relayant une source au sein du gouvernement d’union nationale.

Le déploiement intervient quelques heures après la tenue d’une réunion extraordinaire à Tripoli. À l’initiative de Abdul Hamid Dbeibah, le président du Conseil présidentiel, Mohamed el-Menfi, ainsi que des cadres sécuritaires se sont réunis dans la capitale afin de discuter « des derniers développements en lien avec la situation sécuritaire et militaire », selon un communiqué. Alors que des incidents sécuritaires se sont multipliés tout au long de l’été, rythmés par les tentatives de coup de force du camp Bashagha et les escarmouches entre milices rivales, les observateurs craignent désormais une escalade militaire de plus grande ampleur. Le Comité national pour les droits de l’homme (National Commission for Human Rights in Libya, NCHRL) s’inquiétait ainsi jeudi, dans un communiqué, d’une « escalade armée » pouvant entraîner la Libye dans une « nouvelle guerre civile » et « mettre en danger l’unité géographique, sociale et nationale, la sécurité et la paix sociale » du pays.

L’inquiétude a été renforcée, ces derniers jours, par la multiplication d’échanges aux intonations belliqueuses. Alors que Fathi Bashagha publiait mercredi une lettre adressée au chef du gouvernement libyen, le sommant de « renoncer de manière pacifique au pouvoir », Abdul Hamid Dbeibah lui répondait le même jour en l’accusant d’« envoyer des messages et des menaces répétés dans le but de déclencher une guerre et de cibler les civils ». La communauté internationale, de son côté, multipliait les mises en garde et les rencontres au sommet dans une tentative désespérée d’éviter la confrontation. Raisedon Zenega, chef intérimaire de la UNSMIL (United Nations Mission in Libya), en l’absence d’un représentant permanent suite à la démission de l’émissaire spécial Jan Kubis, en novembre dernier, rencontrait mercredi Khaled al-Mishri, président du Haut-Conseil d’État libyen, deuxième Chambre du pays basée à Tripoli. Insistant sur la nécessité de « maintenir le calme et de désamorcer les tensions », M. Zenega rappelait le soutien de l’ONU au dialogue et l’impératif de « finaliser un cadre constitutionnel dans le but de tenir des élections nationales le plus rapidement possible ». Le cessez-le-feu d’octobre 2020, négocié sous l’égide des Nations unies un an et demi après l’offensive déclenchée par Khalifa Haftar en avril 2019, avait instauré un calme précaire à travers le pays. Avec la nomination en mars 2021 d’un gouvernement d’union nationale mené par Abdul Hamid Dbeibah, les Libyens avaient alors pu bénéficier d’un répit, près d’une décennie après le renversement par l’OTAN de Mouammar El Gueddafi. Mais l’échec du scrutin de décembre, couplé à la nomination d’un double exécutif et à l’enlisement des négociations entre parties rivales concernant l’adoption d’un cadre constitutionnel permettant l’organisation d’un nouveau scrutin, a finalement eu pour effet replonger le pays dans l’incertitude.

K.L. et agences

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